• TRAGÉDIE AMAZONIENNE 2/2

    — Moi, se plaignit Dolly, je ne sens déjà plus mes pattes. Je me demande si je ne vais pas m’écrouler.

    — Ne proteste pas, répondit le chat. Tu es vivante et c’est l’essentiel. Seulement, nous avions besoin de ce temps pour précisément nous en servir comme s’il était notre allié. C’est lui qui s’impatiente maintenant et en principe, n’ayant rien décelé d’extraordinaire dans son environnement, il devrait soit se remettre à dormir, soit partir.

    Je crois que je ne pourrai pas tenir cinq minutes de plus, annonça Dolly. Je sens déjà des frémissements dans mes pattes.

    — Un conseil, ma belle, la rassura Dick. Une par une, relâche-les. Décontracte-toi sans remuer les autres. Tu fais comme si elles n’existaient pas.

    — L’instant est on ne peut plus critique, la mort est là à quelques pas de moi et toi tu ne trouves rien de mieux que de rigoler ?

    — C’est la vérité, que je te dis. Essaye, tu verras bien !

    Bon, nous avons suffisamment ri comme ça, dit Minet. Je suppose que vous l’avez bien photographié ? J’espère que vous ne l’oublierez plus jamais ! Maintenant, c’est à moi de jouer, une fois de plus, dit-il en crânant.

    — Quoi, dit Pearl, vas-tu te sacrifier pour nous ?

    — Mais non idiote, dit le chat. Vous étiez tellement hypnotisés par le crotale, que vous ne vous êtes même pas aperçu que je me suis reculé. Comme je pense que vous êtes complètement engourdis, il vous faudra un temps de réaction avant de bondir sur votre gauche et vous enfuir comme si vous aviez découvert le diable !

    — Et toi, que feras-tu pendant ce temps, demanda Pearl, très inquiète pour son ami ?

    — Si vous réussissez à vous mettre à l’abri, c’est que j’aurai déjà engagé mon action, dit-il sans quitter le serpent des yeux. J’ai un gros avantage sur lui. Je le vois, il m’ignore ! Écoutez bien ce qui va suivre, car votre vie en dépend ! Je vais compter jusqu’à trois. Vous en profitez pour vous conditionner et repérer l’endroit par où vous allez fuir. Attention, nous ne disposons que de quelques secondes. Quand je me serai élancé, je vais faire un premier saut pour l’induire en erreur. J’effleurerai à peine le sol, le temps de faire le second bond qui l’entraînera hors de votre vue. C’est à cet instant que vous devrez courir, vite et loin ! Lui, il aura le corps en suspension, il ne pourra pas se reprendre si jamais il réalise qu’il s’est fait avoir comme un jeune innocent !

    — Ne retombe pas trop près de lui quand même, le pria Dick, je ne voudrai pas avoir ta mort atroce sur la conscience ! D’autant que la douleur, paraît-il, est insupportable !

    —  Oui, tu as trouvé le mot qui convient. Nous succombons paralysés et asphyxiés, puisque plus rien ne fonctionne en nous. Bon, assez discuté maintenant. Attention, j’entame le décompte. Ne vous occupez pas de moi. Dans de telles conditions, on ne peut faire qu’une chose à la fois. Avez-vous pris soin de repérer votre chemin vers le salut ?

    Très bien, je me conditionne : ne me faites plus parler, moi aussi j’ai besoin d’une parfaite concentration ! Un, deux… trois !

    Les trois copains ne distinguèrent pas un chat faire un bond, mais plutôt une espèce d’oiseau étrange. Il venait de toucher le sol que l’instant suivant il était à nouveau dans les airs ! Presque en même temps, ils ne virent rien d’autre qu’une flèche qui tentait de l’atteindre, tel un trait tracé par une main invisible.

    — Filons, hurla Pearl qui n’avait pas fait attention que ses amis étaient déjà en lieu sûr !

