• De la graine jaillit la vie

    — De nos jours, absorbés comme nous le sommes pour conserver nos acquis tremblants sur leurs fondations, nous oublions chaque jour un peu plus que nous sommes issus d’éléments fragiles qui mériteraient que nous leur accordions la plus grande attention. Chaque être vivant à la surface de notre Terre est né d’une petite graine qui portait en elle tous les espoirs d’un monde nouveau en même temps que tous les matériaux indispensables à la construction de la vie ainsi que ceux destinés à la rendre meilleure pour tous.

    Par respect au mystère qui entoure chaque naissance à laquelle le destin réserve sa propre histoire, je ne puis que m’émerveiller pour ce qu’elle est, à l’instant précis où elle découvre la lumière, et toujours aussi respectueux à l’idée de ce qu’elle sera un jour.

    Vivre !

    Cette fonction si délicate que nous pratiquons comme si nous faisions de l’équilibre sur un fil tendu au-dessus du vide. Une bonne partie de notre existence, nous la passons à galvauder notre propre vie comme si elle ne représentait que peu de choses. Nous aimons à prendre des risques ô combien inutiles alors que la sagesse nous recommande la plus grande prudence pour aborder l’instant suivant !

    Perdu au fond de l’un de mes tiroirs, j’ai retrouvé ce cliché qui me fit immédiatement remonter le temps. Oh ! Je vous rassure ; il ne s’agit pas de nombreux siècles qui auraient engendré moult évènements douloureux. Bien au contraire, au regard de l’existence que nous traversons, il n’est question que d’une poignée d’années, en l’occurrence, quarante-quatre. Aujourd’hui encore, je regarde ce jeune plant comme s’il était un enfant nouveau-né. J’observe cette photo et avec émotion, je repense à la merveilleuse histoire qui s’est attachée à elle, si belle, que je vous la raconterai sans doute un jour.

    C’était une époque où nous élevions des végétaux de toutes provenances en pépinière expérimentale afin de déterminer leur faculté d’adaptation en milieu géographique dans lequel les espèces endémiques disparaissaient les unes après les autres. C’est alors que je pris conscience des pensées qui me hantaient depuis toujours. Je tenais enfin la confirmation matérialisée, que devenir adulte ne pouvait s’improviser. L’homme n’est en rien différent des éléments qui suivent son cheminement. Il se construit patiemment, chaque jour apportant un nouveau morceau du puzzle afin de le compléter et ainsi dévoiler la véritable image qui composera et accompagnera le futur.

    Avant de grandir, il faut accepter et savoir être petits !

    Les hommes auxquels je ne reproche pas qu’ils soient curieux plus que les raisons l’exigent ont inventé un procédé extraordinaire ; l’écographie ! Elle permet aux parents et surtout aux mères de connaître leurs premières émotions en découvrant la vie qui s’installe en elles.

    La nature, elle, a préféré la totale discrétion. Tout se passe dans le secret tel la plus belle histoire qui prend naissance dans l’esprit de l’écrivain avant d’être confiée, une ligne après l’autre pour enfin être lu par les hommes. La graine du végétal renferme toutes les informations qui lui seront indispensables pour arriver à maturité. Il devine, s’apprêtant à lancer sa timide tige vers le ciel, qu’il ne pourra compter que sur lui-même pour assurer sa survie en un monde lui apparaissant d’un abord hostile, à l’instant où il perce la terre pour découvrir le firmament. Dans un ensemble parfaitement réglé au sommet de la frêle tige, les premières petites aiguilles s’appliquent à domestiquer la lumière, alors qu’à l’autre extrémité, les radicelles partent à la recherche de la nourriture. Le tronc va prendre rapidement de l’assurance avant de se lancer à l’assaut des brumes. Ce qui n’était qu’une graine perdue au milieu de milliers d’autres devient un arbuste, ajoutant des branches en formant des couronnes pour compléter son port et sa stabilité.

    Il semble vouloir nous faire comprendre qu’on ne résiste pas au temps si au paravent, on n’a pas pris soin de veiller à son équilibre.

    La petite chose fragile et timide qui s’offre à nous et celle d’un Séquoiadendron gigantéum. Il lui faudra faire appel à beaucoup de patience, avant d’atteindre sa taille adulte qui flirtera avec les cent mètres et qui verra sur ses branches, se poser, pour souffler un peu, plusieurs siècles, ajoutant chacun leur couche de nouveau bois.

    Je vous rassure ; ce petit végétal à l’aspect chétif va traverser le temps sans orgueil, car la nature l’ignore, elle l’a définitivement écarté de sa liste de gênes lors de la création. Le sujet fragile d’aujourd’hui ne pourra jamais se dérober à son destin. Il sera heureux de rayonner au-dessus de la forêt et le sera davantage d’héberger en sa ramure des générations d’oiseaux. Il se permettra d’être fier à l’instant où les hommes caresseront avec délicatesse son épaisse, mais douce écorce rouge, comme s’ils acceptaient soudain de reconnaître qu’ils partageaient l’espace avec des sujets beaucoup plus forts qu’eux.

     

    Si nous prenions le temps de regarder la vie se développer autour de nous avec davantage d’humilité, nous comprendrions qu’elle n’existe pas seulement pour notre plus grand plaisir, mais que c’est bien elle qui assure notre survie. Si, au lieu de l’ignorer nous recherchions le cœur de la nature, nous saurions qu’il ne bat que pour nous, comme s’il était notre second moteur entraînant le premier.

    Si nous regardions plus souvent afin de le comprendre, le combat que mènent les jeunes plantules pour découvrir les bienfaits de la lumière, nous aurions alors envie à notre tour de donner plus de vie, en semant et plantant, mais aussi en préservant ce qui existe déjà en ne la détruisant pas.

     

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010

     

     


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