• Et le jour se leva

     

     

    – Il arrive très souvent que les gens qui nous font l’honneur de nous rendre visite nous disent, comme s’ils s’étaient donné le mot :

    – N’êtes-vous donc pas blasé d’admirer chaque jour le même décor ? N’êtes-vous jamais tenté d’aller voir d’autres paysages ?

    – C’est alors que je leur confie, à leur grand étonnement, les émotions qui sont miennes à l’instant où je pose le pied à terre, avec au ventre, une sensation digne des celles que les enfants éprouvent un matin de Noël au pied du sapin. Tout d’abord, ils me regardent curieusement, tandis que je leur confie la première raison qui me fait me précipiter au-dehors. Le croiriez-vous que je coure non pour voir, mais pour entendre ?

    – Écouter ? Nous ne demandons pas mieux ; mais quoi, ou encore qui ; me demande-t-on ? Le jour n’a jamais été bruyant lorsqu’il se lève !

    Alors, baissant la voix presque à murmurer je relate les paroles qu’il me semble comprendre à l’instant où la nuit décide qu’il est temps de se réfugier en un autre coin du ciel. Un timbre puissant lance à travers l’espace à l’intention de ceux qui veulent bien entendre et admettre :

    – Ô ! Toi, homme qu’un jour se détourna du chemin que j’avais tracé, pour une fois, rends-toi utile et fais en sorte d’aider la journée qui s’offre à toi la plus belle possible !

    – Certes, je vois bien que certains rient sous cape, ne s’attendant pas à une pareille introduction. Dans le regard d’autres, je comprends qu’ils se demandent si j’ai passé une bonne nuit ou plus naturellement, si je ne commence pas à déraisonner. C’est alors que je satisfais leur curiosité ; écoutez plutôt :

    L’aurore n’est qu’à ses balbutiements et couleurs que je me précipite, dis-je, pour saluer son avènement.

    – Les plus audacieux se risquent à une remarque :

    – Nous ne comprenons pas votre empressement, jusqu’à maintenant nous n’avons jamais eu connaissance que quelqu’un dérobait un lever de jour !

    – Certes, nul n’a la prétention ni le désir de l’accaparer, dis-je, mais ceux qui ont le privilège de résider près de l’équateur savent bien que le jour et sa voisine la nuit ne prennent aucun moment de réflexion quand il s’agit de venir ou de s’enfuir. C’est la raison pour laquelle il me faut être présent à l’instant où les ténèbres commencent à tomber de sommeil, et le jour, à s’étirer, alors que le ciel bâille à s’en démonter les nuages, que la lumière, jusque là prisonnière, en profite pour s’évader, utilisant le fil à peine blanchi de l’horizon pour se hisser par-dessus la forêt. Cependant, ce ne sont que les prémices des scènes qui s’enchaînent.

    D’abord, dame nature offre son feuillage à l’humidité que la nuit laisse derrière elle, tant elle est pressée de s’enfuir, car voilà l’heure du bain matinal. Rien de tel qu’une bonne rosée pour se débarrasser des souillures de toutes sortes que les ténèbres ont déposées, et pour éliminer les dernières traces des rêves coquins des uns ou des autres hôtes des grands bois. Bien qu’offerte à nos regards, la nature n’en demeure pas moins une éternelle jeune fille pudique. Il est vrai qu’elle laisse voir beaucoup, mais pour l’heure, elle cache l’essentiel. D’ailleurs, qui peut se targuer d’avoir un jour, découvert son âme au détour d’un layon ? Donc, sous la clarté menaçante, mon amie verte termine ses ablutions et se presse d’enfiler une sortie de bain faite de fine brume. C’est que dame nature est coquette et qu’elle n’aime pas être dérangée dans ses ultimes retouches de beauté. Toutefois, le vent coquin et impatient passe un souffle discret sous la voilette légère, laissant découvrir la forêt plus rayonnante que jamais.

    C’est l’instant que choisit le grand maître du temps pour signifier à l’ensemble de la sylve de se mettre en marche. La brise se renforce afin de chasser la mauvaise humeur que la nuit a laissée derrière elle. Ce souffle nouveau indique aux oiseaux impatients qu’ils peuvent lancer leurs trilles, tels des réveils matin. Il est l’heure où le jour fait ses premiers pas dans le monde.

    Sous les couverts, les animaux du soir croisent ceux du jour qui finissent leurs étirements. Les serpents sont à la recherche d’un coin discret où ils pourront digérer, tandis que les félins rejoignent les branches sur lesquelles ils sommeilleront jusqu’au soir. La gent ailée parfaitement réveillée maintenant se lance dans des ballets compliqués et autant d’arabesques, pendant que d’autres volatiles s’appellent et se répondent. Les singes hurleurs sonnent la fin de la récréation, alors que les perroquets de toutes sortes, bruyamment, décident de leur journée tout en écoutant les dernières informations que se communiquent les toucans, quant aux sites de nourrissages. Derrière les clôtures, bœufs et zébus trépignent d’impatience. Dans les basses-cours, les coqs réveillent les retardataires. Dans les champs et sur les buissons, les fleurs généreuses libèrent les fragrances qui vont enivrer les abeilles jusque dans les ruches, les invitant à transformer le précieux nectar en un miel onctueux et parfumé, qui mériterait d’être élu à la première place du patrimoine de l’humanité. Un instant, les criques, rivières et fleuves ralentissent leurs cours, afin de laisser le temps au ciel de s’installer confortablement à leur surface, et le « chemin qui marche » reprend sa marche vers le grand frère océan.

    Honnêtement, les amis ; qui, à travers le monde, peut nous inviter un tel spectacle ?

    Comprenez-vous, maintenant que je ne puis être lassé par ces offrandes matinales alors que l’aurore me demande à la suivre jusqu’au bout de ses ambitions ? Et vous-mêmes, ne vous tarde-t-il pas d’être à demain, pour voir, entendre et respirer le nouveau jour ?

    Amazone Solitude

     

      


  • Commentaires

    1
    Samedi 10 Décembre 2016 à 03:06

           Bonjour  ami  lointain ..
    Merci  pour ce joli texte ,qui  nous  dit  combien  la  vie  est  précieuse  quand  on  la  regarde  bien  en  face . qui  nous  décrit  combien  la  nature  est  belle  quand  on  peut  l'admirer , et  quel  enchantement  on peut  éprouver  quand on  respire  la  vie  pleinement .. C'est  quand  on  ne  peut  plus  voir ni entendre  que  l'on  s’aperçoit  combien  nous  avons  besoin  de  cet  immense  bien être  ... Bon Week-end  mes amis  lointains ..
      Mes amitiés  a  tous  deux .
    Je vous embrasse .
    Nicole .. 

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