• Le jack enchanteur

    — Nous promenant sur les tropiques qui nous servent de passerelles pour aller d’un continent à un autre, nous voici sur celui du capricorne. Il nous conduit sur la grande île reposant entre flots et ciel, sur l’imposant océan Indien.

    Sans doute me reprocherez-vous de m’y rendre bien souvent ; ce à quoi je vous répondrai que c’est bien naturel, puisque le berceau de notre famille y est installé depuis des siècles, et que les générations qui s’y sont succédé ont fait plus que d’inscrire quelques traces en tous points du pays. Elle participa à l’écriture de son histoire et la majorité de ses membres reposent en certains lieux de son territoire qui ne sont plus guère fréquentés de nos jours. Oui, tels les oiseaux migrateurs, les rescapés de la famille sont partis s’installer en tous points du globe ; pareils aux abeilles, ils ont essaimé. Qu’importe que nous ne puissions pas honorer de notre présence les lieux mythiques où reposent pour l’éternité ceux dont chez nous, en Guyane, se partagent le beau qualificatif de « Gangans » ou encore de « grandes personnes ». Les souvenirs se sont invités dans la mémoire des hommes pour leur permettre de voyager et ainsi, d’une certaine manière, ne plus jamais être oubliés, mais au contraire demeurer toujours présent dans l’esprit de ceux qui en ont la charge.

    À l’heure où j’écris ces quelques lignes, non loin de moi, des enfants se partagent une belle pastèque, tandis que par delà les terres et les océans, d’autres se régalent d’un jack, qui, à son allure, doit être savoureux et tellement parfumé ; cela dit, simplement pour mettre l’eau à la bouche de ceux qui ont déjà goûté au fruit délicieux du jaquier. La vue des uns et des autres se délectant de la pulpe m’amène à cette réflexion : où que nous alliions sur notre Terre, la préoccupation première des peuples se trouve bien autour de la table et des mets qui y sont servis. Il n’est qu’à regarder l’air satisfait de nos jeunes filles pour comprendre qu’il suffit souvent d’un repas, même frugal, pour contenter un estomac qui se tord de désir.

    De là à enjamber le bras de mer qui sépare l’île du continent africain, il n’y a qu’un pas à faire. Il nous est alors facile d’imaginer la souffrance de ceux qui n’ont plus rien à manger, tandis que dans tant de pays on gaspille, on jette et l’on méprise les aliments, ou que dans d’autres encore, ils servent à spéculer. Notre monde a parfois des réactions déroutantes. Dès que l’argent vient à manquer en quelques places boursières, dans l’heure qui suit, nous remplaçons les responsables des pays soi-disant, les plus riches. Que l’on parle de famine, et nous nous lançons dans d’interminables discussions autour de tables outrageusement garnies ! Nous ignorons les demi-mesures en toutes actions.

    Je sais pour l’avoir souvent vécu, que l’on nous rétorque fréquemment que les pays où la famine sévit « c’est avant tout de la faute de leurs dirigeants » ;   ce n’est pas toujours faux. Quand on a l’argent pour acheter des armes, c’est que l’on en dispose pour l’alimentation de base qui est sûrement moins élevée. Mais dès qu’il s’agit de la fortune des riches, les ultimatums et les mises en garde pleuvent sur les responsables et tout rentre dans l’ordre. S’il nous est facile d’imposer nos points de vue sur le capital ; il devrait l’être de la même façon quand il s’agit de l’humanitaire !

    Toujours est-il que nos héroïnes ont raison d’afficher leur satisfaction. Ainsi nous démontrent-elles que le bonheur ne coûte pas si cher que nous le pensons, et que le soir arrivé, si la soupe de manioc paraît un peu légère, le souvenir de la pulpe du jack sera bien présent pour compléter le repas. Les regardant non sans une certaine tendresse, détachant les fibres du fruit, je comprends qu’elles n’échangent pas leurs avis sur la dernière mode qui circule dans les grandes villes où sur les raisons qui auront gâché les vacances des plus aisés. Sans doute, trouverez-vous que je me répète. Mais tout à fait entre nous, vous semble-t-il qu’il manque quelque chose d’essentiel à nos jeunes filles pour ajouter à leur bien-être ? Leur faut-il des jeux électroniques sur les écrans desquels elles abandonneraient leurs joies de vivres ? Leur plaisir à elles se trouve du côté de la grande forêt où les Maskililis hantent les layons. Elles aiment aussi écouter les contes et légendes que les anciens ne manquent jamais de raconter sur un ton qui invite les auditeurs à participer.

    Au nom du bien-être, dont chacun, des enfants du monde devraient recevoir une part, et parce que rien n’est plus beau que l’innocence des regards tandis que les ventres sont repus, il devrait être de notre devoir de préserver leur bonheur. Ils en auront tellement besoin lorsque plus tard, s’amoncelleront au-dessus leurs têtes, les nuages gris et tristes, annonciateurs de jours difficiles.

     

    Amazone. Solitude. Copyright : 00061340-1


  • Commentaires

    1
    Mardi 23 Mai 2017 à 05:21

    Mon  premier  com  est  perdu  ? Oups

    2
    Vendredi 26 Mai 2017 à 06:32

    Bon  je  reviendrai  ...Bisous ..

    3
    Lundi 29 Mai 2017 à 05:56

    Coucou  René  ..Pourtant , j'aime  bien  me  promener  d'un continent  a  un  autre ,
    surtout  sans  les  longues  heures  d'un aéroport  a  un  autre ..Comme  ces  enfants  je  rêve prés  de  l’océan indien .. Nous  avons  ici  ce  gros  fruit  doux  comme  du  miel .. Il y a deux  ans  j'ai  plante  les  noyaux  qui  poussent  toujours  dans  un  joli pot ..
      Voyons si  mon  message  passe  ( sourire ) .
    Bonne  journee  René  ..

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