• A travers nos mains

    — Mon cher enfant, oserai-je te dire l’émotion qui grandit en moi lorsque, timide, ta main cherche la mienne pour s’y réfugier et sans doute trouver une protection contre les éléments du monde qui nous entoure et qui te semble hostile ? Sans mot inutile ainsi tu m’indiques la confiance aveugle que tu m’accordes alors que dans tes yeux je lis que jamais je ne devrais la tromper. Devant l’abandon de ton être vers le mien, je suis à la fois fier et craintif en imaginant les lendemains.

    Aurai-je la capacité de te protéger de la folie des hommes ?

    Je les vois sans cesse courir plus nombreux vers les pays imaginaires des rêves où se prélassent les chimères dévoreuses de personnalités. Elles percent les carapaces et s’infiltrent insidieusement dans les esprits et jusque dans les cœurs avant de s’installer tout à côté de l’âme d’où elles dirigent comme le maître dressant les fauves. Mais si je suis fébrile en acceptant de refermer ma main sur la tienne ce n’est pas seulement à cause des doutes qui me hantent quant à ton devenir. C’est aussi parce que d’un simple geste d’amour c’est tout l’espoir qui m’anime et se faufile à travers nos paumes réunies.

    À l’espérance se joignent les pensées les plus tendres afin qu’elles installent en toi la sagesse qui apaise, mais aussi freine l’impatience, ainsi que le bouillonnant désir. Cher petit homme innocent qui sourit à la vie ; sache qu’elle est pareille à la fleur qui s’étonne de s’épanouir sous le bleu du ciel alors qu’autour d’elle la terre se fissure du désir non assouvi de s’abreuver.

    J’aimerai qu’à travers nos mains fragiles tout ce que j’ai connu de meilleur s’imprime à jamais dans ton esprit en devenir, afin qu’il se transforme en un fil invisible qui te conduira sur le chemin du bonheur. Mais à travers nos corps soudés à cet instant, il n’est pas seulement la fierté qui émane du mien. Non, je suis heureux à un point que nul ne saurait imaginer, car il n’est pas dans les coutumes des peuples d’accepter en toute humilité les offrandes d’êtres candides.

    Et pourtant, à travers nos paumes étroitement serrées j’entends ton cœur scander les instants merveilleux prenant place en toi et qui sans tarder s’élèvent et te transportent vers plus de grandeur.

    À mon tour, je me sens tout petit auprès de toi, qui sans orgueil ni prétention m’apportes sans doute beaucoup plus que je ne pourrai t’enseigner.

    Je suis hier, tu es demain. Je représente le passé, ce temps qui a vécu et qui s’essouffle au pied du jour.

    Certains de mes mots ne ressemblent qu’à des échos que le vent déforme, mes images parfois seront déformées par le brouillard, tandis que tes paroles iront joyeuses par les chemins alors que ton regard se posera sur l’horizon cherchant à deviner ce qu’il recèle et cache si jalousement.

    Je voudrais te dire que si j’arrive à l’automne de ma vie, me démenant dans les brumes persistantes, toi tu représentes le renouveau qui apporte la vie, les sourires, les chants, les couleurs et les saveurs. 

    Je suis heureux d’être en ta compagnie mon bel enfant, car déjà je sens en toi le désir de grandir pour devenir un homme. Tes doigts serrant ma main veulent me dire que tu en ignores encore les mots, mais que je puis te faire confiance, un jour tu seras assez fort pour nous aimer et supporter notre vieillesse.

    Tu as raison, mon jeune ami ; à nous deux, nous serons plus puissants pour vaincre nos doutes et affronter l’indifférence de ceux qui n’espèrent plus, et je souris à la pensée que grâce à toi je me sens assez fort pour faire encore mille pas alors que je ne m’en accordais qu’une dizaine. Tu vois que tu es encore bien jeune, mais déjà l’énergie rayonne en toi et à elle s’associe le pouvoir de redonner la vie au feu qui s’éteignait.

    À travers nos mains, mon enfant, c’est l’histoire qui continue, et même si dans mes cheveux des fils blancs se font plus nombreux, il me plaît de croire que ce n’est que pour séduire les elfes de la prairie dès le matin où tu lâcheras ma main pour enserrer celle de ton destin.

    Lui, il a besoin de sentir pleinement ta volonté et il te conduira vers une autre main que le temps n’aura pas usée, car il n’a pas d’emprise sur l’amour.

     

     

    Amazone Solitude.


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