• CONTES ET LÉGENDES DU POIS SUCRE

    LA NAISSANCE DES SAISONS 

     

    – Le temps s’étant égaré en quelque chemin nouveau oublia, par les sentiers de l’existence certains de ses enfants. Par son ingratitude, il fit de ces oubliés, des petits orphelins. En fait, ni les uns ni les autres n’étaient réellement coupables de ce fait particulier. Certes, le responsable incontesté avait bien détourné son regard pour contempler longuement ce que l’on disait être alors l’éternelle nuit étoilée. Toutefois, des garnements, comme tous ceux de leur âge, un instant avaient lâché leurs mains et ce geste fut suffisant pour qu’ils se perdent de vue. Oui, dans la forêt, la moindre inattention peut être fatale. C’est précisément à cet instant que le maître du temps prit conscience de cette division et en profita pour les conduire sur des layons de sa connaissance où il prit un malin plaisir de les égarer. Constatant l’œuvre démoniaque qu’il venait de commettre, il pouffa de rire dans sa barbe, dont personne ne sut si elle était blanche ni si elle était longue ou courte, puisqu’aucune âme qui vit ne l’aperçut jamais. Il détourna donc son regard de la Terre, estimant qu’il avait bien d’autres étoiles à fouetter que de s’occuper de chacun des individus peuplant le monde.

    Cependant, bien que prétendant être le maître tout puissant de l’existence, il ignorait qu’à leurs heures, les hommes peuvent être eux aussi des disciples de Machiavel, inventant le mal, le créant et même l’amplifiant à volonté. Le temps se moquait d’eux ? Qu’à cela ne tienne. Ils décidèrent de se passer de lui, et firent tout ce qui était en leur pouvoir pour le transformer. Pour ce faire, ils commencèrent par le diviser, afin de pouvoir le quantifier plus commodément. Ainsi, de leur imaginaire naquit ce qu’ils dénommèrent la toute première fois, sans toutefois savoir exactement ce que signifiait ce terme. Qu’importe, ils jugèrent que pour avancer il était nécessaire de faire un premier pas, donc ce qu’ils venaient de créer devait les satisfaire.

    Eh ! Bien, contre toute attente, ils constatèrent vite que leur initiative était loin de leur apporter les éclaircissements recherchés ; le temps n’était pas matérialisé ! Les gens les plus expérimentés se retirèrent dans la forêt afin de ne pas être dérangés dans leurs réflexions. Combien de jours et de mois restèrent-ils dans leur monde ? Nul ne le sut vraiment, car hors la notion de l’an premier, ils n’avaient aucun autre repère sur lequel leurs yeux et leur entendement pussent se poser.

    Un matin, à l’heure où le jour peine à s’extraire des ténèbres, le groupe des érudits, comme on les nommait, revinrent au village. C’est alors que ceux qui les attendaient leur reprochèrent, que du temps, précisément, il en leur en avait fallut beaucoup, puisque leur barbe, s’était bien allongée. Mais chacun s’accorda à reconnaître que ce n’était pas sur ce point, si délicat fût-il, que résidait le problème. Les questions fusèrent donc de toutes parts. Une grande surface au milieu du village fut prestement nettoyée, aplanie et ratissée avec une application telle qu’elle se transforma en une page sur laquelle les premiers mots et croquis d’une nouvelle histoire s’ébauchèrent.

    Les savants tracèrent un cercle immense dont ils prétendirent qu’il était le temps, comme ils l’imaginaient présentement. Enfin, l’avaient-ils délimité pour décider qu’il serait la toute première fois, c’est-à-dire le départ, puisqu’il en faut un ! Parvenu à ce résultat, il ne restait plus qu’à organiser à nouveau ce temps pour l’instant abstrait, en d’autres fractions. Des noms circulaient afin que chacune des divisions ainsi obtenues puisse être reconnue et désignée par un mot différent. C’est de cette réflexion que le qualificatif de saison vit le jour.

    Contrairement à ce que l’on peut imaginer, on ne referma pas le grand livre de la vie. On se contenta d’effacer la première page après s’être assuré que les mieux nantis en mémoire se souviendraient des premières écritures afin de les traduire oralement lorsque le moment sera venu de les rappeler aux plus distraits.

    C’est alors que l’on découvrit que les saisons étaient trop longues, pour comprendre les agissements du temps et ensuite le matérialiser. Ce le fut d’autant plus, que la première de ce cycle ne fut autre que celle qu’ils s’empressèrent de nommer l’oublieuse. Sous sa gouvernance, l’homme se replie sur lui-même, son esprit n’est plus fécond, son teint devient terne et chaque matin voit sur son visage se dessiner une ride nouvelle, comme pour souligner l’intensité du désespoir prenant possession de son corps tout entier. La porte de sa demeure reste close, alors que celle de son cœur ne tarde pas à l’imiter.

    Oh ! Rassurez-vous. Ce n’est pas pour interdire à l’amour d’y pénétrer, mais surtout pour éviter à celui qui fut récolté précédemment, qu’il cherche à s’enfuir.

    Amazone. Solitude. Copyright 00061340-1

     

    Demain, si vous le désirez, nous visiterons l’hiver.


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