• CE PAYS POUR LEQUEL ON A MAL

    CE PAYS POUR LEQUEL ON A MAL— J’imagine que vous aurez deviné que je ne suis pas quelqu’un qui fait de la politique, encore qu’ici, le verbe « faire » n’a pas vraiment sa place.

    J’avoue que cette posture n’est pas ma préoccupation première, bien que depuis que je suis en âge de voter, je n’ai jamais manqué à mon devoir. Quand je dis « ignorer » la politique et ceux qui en vivent sur notre dos, c’est une tout autre question. Il m’arrive souvent de comparer cette classe d’élus à une envolée de moineaux qui passent leur temps à se chamailler pour la propriété d’un perchoir, mais qui viennent tous manger dans la même gamelle remplie et laissée à leur intention. Pour être franc avec vous, j’ai horreur des gesticulations inutiles et des discours qui ne glorifient que ceux qui les prononcent. Je puis vous révéler un secret : comme sans doute beaucoup de nos compatriotes nous connurent des difficultés et personne d’aucun parti n’a eu le courage de se rendre à notre rencontre.

    C’est dans ces moments pénibles que je compris le sens du vieux dicton qui nous conseille de nous aider seuls, afin que le ciel participe. En mon esprit probablement un peu simple, la gouvernance est toujours apparue comme une machination aux rouages bien huilés, un genre de doctrine qui s’engraisse sur l’ignorance des plus humbles pour cacher l’essentiel au plus grand nombre. Nous avons beau vivre retirés du monde, nous n’en observons pas moins la fragile mécanique qui le constitue et qui frôle la catastrophe à chaque lever d’un nouveau jour. Mais je me dis que nous devons rester honnêtes avec nos principes. Nous savons bien qu’il en va en politique comme il en est des religions. En leur sein, rien n’est ou ne sera vraiment parfait. Par contre, si l’on épouse les idées des uns ou des autres, cela signifie que l’on doit aussi accepter l’augure d’erreurs et de défauts. Si un jour le doute s’installe durablement en nous, personne ne nous empêche de prendre du recul sur les évènements et même claquer la porte si nous l’estimons utile.

    Dans toutes les grandes batailles que nous menons pour notre propre survie, nous savons que pour gagner quelques miettes de la précieuse liberté nous devons convenir de laisser dans le marchandage quelques-uns de nos avantages glanés le long de nos routes. C’est la rançon que nous devons payer à l’évolution que nous avons mise en marche et que nous faisons tourner, même si parfois nous avons le sentiment que c’est bien malgré nous. Pouvons-nous réellement douter qu’aujourd’hui est un autre hier, ignorant le jour suivant et que le passé a bien vécu ? En fait, je désirais simplement vous entretenir d’une émotion particulière et voilà que moi qui prétends ne pas faire de politique, j’en écris un chapitre, modeste, certes ; mais une page quand même ! Vous avez raison, c’est un comble !  

    Je voulais seulement vous dire que de tout temps j’ai profondément aimé mon vieux pays, à son insu, car il ne fit jamais de grandes démonstrations sentimentales pour me convaincre que je n’avais pas tort d’être fier de lui appartenir. Bien que je sois éloigné depuis longtemps de ma terre natale, elle me colle toujours aux semelles. J’apprécie sa langue, ses passions et ses modèles. J’ai pu me rendre compte au long de mes pérégrinations combien important était son rayonnement à travers le monde. Savez-vous que grâce à ses dépendances outre marines, jamais le soleil ne se couche sur notre nation ?

    Certes, il y a beaucoup à faire avant que chacun retrouve un niveau raisonnable de confiance. Personne ne peut prétendre que nous pouvons atteindre le nirvana tant que rien n’est parfait ni même après avoir vaincu les sommets. Mais comment la patrie pourrait-elle s’y trouver quand ses enfants sont loin d’être exemplaires ? Je me souviens que notre pays a grandi alors que chacun participait à sa reconstruction et nul n’aurait songé à rechigner à apporter sa contribution. C’est sans doute cela que nous avons oublié, qu’un homme seul ne peut défricher, labourer, semer, récolter et moudre le grain qui nourrit les ventres affamés.

    Chez nous, sur le seuil de l’Amazonie, il arrive que des frissons parcourent notre peau lorsque l’on voit un canot de la République braver les caprices des fleuves. En sa qualité d’état responsable, il se doit de ramener à leurs familles les corps d’enfants disparus, et dans ces moments difficiles, chacun reconnaît que durant quelques jours, la pirogue navigue sur les eaux du bon sens, nous désolant qu’il n’en soit pas toujours ainsi.

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