• Douceurs matinales

    — Quel bonheur de me retrouver mêlée à la renaissance du jour ! Chaque matin, mon plaisir est immense, à l’instant où il semble ne se lever que pour moi, comme s’il désirait m’associer à l’intimité d’un nouvel enfantement.

    Nous nous connaissons si bien tous les deux. Depuis ma plus tendre enfance, je n’ai jamais manqué nos secrets rendez-vous.

    Le long chemin parcouru pour enfin découvrir tes berges est pour moi une telle récompense, que s’il me fallait venir de plus loin encore pour te vénérer, je n’hésiterais pas à sacrifier une partie de mes rêves afin de mêler mes prières aux éléments essentiels qui rendent nos vies plus douces.

    L’air, la lumière et l’eau ! Le spectacle de la nuit qui fait mine de vouloir résister à l’aurore, qui la pousse gentiment vers d’autres endroits du monde où les songes sont impatients de la retrouver. C’est alors que reprend vie notre fleuve qui, à l’instant, semble se remettre en marche, pareil à un long fil d’argent, amenant avec lui l’espoir d’une existence meilleure.  

    Ô mon fleuve bien aimé ! J’aimerais tant qu’un instant tu arrêtes ta course folle, pour contempler avec moi le jour qui se lève tel le rideau du théâtre découvrant la scène où vont se succéder les artistes. Ils vont éblouir les spectateurs qui s’accoudent pour l’occasion sur le rebord du tableau, comme on le ferait sur les beautés du monde, en silence, pour ne rien déranger des couleurs qui sont encore à la recherche du plus beau fusain afin de l’illuminer.

    Regarde comme le jour est beau se nimbant dans les voiles de brumes qui rendent le soleil jaloux, lui ravissant pour un temps la vedette. Vexé, il nous laisse penser qu’il ne brillera pas de la journée, alors que nous savons qu’il doit encore apprendre à dompter son impatience. Le ciel ne lui appartient-il pas déjà qu’il veuille aussi s’approprier notre Terre ?

    Fleuve sacré ; depuis tant d’années que nous nous rencontrons, je sais que tu connais jusqu’à la plus secrète de mes pensées, alors que je devine déjà les tiennes à l’instant où mon pagne découvrira ma peau.  

    Ton allure s’accélère à la manière d’un cœur qui s’abandonne aux émotions nouvelles à l’instant où je me glisse en ton eau comme si je traversais un miroir. Je sentirai mon corps parcouru par d’incessants frissons, ignorant s’ils m’appartiennent ou s’ils sont tiens, pour me prouver à travers eux ton plaisir de me retrouver et de me posséder.

    Délicatement, je m’avancerai, avec d’infinies précautions afin de ne pas contrarier les éléments patiemment construits en ton lit depuis l’aube des temps.

    Comme tous les jeunes premiers, je te sentirai fébrile à l’instant où tu investiras non sans une certaine timidité et maladresse les moindres recoins de ma personne, alors que je m’abandonnerai à tes caprices.  

    Jusqu’à ce jour, je n’osais te l’avouer, mais je crois que tu l’auras deviné bien que demeurant discret ; mes ablutions matinales ne sont pas toujours innocentes, puisque ce sont des souillures de la nuit que je viens humblement me purifier dans tes flots.

    Je sais alors qu’à l’issue des caresses, tu emporteras vers d’autres rivages les mauvaises pensées et les désirs qui m’avaient assaillie durant la nuit.

    Pareil à un rituel au cours duquel je me sens libérée, je plongerai ensuite, restant immobile sous ta surface. Tu passeras alors sans me voir, tandis que pour un temps, j’imaginerai être une petite sirène dont tous les hommes sont amoureux bien qu’ils ne l’aient jamais vue. Je crois que tu souris toujours à cette évocation, car une sirène pour maîtresse ne peut appartenir à personne d’autre qu’à la douceur du fleuve.

    À regret, je sortirai et m’agenouillerai à l’écart de la berge et commenceront mes prières à travers desquelles j’implorerai les Tout-Puissants du ciel et de la Terre, ceux qui décident de la destinée de chacun de nous, des animaux et des choses.

    Dans mes litanies, je n’oublierai pas de demander que mon fleuve vénéré soit protégé de la folie des hommes.

