• QUAND LE JOUR SE LÈVE

    QUAND LE JOUR SE LÈVE– L’horizon enfin s’illumine d’une ligne claire, comme s’il cherchait à séparer les ténèbres du jour tout proche. Lentement, la fracture s’élargit, laissant croire que c’est la canopée qui s’étire et bâille à s’en décrocher les ramures. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais un jour qui se lève est un spectacle qui n’a pas son pareil. Il n’est jamais identique à celui qu’il nous offrit la veille. Toujours est-il, que celui de ce ma    tin se dessine. Il est encore difficile de distinguer avec précision les couleurs de la nature. Dans le creux de la main, c’est l’instant où il n’est pas possible de reconnaître le fil blanc du noir. Je comprends que la nuit chagrine se débarrasse des vieux restes de ses rêves insatisfaits et des souillures de toutes sortes tombées d’autres planètes en marche. Qui ne saurait être à son image, à l’instant où à la place de doux songes occupant l’esprit ce ne fut que de sombres cauchemars qui lui masquèrent le scintillement des étoiles et celui de la voie lactée, ressemblant à une large avenue, empruntée seulement par les divinités.

    Toutefois, dans ce monde qui n’est plus et celui qui n’est pas encore, un homme se tient prêt à toutes les éventualités. C’est un grand connaisseur de la chose. Des jours, il en créa autant que des ans s’appuyant sur ses épaules. Autour de lui, il a réuni son matériel. De quels outils peut-on avoir besoin, alors que la planète se trouve en équilibre entre ce qui est et ce qui n’est pas, me demanderez-vous ? Un instant, je vous prie ; j’allais justement vous parler de lui. Il n’est pas un homme ordinaire ; c’est le grand peintre de l’univers. Sa palette est immense et son geste précis à l’instant où il trace les premières esquisses. Il sait bien que ce qui se prépare n’appartient pas à lui seul. C’est la raison pour laquelle il cherche à ce qu’il s’apprête à produire remplisse d’aise tous les yeux qui oseront se lever vers l’azur.

    Comme tous les artistes, il commence à donner quelques coups de crayon qui pour le commun des mortels pourraient passer pour être désordonnés. N’en croyez rien. Les fondations que l’on fait sur le sol ne ressemblent en rien à celle que l’on établit sur la gigantesque toile que représente le ciel. C’est un peu comme le sourire qui s’affiche sur le visage d’une belle dame. D’abord, les traits s’étirent, les yeux se plissent légèrement, les lèvres s’écartent avant de se séparer tout en dessinant un merveilleux baiser en forme de cœur.

    Oui, je vous vois impatients, donc je reviens à notre virtuose du pinceau. Il a deviné qu’il devait fixer de la clarté, afin que sous la voûte céleste comme dans l’esprit des hommes il y fasse moins sombre. Ceci étant fait, voilà qu’il chausse ses lunettes pour qu’aucune singularité ne lui échappe. C’est que notre artiste est aussi un perfectionniste. Soudain, le geste se fait plus précis, les couleurs s’affirment, en même temps que les intentions. Il vient de pousser un cri d’étonnement suivi d’un franc sourire. C’est qu’à l’instant, il réalise que le soleil est tombé follement amoureux de madame la lune. Donc, sans hésiter, il le place sur son chemin. Pourra-t-il la rattraper ? Je n’ose pas y penser, car notre coquine travestie en belle-de-nuit a déjà pris quelques ténèbres d’avance sur son prétendant. Qu’à cela ne tienne. Notre peintre à plus d’une couleur dans son sac ! Il n’est plus temps de tergiverser. Voilà qu’il sort un second pinceau et de part et d’autre de la toile, c’est un feu d’artifice qui explose soudain dans le firmament. Au gris succèdent les ocres, puis les roses et les rouges. Le trait blanc est dépassé. À lui s’accrochent des dizaines d’autres nuances qui se mêlent comme pour créer un puzzle. Le bleu de l’azur ne veut pas être en reste ; il vient joindre sa collection à celle de l’artiste. C’est l’instant que choisit le soleil pour à son tour, risquer quelques rayons. Alors, dans un mouvement d’humeur, notre peintre d’ordinaire calme, posé et réfléchi, lance sa palette vers le ciel en s’écriant :

    – Puisque tu tiens tant à aller plus vite que ma réalisation, débrouille-toi avec mes teintes ! Fais comme il te plaira ; invente autant de nouvelles, si tel est ton désir ; fais-en des douces, d’autres criardes, et pourquoi pas des froides, des chaudes, des ternes. Fais des éclatantes et même des brûlantes ou des pastels si tel est ton souhait. Mais écoute bien ce que j’exige de toi : certes, habille le ciel à ta convenance ; cependant, fais en sorte que pour la longueur du jour, il pénètre le cœur des dames afin qu’elles ne soient pas transies aujourd’hui ni demain. Installes-toi également dans leur âme, pour que durant leur vie elle ne soit jamais sombre ! Maintenant, mon ami soleil, le jour t’appartient, je te somme de le faire resplendir jusqu’au retour de la nuit.

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