• La beauté, vous connaissez ?

    — La beauté a un caractère si particulier qu’elle ne manque jamais de nous surprendre, même si elle se dérobe à l’instant où l’on cherche à lui donner un nom, un autre aspect, peut être un rôle qu’elle nous refuserait parce qu’elle a toujours su conserver sa singularité, humble et discrète, malgré son éclat.

    Il nous arrive même d’être quelque peu exhaustifs quand nous essayons de la décrire, comme si de ses traits ordinaires, nous ne parvenions pas à en faire les contours.

    Ne nous exclamons-nous pas parfois qu’elle nous semble irréelle ?

    Comme si nous pouvions mettre une image sur le surnaturel.

    Une beauté venue d’ailleurs, entendons-nous encore ? Mais personne ne sait dire où elle a pris sa source.

    Par le vaste monde, y aurait-il une région particulière qui n’engendrerait que ce qui est éclatant, refusant l’accès à sa demeure à tout ce qui est laid ou ayant l’aspect douteux ?

    Malgré la qualité et la diversité des mots que nous utilisons pour mettre un nom sur une image ravissant nos sens, nous sommes encore loin de pénétrer jusqu’au cœur de la beauté, cet endroit magique où elle dépose ses secrets et ses mystères.

    Combien sommes-nous prêts à donner pour lever le voile sur les instants furtifs que la lumière tient à la disposition des choses, tandis que les personnages s’empressent d’utiliser toute une encyclopédie de mots pour séduire et mettre davantage en valeur, l’image admirée, comme si les qualificatifs étaient indispensables à leur survie ?

    Au risque de me répéter, je maintiens que la beauté reste indéfinissable. Elle ne se dit pas ; elle aime que nous la contemplions et même que nous la respirions afin qu’elle s’inscrive en notre mémoire, pour que dès que nos yeux se ferment, à l’instant où la nuit descend sur le monde, nous puissions conserver sous nos paupières la plus éclatante représentation du jour.

    Dans sa nudité, la beauté ne cesse de nous surprendre en inventant sans cesse de nouvelles couleurs qui feront naître des expressions renouvelées dans une nature éblouie, ne sachant dire ce qu’elle éprouve ; seulement montrer qu’il n’est besoin d’aucun effort pour embellir les jours.

     Il nous arrive souvent d’aller chercher à l’autre bout du monde une image afin de ravir notre regard quand la mélancolie semble vouloir s’imposer en notre demeure.

    J’ai déjà longuement contemplé le tapis vert des savanes alors qu’il ne présentait aucun aspect particulier parce que la saison des fleurs était passée et cependant, en me penchant sur les herbes folles, j’y ai découvert des milliers d’insectes de toutes sortes qui viennent se délecter des sucs qui les nourrissent et les colorent afin qu’ils fassent de belles taches dans un univers de verdure.

    Mais les nuances de la savane ne sont pas si anodines que l’on pourrait se l’imaginer.

    C’est aussi une ruse de la nature pour mettre en valeur celles de ses hôtes qui paradent et qui sont en quête de séduction.

    Seule, la beauté s’ennuie et perd une partie de ses attraits. Alors, pour nous impressionner et nous convaincre qu’elle n’est jamais en manque d’imagination. Elle s’associe au vent et la savane ressemble soudain à l’océan sous l’effet de la houle, allant et venant d’un bord à l’autre de la planète.

    Dans les épis mûrs s’accrochent les notes des brises estivales et voilà que la beauté que nous n’apercevions pas nous offre son incomparable concert.

    C’est alors que nous comprenons que si ce qui est éclatant ne nous apparaît pas, il suffit de fermer les yeux pour l’écouter.

    J’aime à m’attarder devant un tableau remarquable, car je sais que le peintre s’est donné beaucoup de mal pour reproduire l’infinie beauté qui envahit son regard. Il arrivera à imiter à la goutte de rosée près les merveilles de la nature, mais pour mon plaisir exigeant, il manquera des éléments essentiels.

    Je n’y verrai pas les combats que se mènent les jours et les nuits, je n’y entendrai pas les chants d’oiseaux qui sont les porte-parole du temps et je ne distingue pas les ramures agitées par le discret alizé.

    L’artiste, il est vrai, est comme la mémoire de la nature, de la beauté et des peuples, mais quand il vole son éclat à l’évènement, ses couleurs ne nous font pas entendre les chants des parades nuptiales que s’offrent les animaux, à l’instar de ce couple de grues couronnées.

    C’est alors à cet instant précis que la beauté nous démontre tout son talent, car dans ce cas distinct, elle se décline sur tous les tons.

     

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010


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