• Confidences

    Confidences

    — Mon tendre ami, sans vouloir remuer en toi des souvenirs douloureux, te souviens-tu comment notre histoire a commencé ?

    — Si je me souviens ! On dirait même que je n’en ai connu qu’une ! Mais tu sais, tous les souvenirs n’ont pas vocation à être douloureux. Nous ne pouvons ignorer les jours qui partagèrent leur bonheur avec nous. Je ne saurai t’en dire le nombre, car les comptes n’ont jamais été mon fort. J’ai toujours estimé que vivre le temps qui était mis à notre disposition était largement suffisant.

    Pardon de m’égarer dans une conversation aussi sinueuse que les sentiers que nous avons empruntés ; aussi, c’est bien de leur faute, car de tout temps, ils nous ont fait emprunter des chemins de traverse. Alors, forcément cela a déteint sur mon comportement et je ne sais même pas si je dois m’en excuser ou non !

    — Bon, mon ami, n’en rajoute pas, sinon, comme souvent il t’arrive, tu vas t’engager dans une impasse. Pardon d’avoir coupé le fil de tes pensées.

    — En fait, je voulais seulement dire que je n’ai rien d’un éléphant, mais ma mémoire n’a perdu aucun des merveilleux instants de notre jeunesse.

    — Moi non plus, vieille camarde ! D’ailleurs, tu dois bien te souvenir de ce qu’ils disaient de nous ?

    — En effet, je crois me rappeler qu’ils nous dénommaient les jumeaux bien que nous sommes nés de mères différentes !

    — C’est bien cela. Ils disaient que nous étions jumeaux parce que nés le même jour. Mais là s’arrête notre ressemblance, sinon que nous sommes frères de la même misère. À peine nos pattes assurées, on nous conduisit au pré. L’image n’a jamais disparu de mon esprit.

    — Moi non plus ; ces images n’ont pas été effacées de ma mémoire ; pense donc ! Les premières caresses du vent, la découverte des couleurs, les senteurs sauvages et que sais-je encore ? C’était dans une prairie à flanc de coteau. Nous étions au printemps, heureux des beaux jours retrouvés. L’herbe y était abondante et parsemée de fleurs des champs. Il y avait là des marguerites, des boutons d’or, des pervenches, des coquelicots, que courtisaient les premiers papillons. En compagnie de nos voisins de l’étable, nous nous moquions un peu lorsque dans des positions instables tu te retrouvais à rouler dans l’herbe. Cela te faisait une robe fleurie, seules tes oreilles dépassaient ! Il me semble encore voir les babines de ta mère remonter très haut par-dessus les dents, signe qu’elle ne s’inquiétait nullement de tes mésaventures. Sans doute pensait-elle qu’un tel accoutrement te ferait une belle robe de mariage. Les parents sont toujours comme cela, à se préoccuper de l’avenir de leurs enfants.

    — Puis le temps de l’innocence nous surprit en chemin. Il n’était plus, le temps de gambader ni de se prélasser. L’heure du dressage était déjà là et le fouet que l’on entendait claquer au-dessus de nos têtes ne tardait plus à frôler nos oreilles et marquer nos robes juvéniles.

    — Pour moi, il en est de même. Tiens, sur la croupe, à gauche, ce grand trait que l’on aperçoit ; eh bien, ce n’est pas une fantaisie ! Seulement la signature de la main lourde du maître ; ce jour-là, il était beaucoup remonté.

    — Oui, je nous revois marchant derrière nos parents. On nous recommandait d’en suivre chaque pas afin de lire en leurs empreintes le destin du jour.  

    — On nous affubla d’un bât, trop rapidement à mon goût. Suivant les mules sur les sentiers rocailleux, nous commençâmes notre vie de labeur. Il nous fallut en transporter des choses ! C’est qu’au contraire de nous, les hommes ne se contentent jamais de ce qu’ils ont. Il leur en faut toujours plus !

    — Ah ! Pendant que j’y pense, dis-moi mon ami, vois-tu quelque chose de particulier sur ma tête ?

    — Non, ma tendre amie ; rien que je n’aurai jamais remarqué ! Souffrirais-tu d’un mal qui n’avouerait pas son nom ?

    — Non, merci de prendre des nouvelles de ma santé. C’est parce que l’autre jour en passant sous les fenêtres de l’école du village, j’ai entendu le maître dire à un élève :

    — File au piquet et au passage prend le bonnet d’âne.

    — C’est peut-être un compliment, travesti, car à mon avis si l’enfant avait eu des oreilles comme les nôtres, sans doute il aurait entendu et surtout, compris la leçon !

