• CONTES ET LÉGENDES DU POIS SUCRE

    LES OUTILS POUR VOIR LE TEMPS  1/3

     

    – Avec l’expérience des saisons précédentes, bien que réunis devant une immense cheminée où agonisaient d’énormes bûches, les gens décidèrent de mener une rébellion.

    – C’est le moment pour nous, de réclamer au responsable du temps, des comptes et des explications qui tardent à venir, dirent-ils en chœur !

    – Certes, les sages avaient prétendu l’avoir enfermé dans un cercle, puis l’avaient divisé. Mais après avoir traversé une année entière, rien n’avait véritablement changé. C’est alors que le plus ancien qui était aussi un peu chaman se leva et entonna une prière qu’il conservait secrète depuis des lunes.

    – Maître du temps, commença-t-il ; voilà des lustres que tu te moques de nous, faisant à ta guise naître l’espoir et les désillusions. Jusqu’à ce jour, tu gardes par-devers toi le lieu où tu résides et jamais tu ne nous adresses le moindre signe. Afin qu’en nos esprits les soupçons s’effacent, et pour que nous puissions vérifier que tu n’es pas qu’une chimère, nous t’implorons de te manifester, serait-ce une seule fois ; nous avons besoin de comprendre que c’est bien toi qui te tiens à nos côtés, et ainsi nous prouver que ton existence n’est pas qu’une légende. Pour afficher notre bonne volonté, nous sommes prêts à accepter que tu passes ta main dans nos cheveux pour les ébouriffer, comme le fait un jeune premier dans ceux de sa promise. Cependant, puisque tu restes sourd à nos demandes sans cesse répétées, nous avons décidé après de multiples palabres de créer des outils précis qui nous permettent d’avoir de meilleurs repères. Pour autant, nous avons compris que nous ne pouvions pas te garder prisonnier parmi nous. Malgré tes erreurs, tu nous as enseigné la liberté, et en son nom, nous ne saurions t’en priver. Aussi, dans l’attente de trouver un autre moyen plus efficace pour te faire enfin cohabiter avec nous, nous faisons le choix de te libérer en rompant le cercle au milieu duquel nous t’avions enfermé.

    Tu le vois, nous ne te tenons aucune rigueur pour nous avoir imposé tant de froid ; pas plus que tu ne nous gratifias des pluies et des orages qui effrayèrent les âmes les plus sensibles, car nous avons compris que lorsque tu le voulais, tu pouvais inventer le printemps ainsi que les jours les plus beaux et les plus longs de l’année. Nous avons nommé chacune de ces périodes. La première n’est autre que le renouveau, puisqu’il nous semble revivre depuis le gouffre dans lequel nous étions plongés, quand il te plaît de nous y précipiter. Lui succède l’été, qui représente la confirmation de la renaissance, en lui accordant plus d’attraits. Puis, vient le prélude à la saison oublieuse. C’est l’automne de notre vie. Il précède les souffrances et les pleurs du trop long hiver qui cache aux cieux le malheur des hommes. Oui, ce sont là les noms que nous ayons donné aux diverses époques qui, à leur façon, pèsent sur nos épaules ou ragaillardissent nos cœurs.

    Cependant, si nous subissons tes conséquences et tes caprices, hélas, nous ne te devinons toujours pas. Concernant la pluie, nous la voyons tomber ou courir en même temps que le ruisseau et aussi rouler sur notre peau. La neige, nous l’apercevons encore, bien qu’elle soit si discrète que nous ne l’entendons pas. Elle demeure des mois dans nos campagnes, afin que nos esprits ne l’oublient pas. Il est vrai que nous ne le matérialisions pas à proprement parler, mais nous savons que l’air existe, puisqu’il lui prend le caprice de figer le torrent qui un moment eut la prétention de lui résister. Nous n’ignorons pas le soleil, car il brunit notre peau. Le jour n’est pas une chose abstraite ; en effet, il nous fait la grâce de se lever pour que nous le contemplions et nous comprenons que la nuit est le refuge de nos rêves. Mais de toi, nous n’avons aucune information visuelle ou solide. Tu restes figé sur le seuil de notre maison sans jamais y pénétrer !

    C’est alors que les hommes prirent une décision radicale. Après avoir longuement observé le cycle lunaire, ils inventèrent les mois, bien qu’ils eurent beaucoup de mal à les mettre dans le bon ordre. Puis ils réussirent à les fractionner en semaines et même en jours. Hélas, ils ne voyaient toujours pas, le maître du temps ! Mécontents, ils firent appel à leurs amis parmi les plus puissants et les plus instruits. Ils leur demandèrent de réfléchir à la conception d’une réalisation ou de n’importe lequel de tous les objets, pourvu que sur lui ou en lui on puisse une fois pour toutes, apercevoir celui qui se dissimule depuis le commencement. Les érudits se retirèrent sous les grands bois, munis de leurs outils les plus perfectionnés. Combien de lunes dura leur absence ? Nul ne le sut.

    Enfin, le jour tant désiré arriva. Les sages s’en revinrent, avec, chacun sous le bras, un engin particulier.

    – Qu’est-ce donc ces objets, leur demanda-t-on ?

    – Vous cherchiez à voir la chose invisible ? Nous vous l’offrons sous des formes différentes.

    – Comment donc se nomment ces choses ?

    – Des Horloges ou des pendules, selon leur taille. Toutefois, chacune d’entre elles vous montre celui que vous poursuivez ! Mais approchez-vous, si vous désirez découvrir et toucher ce qu’est le temps et ce qu’il représente ! (A suivre)

    Amazone. Solitude. Copyright 00061340-1

    Académie du Pont du Gard

    Image du gnomon au cadran solaire adapté à la région du pont du Gard

     


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