• Belle est la mariée

    Belle est la mariée

    — Aujourd’hui, loin, très loin est Mahazoarivo. Irai-je jusqu’à dire que de l’eau a coulé sous les ponts ? De l’eau, certainement ; mais des ponts, il n’y en eut pas, puisque ce sont des océans qui s’invitèrent à la destinée des uns et des autres.

    Sur cette propriété, longtemps les souvenirs ont essayé de s’accrocher aux rameaux des fruitiers, au rang desquels se trouvaient en bonne place les jamblonds, les oranges, les mandarines et autres goyaves-fraises.

    Les bananiers avaient rendu l’âme, désolés de voir leurs régimes mangés par les oiseaux. Le lieu dit n’était pas désagréable à vivre, bien au contraire. Sur cette belle parcelle de terre, on avait senti la liberté y résider, clignant de l’œil à la sérénité.

    Oh ! Rien n’avait jamais été fini ; enfin, devrais-je dire plutôt que tout était commencé, mais que le temps avait fait son œuvre et qu’il refusait d’être partout à la fois ? Pour qu’elle fût parfaite, aurait-il fallu que de nombreux cris d’enfants s’y fassent entendre, les uns interpellant les autres juchés dans les arbres !

    Mais d’enfant, ne restait plus que la jeune fille aperçue dans son bain. Les autres s’en étaient allés vivre leur vie, vidant ainsi Mahazoarivo de sa bonne humeur et de sa quiétude. Parfois, croirait-on, la destinée se prend les pieds dans ces combinaisons, ce qui fit que dans la famille, l’écart entre le dernier et les frères et sœurs était trop important pour qu’ensemble ils partagent les mêmes désirs de l’existence. On eut dit qu’une vie s’était glissée entre eux, installant son malaise au fil des jours. 

    Mazo, comme on avait nommé le lieu avait fini par trouver son équilibre ; précaire sans doute, mais ayant le mérite d’exister.

    La petite vivait donc entourée de ses songes, les yeux tournés vers le destin, comme pour lui demander conseil. Les jours semblaient seulement un peu plus longs, comme s’ils prenaient le chemin des écoliers. Le temps était divisé entre l’école, le sport, la chasse, le tricot et aussi la couture.

    La retraite du père permet à la petite famille de sillonner la grande île à la recherche du temps jadis.

    Aucune région n’est laissée en route et partout flotte un air déjà connu. On aurait dit que la nature tenait à saluer ces gens qui avaient tant donné, comme si elle avait deviné qu’ils faisaient sans doute un dernier voyage, à la manière que l’on a de faire une ultime visite au verger pour y cueillir les derniers fruits d’une saison que l’on devine finissante.

    Un à un, les enfants étaient rentrés au pays, comme on disait à l’époque pour dire qu’ils avaient rejoint celui des ancêtres paternels.

    Longtemps après le dernier départ, il fallut bien des négociations pour inciter le père à suivre ses enfants. Il avait toujours une excuse puis une maladie pour repousser le voyage.

    Pendant ce temps, la mère et la fille descendaient pêcher dans l’un des cinq immenses bassins qui retenaient plusieurs espèces de poissons délicieux, faisant à la surface des ronds allant en grandissant, comme s’ils voulaient faire comprendre à la jeune fille qu’ailleurs il y avait aussi un ciel et des espérances à revendre.

    Revenant à la charge comme les vagues finissant toujours sur la plage, la mère obtint enfin que la jeune fille rejoigne à son tour le midi de La France où s’étaient réunies les autres membres de la famille. Ce faisant, pensait-elle, peut-être finirait-elle par convaincre le père que l’heure du départ était enfin arrivée.

    C’est alors que nos chemins se sont croisés puis ont fini par se réunir.

    Nos solitudes venaient de se jurer fidélité. Elle avait vingt ans et dans mon cœur elle les a toujours. Certes, je ne puis parler à sa place, mais je crois qu’elle fut heureuse et qu’elle l’est toujours. Selon la coutume, nous nous étions unis pour le meilleur et pour le pire.

    Des années plus tard, en souriant, nous avons dit que ce fut souvent le pire. Qu’importe, nous avions confié notre destin au Dieu de l’amour et je puis vous dire qu’il veilla sur nous avec bienveillance. Il ne se passa pas de jour sans qu’il nous rapprochât toujours plus, et pas uniquement nos corps, mais aussi nos âmes.

    Depuis, cinquante années se sont écoulées et nos mains ne se sont jamais séparées.

    Dans notre corbeille de mariage, ma princesse déposa trois beaux enfants et ceux-ci agrandirent la famille de quatre petits enfants.

    Et savez-vous ?

    Nos regards se recherchent toujours ; après avoir prêté serment devant les hommes, c’est à la forêt que nous avons confié notre bonheur afin qu’il vive heureux sur la mousse délicate, environnée de mille chants d’oiseaux qui lui font battre le cœur au rythme du temps.

    Songeur, parfois je me demande ce que j’ai fait pour mériter une si belle épouse, aimante et discrète, à ce point que l’on a toujours envie de partir à sa recherche, par crainte qu’elle ne s’éloigne.

     

     Amazone Solitude 


  • Commentaires

    1
    Mercredi 11 Mai 2016 à 18:21

        Coucou  René ..
    Elle  est  bien  jolie  cette  petite  mariée  ..  Tu  nous  racontes ,  une  très belle  page  de  l'existence , elle  ressemble  un  peu  a  la  notre .   Une  belle  route  ensoleillée  le  plus   souvent ..Des  tournants  quelques  fois  difficiles  , que  l'on  a  réussit  a  passer  sans  encombre , un  jardin  fleurit  ou  l'on  a  semés  les  plus  belles  fleurs  de  la  vie .
      Il  reste  encore  un  bout  de  chemin  a  faire , Tant  que  nous  en  aurons  la  force , nous  continuerons  notre  parcours  main  dans  la  main ..
    Bonne  semaine  mes  amis  lointains ..
      Amitié  des  US  . 
    Je  vous  embrasse ..
    Nicole ..
      

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