• Le ciel de mon ami

    Le texte qui suit fut publié en octobre dernier. Si je vous le propose en ce triste soir, c’est que mon ami s’en est allé rejoindre ce ciel pour lequel, parfois, il avait d’étranges pensées. Sera-t-il déçu de ne pas le découvrir tel qu’il se l’était imaginé ? Nous n’en saurons jamais rien, jusqu’au jour où j’irai moi-même à sa rencontre. Comme il fut un de ces hommes que l’on qualifie « de bons vivants », nul doute qu’entre d’autres lieux, il le sera tout autant. Toutefois, je ne suis nullement pressé qu’il me prépare ma place ! Bonne route, mon ami Claude !

     

     

    — Quand je regarde défiler à longueur de journée les gens qui se pressent à travers les villes, il m’arrive d’imaginer qu’il y a autant de caractères qu’il existe d’individus. Chacun va son chemin, avec sur ses épaules le poids du temps. Pour certains, il est léger, pour d’autres il est infiniment lourd et parfois douloureux. 

    Qu’aucun d’entre nous ne se ressemble, c’est normal. 

    La nature l’a voulu ainsi afin que l’uniformité n’engendre pas la tristesse ni l’ennui, mais que du plus grand nombre, rayonne la richesse. Quand on a eu le privilège de vivre suffisamment longtemps pour nous permettre de nous arrêter de temps à autre faire le bilan, il arrive que nous soyons surpris par les découvertes qui émanent de la personnalité de quelques-uns de nos amis.   

    Je mets en garde ceux qui imagineraient que je critique une attitude ou un comportement. Loin de moi, de telles pensées ! J’observe seulement, comme tout un chacun pourrait le faire de moi et en tirer les conclusions qui s’imposeraient. Pour oser émettre un avis, faudrait-il soi-même être sans reproche, un homme parfait en somme ! Mais si le mot existe bien, celui qui pourrait se glisser dans son habit n’est pas encore né et cela est plutôt rassurant.   Parmi tous ces gens déambulant dans la vie, il y en avait un qui était au nombre de mes amis. À bien le regarder, rien ne le différenciait des autres passants. Il avait une existence sereine, n’empiétait jamais sur les plates-bandes de ses voisins et ne comptait autour de lui que des connaissances dont il avait su se faire apprécier. Un jour, il vint à ma rencontre avec un regard grave, à la limite de la douleur.  

    — Serais-tu malade, que tu affiches un air de mauvais jour, lui demandai-je ?   

    — Pas du tout, me répondit-il. Je voudrais simplement te poser une question. Connais-tu la façon dont je pourrais user pour m’éloigner de cette ville qui m’étouffe ? Je n’y suis plus à l’aise ; les jours semblent filer plus vite entre les murs gris et auprès des tentations et les mille lieux de perdition !   

    – Je le conduisis donc à la campagne où il passa une journée qui ressemblait à une convalescence d’après une longue maladie. La nuit venait juste de tomber lorsqu’il devint du même coup propriétaire et surtout, mon voisin. Oh ! Ce n’était pas par vocation, bien sûr, mais au fond de lui, il avait ressenti le besoin d’aller fouiller la terre à la recherche de ses propres racines. J’ignorais s’il les avait trouvées, étant un homme discret, mais ce dont j’étais certain, c’est qu’il avait découvert le bonheur. Comme tous les gens heureux, il parlait peu, estimant que dans notre belle langue il y avait beaucoup de mots inutiles. 

    Il traversait les jours sans leur poser aucune question embarrassante. Il lui importait peu de savoir de quel pays du monde ils arrivaient à l’heure du pipirit chantant. Il n’ignorait pas que c’était l’instant que l’aube avait choisi pour s’annoncer en installant un trait discret sur l’horizon et qu’à sa suite, les perroquets mèneraient un grand tapage pour décider du lieu de nourrissage où ils passeraient la journée. Il devinait aussi que le soleil finirait de prendre ses aises sur les berges du fleuve et qu’il ne tarderait plus à flirter avec la cime des ébènes et des angéliques. À partir de ce constat, mon ami se faisait grognon. Il trouvait l’astre luisant toujours trop pressé d’aller rejoindre son apogée. 

    – Le ciel est immense, se lamentait-il. Pourquoi ne se contente-t-il pas d’en faire le tour plutôt que de le couper en deux ?   

    Des jours qui se succédaient, il ignorait s’ils avaient une histoire ou si nous pouvions leur confier la nôtre. Il savait de l’existence qu’il lui fallait en profiter le plus longtemps possible et il aimait en silence les ciels équatoriaux qui sont changeants et imprévisibles. 

    Mon ami était philosophe.   Il prétendait que le bruit de l’herbe poussant sous sa fenêtre ne dérangeait pas son sommeil ! Il était l’homme le plus heureux, car depuis toujours il avait compris que les jours remplissaient son bien-être comme le grain de riz le fait du sac.   

    Quel que soit le personnage que nous rencontrons, nous avons le devoir de ne pas lui imposer nos propres idées, mais au contraire de respecter les siennes. 

    Comme lui, je suis convaincu que l’herbe pousse en silence et que seules les fleurs s’épanouissant dans la prairie le font dans la joie que procure l’explosion des corolles auxquelles s’accrochent les pétales multicolores qui donnent un sens à notre vie. 

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010 

     

      


  • Commentaires

    1
    Lundi 29 Mai 2017 à 07:23

     Mon  cher  René  ..
      Continuer  seul  le  chemin  de  la  vie , est  pour  chacun  une  grande  épreuve .Voila  7 mois que  mon  Jacques  est  parti  et  c'est  toujours  pour  nous  une  absence  très  lourde ..
       Ton  ami  n'est  plus  mais  de  bons  souvenirs  vous  unissent  pour  toujours , et  tu  restes  heureux  de  l'avoir  connu  ..Ce  sont ces  doux souvenirs  qui  aideront  a  poursuivre  le  chemin ..Que  ce  monsieur  repose  en  paix ..
      A  bientot  René ..
    Gros  bisous des  US .. 
    Nicole ..

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