    — Tu nous as fait peur, lui reprocha Dick. Pourquoi ne nous as-tu pas emboîté le pas ?

    — C’est à cause de Minet. Je voulais m’assurer qu’il se mettait bien hors de portée de cet abruti de serpent à sonnette !

    — Et alors, tu n’as rien raté, s’inquiéta Dolly ?

    — Ben oui, répondit Pearl un peu fautive. Vous savez bien que moi je ne suis bien que si je comprends ce que je vois. Et je peux vous dire que je ne suis pas déçue ! D’abord, le chat a fait deux sauts dignes des plus grands sportifs. Ensuite, tandis que le maître de la brousse qui soit dit en passant, à mon humble avis, ne l’est plus pour quelque temps, a cherché à le prendre lors du premier bond, Minet s’est littéralement envolé, entraînant derrière lui le serpent. Par contre, si je sais qu’il est vraiment parti par là-bas sur la droite, j’ignore où il se trouve à présent !

    — Si vous voulez mon avis, dit le chat en dressant la queue fièrement, il doit être loin, à la recherche d’un drôle d’oiseau. Je crois même que celle-là, il n’est pas près de la raconter à ses amis. Oh ! La honte qu’on lui a faite !

    — Que tu lui as mis, s’écrièrent en chœur les trois compères ! Et merci mille fois de nous avoir informés du danger, car aucun de nous n’avait entendu son espèce de sonnette. À l’heure qu’il est, notre groupe aurait dû être décimé !

    — Une remarque est primordiale, et vous devez absolument vous en souvenir. Il devait avoir ses glandes à venin pleines, car lorsque ce n’est pas le cas, ils ont plutôt le réflexe de se faire discrets, se devinant vulnérables !

    — Ça leur arrive souvent, demanda Dick, heureux pour une fois qu’on lui dise des choses si importantes !

    — Fréquemment, répondit Minet, je n’en sais rien. J’ai seulement surpris le maître, à la ferme, le préciser à quelqu’un de leurs amis, qu’ils ont besoin d’environ soixante-douze heures pour remplir leurs réserves. C’est pendant ce laps de temps qu’ils se font tout petits ! Mais une fois de plus, je ne fais que vous rapporter ce que j’ai entendu dire. J’ignore totalement à combien de jours correspondent toutes ces heures ! Je ne saurai donc trop vous conseiller de demeurer toujours sur vos gardes, c’est beaucoup plus simple ainsi !

    — Mes amis, annonça Dick, nous n’avons aucune raison de prolonger notre halte en ce lieu qui faillit devenir notre cimetière. Aussi, je vous invite à filer en vitesse, vers une autre direction.

    Dolly, plus logique que son beau ténébreux ne put s’empêcher de lui faire remarquer que décidément cela commençait à faire de nombreuses fois qu’ils avaient frisé le pire.

    — Tu ne crois pas, lui demanda-t-elle ?

    — J’en suis parfaitement conscient, ma belle, répondit-il. Il nous reste à prier pour que cela dure le plus longtemps possible !

    — Toutefois, il y a un souci, dit Pearl. J’ai toujours entendu dire que la chance est comme une ficelle que l’on tend. Si un jour, on insiste trop, elle finit par se rompre. Alors, demeurons vigilants, même si cela doit entraver notre marche. Une fois de plus, il ne se trouve personne à nous attendre en quelque endroit que ce soit.

    Ils reprirent donc leur aventure, mais en regardant dans tous les sens, comme s’ils allaient retrouver le maître de la brousse ou l’un de ses congénères. Car, comme l’avait si bien dit Minet, s’il y en a un, dans les environs, forcément il doit y en avoir un autre !

    Les amis ne se firent pas prier pour mettre la plus grande distance possible entre ce lieu qui vit une fois de plus leurs poils se dresser sur les échines et les frissons, parcourir le moindre centimètre carré de peau.

    Amazone. Solitude. Copyright 00061340-1

     

     

     


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