    — À propos de leçon, te souviens-tu de celles que nous donnions à nos maîtres quand sur nos derrières nous restions assis ? Les fixant dans les yeux, ils pouvaient lire dans les nôtres toute notre détermination. Ils pouvaient toujours donner du bâton. Rien ne nous faisait aller avant que nous l’ayons décidé ! Nous ne sommes pas de mauvais éléments, mais il fallait bien leur faire comprendre que nous avions notre caractère et qu’ils devaient le respecter de la même manière que nous respections les leurs.

    — Il fallait bien qu’ils finissent par admettre que ce n’était pas eux qui nous avaient conquis, mais nous qui avions adopté leurs chaudes écuries où il faisait bon l’hiver. 

    — Têtus ? Nous ? Jamais ! Seulement insoumis !

     

     

    Amazone Solitude


  • Commentaires

    1
    Lundi 20 Juin 2016 à 18:39

    BONJOUR RENE !

     

    Je suis rentré de vacances !.......Vacances sans blog, c'est le contrat que j'ai avec Martine !

    J'ai toujours pensé que l'âne était beaucoup plus intelligent que le cheval ! Comme je n'a vu que des chevaux chez mes parents et que "Grisons" était l'âne de mon professeur de maths, je ne l'ai jamais mis en compétition !......Mais comme j'ai vu (à la télé) des psychologues pour chevaux et pas pour les ânes, c'est que celui-ci n'est pas con du tout !

    Je ne pourrais pas affirmer que l'âne est la risée des hommes qu'en France, mais je sais que les Démocrates américains l'ont choisi comme symbole !

     

    Ceci dit, j'ai lu ton dialogue comme un Roman de Renart, il n'est pas si innocent que çà !

    Ta prosopopée (j'ai découvert ce mot il n'y a pas longtemps), en rhétorique c'est un peu de la sermocination et tu excelles en la matière !

     

    Salut Mon Ami René et Bisous à Josette !

    2
    Mardi 21 Juin 2016 à 16:55

    Bonjour ami Rémy

     Ouf, je prends un moment pour venir te lire ou t'écouter, je ne sais plus. Mon cher, je suis très honoré des qualités que tu me prêtes, mais je ne sais pas si elles sont méritées.

    Tu sais, je vais, je viens, selon comme va le jour et comment je le traverse. Vois-tu, mon cher ami, la vie est ainsi faite qu'elle a trop de mémoire. Ainsi, se souvient-elle de ceux qui l'ont négligée de nombreuses années. Alors, elle nous explique que d'un fort elle sait en faire un faible, d'un dur comment le rendre mou, d'un rapide le transformer en être lent etc...

    Cependant, je ne suis ni triste ni surpris par ses postures, car depuis toujours, observant les éléments que je fréquente, j'ai compris que lorsqu'un premier chapitre est écrit il signifie qu'il y en aura un dernier, que si début il y a c'est pour nous faire comprendre qu'il y aura une fin et qu'il n'est de bon repas sans que la table on finisse par quitter.

    Oui, je fus et c'est déjà le deuxième cadeau que la vie me fit après avoir mis sur mon chemin ma chère épouse. Nous savons, mais nous ne voulons l'avouer, qu'aucun d'entre nous n'est éternel. Alors, tel les insoumis, il nous rentrer dans le rang et attendre notre tour. Oh ! Rassures-toi ! Je ne suis pas pressé d'en finir, mais je sais aussi que ce n'est pas moi qui choisirai. Alors je vais chaque jour comme s'il était une victoire et je me fais encore plaisir en essayant d'écrire quelques lignes que j'offre bien volontiers à mes amis et ceux qui me font la gentillesse de passer près de chez nous.

    Je ne sais pas si j’excelle en matière de prosopopée, mais avoir grandi seul hors du temps et des gens m'a fait comprendre bien des choses.

    A ce jour, je n'ai pas encore parcouru mes anciennes pages, mais il me faut le faire afin d'apporter quelques réponses à mes amis qui je n'en doute pas ne manquent pas de se poser.

    Mon cher ami, je ne puis rester longtemps à raconter la vie, car tu le sais, chez nous, c'est la saison des orages et qu'il nous faut déconnecter dix fois par jour. Nous travaillons toujours sur des machines prêtes à rendre l'âme, mais je voudrais pas rompre le fil qui nous relie à nos meilleurs amis.

    Merci encore de ton passage et crois bien que même si je ne le manifeste pas souvent, mes pensées s'envolent souvent vers ta région.

    A très bientôt, mon ami.

    René

     

      • Mardi 21 Juin 2016 à 18:22

        Si tu lis le poème N°29 d'Ymer TNEGER : " Toute ma vie " tu verras en quelques strophes ce que tu expliques romantiquement en plusieurs jours de denses proses !

        Tu sais que l'amour fusion entre deux êtres n'est pas courant de nos jours ! L'amour "jouissance", l'amour "cupide" ou l'amour "çà se fait",  ne sont que d'infimes parties de ce que j'appelle AMOUR !

         

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