    Au nombre de mes requêtes, il y aura celle que mon cœur ne cesse d’implorer s’adressant au Très-Haut, lui demandant qu’il ne nous prive jamais de nous offrir des matins comme celui-ci. Qu’il fasse également que tous ceux qui lui succèderont soient toujours source d’éblouissement pour nos regards et aussi qu’il ne retire pas les brumes aussi longtemps que dure notre rencontre, comme pour cacher au reste du monde nos relations matinales.

    Un bonheur aussi intense ne peut être partagé avec personne, ni que soit dévoilé le lieu secret où l’aurore descend sur la Terre à la manière des plus belles fées.

     

     

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010 


  • Commentaires

    1
    Mardi 7 Juin 2016 à 04:31

            Bonjour René ..
     Me  voila  de  retour  pour  retrouver  tes  lignes  et  ce  beaux  texte  en  hommage  au lever du jour  sur le fleuve que tu aimes tant ..Mais  dis  moi  mon  ami ..  tu  écris  aussi  vite  que  tu  vis  les  merveilleux  moments  de  ta  vie ..Avec  les  années  je  ne  suis  plus  aussi  rapide ..
    Je  vais  faire  de  mon  mieux  pour  te  rattraper   sur  tes  pages , mais  c'est  pas  évident ..
      Merci  René  pour  ce  bel  instant  que  j'admire  aussi  bien  souvent  mais  ne  saurais  pas  aussi  bien  que  toi  le  décrire ..
    Bonne  journee  René ..  
    Amitié  des  US  a  partager  avec  ton  épouse ..
    Nicole .. 

    2
    Mardi 7 Juin 2016 à 04:49

    Coucou René . j'ai  oublie de te dire ...  La  photo  qui  illustre  ce  texte  est  superbe ..
    Merci  ....

    3
    Mardi 7 Juin 2016 à 22:52

    Coucou, ma chère Nicole,

    Je ne te remercierai jamais assez pour tes nombreuses allées et venues sur mon blog, qui, ces derniers temps ressemblait à un désert. En effet, de nombreux événements m'ont empêchés de venir près de vous et je te pris de bien vouloir m'en pardonner. Tu sais, perdus dans notre forêt, rien n'est facile ! cependant, depuis notre région, on tire des fusées et plaçons des satellites au-dessus de nos têtes, mais nous, nous restons toujours à l'extrême périphérie de ces outils modernes. Bref, je ne me plains pas, car utiliser l'informatique dans notre milieu qui ressemble plus à un bouillon de cultures est une gageure. 

    Du côté de la santé, cela demeure assez fragile aussi. Que veux-tu, si parfois la mémoire oublie certaines pages de l'existence, le corps, lui, n'a rien oublié de ce qu'on lui a fait subir ! Alors, nous faisons avec ce que nous avons, en remerciant le ciel d'être ce que nous sommes encore à ce jour.

    Tu dis que j'écris trop vite ? Figures-toi qu'il y a quelque temps, Rémy à dit à l'une de ses amies que" j'écrivais plus vite que son cheval au galop" Tant que ma main pourra tenir la plume, j'essaierai toujours d'écrire des histoires de vie, afin de laisser derrière moi quelques sujets de réflexions. Cependant, je n'écris pas que des historiettes. J'en suis aussi à une dizaine de romans. Pour répondre à ta question, non, ils ne sont pas publiés. Sans doute vais-je m'en occuper bientôt. Mais ce sont de "gros pavés" et de nos jours on leur préfère des lectures de quais de gare, vite lues. De plus, le principal éditeur de la place privilégie les histoires typiquement locales, sans tenir compte du vécu des gens. Enfin, trois de ces romans mettent en avant la Guyane, espérons que cela sera suffisant.

    Nous sommes en saison des pluies encore pour deux mois, et les coupures sont fréquentes, sans compter avec les orages pendant lesquels,  nous sommes obligés de tout débrancher et déconnecter.

    Ma chère Nicole, j'ai beaucoup parlé de nous, pardon ! J'aurais du commencer par demander de vos nouvelles. Pour ce soir, je ne vais pas être plus long,mais je te promets d'aller faire un tour sur ta page qui m'émerveille à chacun de mes passages.

    Je te souhaite une belle journée et je te charge de partager mon amitié avec tes êtres chers.

    René

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