• PLUS TARD…

    PLUS TARD…

    – Vous trouvez probablement étrange cet intitulé. Pourtant, qui n’a pas, au moins une fois dans son enfance, et longtemps après cette période plus ou moins heureuse, prononcé ses mots : plus tard ! Je crois que l’on peut même continuer la phrase, commencée par ces deux modestes mots, qui n’ont cependant pas la prétention de vouloir écrire une histoire. Toutefois, elles débutent souvent par une expression anodine, provoquée par un songe, une image, un son, ou plus simplement un personnage typique ou hors du commun.

    Qui n’a pas prononcé, au cours de réflexions « je ferai, je dirai, j’irai, j’aimerais ? Et qu’en fut-il, des années après, de ces affirmations prises dans des moments d’intimes convictions ou de partages d’opinions avec les amis d’alors ? En ces périodes heureuses où toutes les audaces nous semblent possibles, nous campions sur nos positions, refusant toutes formes de reculades ou de reniements. Nous étions sincères, persuadés que l’avenir nous donnerait raison et que nous pourrions changer les événements se trouvant à notre portée, à défaut de pouvoir transformer le monde ou ceux qui l’occupent.

    Mais les jours naissent et s’éteignent, les semaines ajoutent du temps, les mois engrangent les décisions et les ans s’accordent entre eux pour confirmer les espoirs ou les désillusions. Soudain, en nos esprits, s’éloignent les souvenirs et les affirmations. Les prétentions ne sont plus certaines d’être réalisables. D’autres mots se créent et les images d’antan sont remplacées par de plus belles. Les paysages se transforment en panoramas, les sons trouvent refuge sur des partitions et les modestes mélodies se traduisent en de merveilleuses symphonies. Sans que nous nous en rendions compte, l’horizon s’est reculé nous invitant à le suivre, du moins à nous en rapprocher. Il existe donc un ailleurs, pensions-nous naïvement ? Alors, commence une interminable marche. Du simple sentier naît un chemin fleuri, celui-ci se fait une belle et longue route bordée d’arbres pour protéger les promeneurs des chaleurs estivales. Dans les ramures, les songes s’accrochent pour ne pas disparaître avec la lueur du jour repoussant les ténèbres. Des silhouettes se dessinent loin devant nous et se précisent à mesure que nos pas se rapprochent. C’est le temps des sourires timides échangés avec quelques jeunes filles dont on ne s’était pas aperçu qu’elles étaient devenues des demoiselles.

    C’est lors de ces rencontres que souvent les rêves d’antan basculèrent dans le néant. Nous n’étions plus certains de vouloir ni de pouvoir changer quoi que ce soit, sinon, l’allure de notre propre personnage. Certes, nous essayions bien de nous accrocher aux quelques lambeaux de décisions anciennes, de maintenir que l’heure était venue de choisir la voie qui nous mènerait vers la réussite, sans que nous ayons à nous retourner fréquemment pour vérifier l’exactitude de nos prétentions. De toute façon, les parcours qui se présentent à nous ne sont pas légion, tandis que nous pensions le contraire. À notre insu, le destin démêle l’écheveau de notre existence, tirant les fils qui nous manipulent comme si nous étions de simples marionnettes. Bien que nous rencontrions de nombreuses demoiselles, il nous destine à une unique âme sœur, même si parfois notre regard s’égare de l’une à l’autre, et que notre cœur, las de souffrir, nous commande de jeter notre dévolu sur une seule.

    C’est le temps des tourments, des remises en causes, de multiples questionnements, et des incontournables “si j’avais su”, ou pourquoi ai-je fait ceci plutôt que cela, des critiques sur les routes choisies, des étapes hasardeuses et des bivouacs incertains. Bref, nous prenons soudain conscience que sur le métier nous devons y déposer à nouveau notre œuvre pour la modifier. Il ne s’agit plus de gloire, mais de survie. L’heure est venue de fonder un foyer et de lui assurer un confort serein. Nous nous lançons à corps perdu dans le monde professionnel. C’est le grand chambardement dans nos cœurs, nos esprits et espérances. Nous ne comprenions pas toujours pourquoi nos aînés nous pressaient d’avancer, de nous décider, de nous affirmer, lorsqu’ils nous parlaient de l’avenir. Il est une chose importante que vous semblez ignorer, nous disaient-ils encore. Le temps ne vous attend pas. Ce que vous rejetez en permanence doit cependant se réaliser au plus vite, car ce que vous nommez plus tard, un matin, vous vous réveillez et il est sur le seuil de votre porte. Le jour où vous découvrez que celui que vous désiriez repousser au-delà l’horizon s’est joué de vous et que lors de votre marche en avant, il n’a jamais cessé de vous dépasser. Il était à vos côtés à chacune de vos étapes, vous précédez dans les ascensions, il se séchait sous les palmes, après avoir chahuté avec les flots, tandis que vous étiez encore au bain dans une mer sans cesse en mouvement. Quelque part autour du monde, un banc vous attend, sur lequel, en compagnie de votre âme sœur, vous aurez tout le temps de vous remémorer le passé, en vous disant que plus tard c’est toujours le présent.

    Amazone. Solitude. Copyright 00061340-1

     

     


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