• DE DÉTRESSE EN BONHEUR

    DE DÉTRESSE EN BONHEUR– Souvent, avançant sur mon chemin de vie, il m’est arrivé de porter secours à de nombreux animaux en détresse. Certes, un homme voler vers un oiseau en difficulté n’est pas commun, me direz-vous, jugeant que pour une fois, les rôles sont inversés. Cependant, quand l’on a la chance de résider dans la plus grande volière du monde, celle dont les barreaux ne sont faits que de troncs d’arbres, de monts et de plaines, de savanes et de berges de fleuves ou de criques tranquilles. Au cours des interventions que nous dûmes mener, les mêmes réflexions revenaient se poster en nos esprits. Pourquoi la nature permet-elle de pareilles injustices, alors que chaque élément auquel elle a donné naissance est en mesure d’exiger d’elle qu’elle veille sur lui aussi longtemps que la vie l’habitera ? Oui, cela ne fait aucun doute ; chez elle, l’erreur fut inscrite dans sa feuille de route. Et puis, me dis-je, pourquoi avoir créé autant d’animaux dont l’estomac n’est jamais rassasié ?

    Parce que le grand problème de notre environnement est bien celui : la chaîne alimentaire ! On peut défendre toutes les espèces que chacun des maillons sera toujours en danger. Je sais, certains penseront que le dernier anneau est le nôtre, et qu’en conséquence nous ne risquons rien, ou si peu. Certes, nous sommes plus à l’abri que tous les autres, mais les obstacles qui nous guettent sont de natures différentes. Évidemment, à nos trousses ne nous poursuit pas une harpie couronnée ni un jaguar, sauf si malencontreusement, nous le sortons trop brutalement d’un rêve où il n’était question que d’un grand festin, à moins qu’il se vît choisir les meilleurs morceaux sur l’étal du boucher. Nous ne risquons pas à l’image de ce pauvre manakin à tête dorée de nous heurter sur le premier tronc dressé devant lui, pensant échapper au pire, alors que ce dernier l’attend au pied duquel où il tombe évanoui.

    C’est alors qu’il me vient à l’esprit de nombreux sauvetages, mais d’un tout autre genre. Il n’est plus question d’oiseaux ou d’animaux accidentés, mais de nos semblables. Le privilège qui nous fit marcher longtemps et en tous lieux nous permit d’aller au-devant de beaucoup de personnes meurtries. Certes, plus souvent l’étaient-elles dans leur âme que dans leur chair. Mais dans ce cas précis, les souffrances d’où elles proviennent sont identiques, car le cœur ne fabrique pas de larmes différentes en fonction des blessures infligées. Cependant, les soins sont les mêmes. D’abord, la main se tend, puis les paroles succèdent aux gestes. Les yeux brouillés se sèchent. De médicaments, il n’est pas fait appel. Les seuls remèdes efficaces ne sont que des mots simples qu’aucun emballage ne retient prisonniers, des regards empreints d’une grande tendresse et des si doux que parfois, ils ressemblent aux caresses. Mais le traitement ne s’arrêtera pas au bord du gouffre dans lequel fut précipitée la malheureuse victime. Il nous faut alors savoir écouter pour diagnostiquer la provenance du mal afin de découvrir en quel endroit du corps il a élu domicile. Puis, c’est l’heure de l’analyse, et enfin l’ordonnance. Le plus souvent, l’encre de l’empathie secrétée par notre cœur suffira pour sortir le malade de son coma passager. Une fois de plus, la grande tendresse dont on l’entourera ne sera rien d’autre que le baume qui apaise et les sourires achèveront le rétablissement.

    Vous pensez que pour le pauvre manakin ci-dessus il en fut différemment ? Détrompez-vous. Certes, entre nous il n’y eut pas de longs conciliabules, pas de questionnements, mais une succession de mots prononcés sur un même ton, comme s’il s’agissait d’une douce mélodie. Le blessé doit se sentir en sécurité ; et que d’une agression à laquelle il vient de survivre, il ne croit pas être tombé dans une autre. Les regards doivent se chercher et se trouver, et dans celui de la victime, l’angoisse doit finir par disparaître. Par le bec largement ouvert, le soupir qui s’en échappe ne doit être en rien semblable à celui que l’on dit être le dernier, mais au contraire à la première bouffée d’air qu’aspire le nouveau-né pour défroisser ses poumons. Ayant survécu à la mésaventure, après quelques battements d’ailes, l’oiseau va reprendre sa liberté. Sous vos doigts, vous sentez déjà le cœur retrouver son rythme. Le regard épiant dans la direction vers laquelle il va partir en toute sécurité. Alors, sur la main à plat, et après une hésitation, le voilà envolé. À quel moment savez-vous que le convalescent vous est reconnaissant, me demanderez-vous, bien que vous ne recherchiez pas ce sentiment particulier qui anime les êtres capables de l’exprimer ? Vous avez la certitude que vous n’avez pas été indifférent quand l’oiseau revient plusieurs jours vous saluer à sa façon, avant de disparaître pour toujours.

    Concernant les personnes secourues, il en va de même. Vous devinez qu’elles guérissent quand elles viennent vous remercier avec leurs plus beaux sourires, avant, elles aussi, de poursuivre leur chemin. C’est alors que vous comprenez qu’elles vous sont reconnaissantes, car leurs sentiments s’affichent dans leurs yeux qui brillent d’un éclat exceptionnel.

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