• L'allée de Mahazoarivo suite et fin

     

    – De temps en temps, je prenais une pose et je regardais le désastre que j’étais entrain de faire et j’avais du mal, je ne vous le cache pas, à imaginer que bientôt en ces lieux il y aurait des animaux à brouter ici et là. Mais pour l’heure, il n’était pas question de jouer à « Perette et son pot à lait ». Des dizaines de mètres cubes de bois attendaient de s’abattre sur ceux déjà à terre. Deux pleins de la machine furent nécessaires avant que le fier fromager décide de faire entendre ses premiers craquements. J’achevais la charnière lorsque le tronc vacilla. Un coup d’œil rapide me confirma que la direction vers laquelle il s’orientait était la bonne ; sauf que…

    À mi-chemin, voilà que le tronc change d’idée et se présente face à moi, entraîné sans doute par quelques lianes que je ne voyais pas. Alors que je décide de m’enfuir, le destin s’en mêle et me tend un piège. Je tombe au milieu de branches, et me retournant, j’aperçois l’arbre qui continue sa chute.

    Dans un instant, dis-je, il sera sur moi ! Cependant, j’essayais de ne pas fermer les yeux, mais l’instinct est le plus fort ; la nuit vint avant l’heure. C’est alors que j’entendis un bruit extraordinairement puissant. Le bois frappe le sol entraînant dans sa douleur les quatre entamés précédemment. Les troncs éclatent, des morceaux volent dans tous les sens, le sol tremble comme lors d’un séisme. Des branches me recouvrent comme autant de bras protecteurs, dirait-on, jusqu’au moment où je n’entends plus rien d’autre que mes os qui sont broyés.

    Enfin, est-cela que je pensais à l’instant où je crus que c’était la fin du monde qui arrivait, en même temps que la mienne. 

    « Mon dieu que c’est bruyant, des os qui se broient, pensai-je » ! Mais vous l’avez compris ; ce n’était pas mon corps qui se broyait, seulement les houppiers qui finissaient de s’imbriquer les uns dans les autres. C’est alors que je repris complètement connaissance. J’étais contusionné, mon corps était douloureux et bosselé, mais j’étais vivant !

    Péniblement, je finis par me relever et me mis à la recherche de mes outils. Difficilement, je rejoins mon campement, non sans me retourner à plusieurs reprises, jusqu’au moment où je compris ce qui s’était passé. C’est une énorme liane qui fit dévier le fromager depuis sa cime, alors qu’une précédente l’avait fait tourner dans ma direction. Sans plus attendre, je plongeais dans la crique sans avoir conscience du temps où j’y demeurais.

    C’est alors que je regardais le ciel ; m’adressant aux anciens qui sont bienveillants à notre égard je leur dis :

    « Mes amis, allez dire aux anges que je ne viendrai pas ce soir »

    — Pour les remercier, je promis de planter en ce lieu où les branches et les feuilles faillirent me recouvrir tel un linceul, de planter des arbres qu’ils connaissaient sur un autre continent. Ce sont donc des fruitiers du nom de jamblons (fruits violets en grappes, dont on fait du sirop, de la confiture et même du vin), qui ombre aujourd’hui cette allée. Des années plus tard, pour confirmer que cette allée leur appartenait, un essaim d’abeilles sauvages prit possession du banc sur lequel je prenais mes repos lors des différents travaux. Bien entendu, cela ne semble pas extraordinaire… sauf que le père de mon épouse, à Mahazoarivo, était apiculteur ! Alors, puisqu’elles me laissaient m’asseoir sans m’agresser, par leur intermédiaire, je parlementais avec ceux dont vous devinez qui ils étaient. Depuis quelque temps, notre fille prend la relève. Elle taille les arbres et entretien l’allée, sur son terrain auquel elle a choisi de donner le nom de « domaine de Mahazoarivo », tandis que le nôtre reste la ferme du pois sucré. Fin.

     

    L'allée de Mahazoarivo suite et fin


  • Commentaires

    1
    Vendredi 18 Mars 2016 à 10:49

      

    Bonjour René, eh bien, on peut dire que tu y a échappé de peu !... C'est bien d'y avoir planté ces arbres qui font maintenant une belle allée.. et les abeilles (c'est un signe de Dieu)..

    Bon vendredi dans ton beau pays... Gros bisous de nous deux

    2
    Vendredi 18 Mars 2016 à 21:41

    Un p'tit bonsoir ... De temps en temps, il faut le faire même si je préfère le catimini...

    Et dire dans la foulée que j'aime bien. C'est clair, frais et vivant ... Une lecture plaisante.

    Un moment de détente. Sur ce, Bonne soirée à vous.

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