• LA JOURNÉE DU HOUX 2/2

    Dans la continuité des histoires de Noël

     

     

    LA JOURNÉE DU HOUX 2/2– Avant toute chose, tu vas monter au grenier. Ne fais pas attention au désordre, car il y a longtemps que je n’y vais plus. Mes vieilles jambes refusent l’ascension des marches grinçantes. On dirait qu’elles me reprochent ma désertion.

    – À moins que ce qu’il y a là-haut vous cause quelques chagrins ?

    – Ah ! Toi, tu sais que parfois tu me surprends dans tes réflexions et ta manière de voir les choses. En fait, je vais te faire plaisir. Il est vrai que je me demande souvent si ce que renferment les malles, autres que de beaux souvenirs, ne sont pas des images, que j’aimerais oublier. Je pense que lorsque nous vieillissons, notre mémoire se fait plus sélective. Elle ressemble à un voyageur allégeant son bagage devenu trop lourd au bout du bras fatigué. Bon, ne nous égarons pas. Je t’explique dans qu’elle malle tu trouveras les garnitures pour la décoration de l’arbre. Quand tu redescendras, si tu le veux bien, tu iras me chercher une branche de sapin et du houx. J’aime beaucoup cette plante qui nous offre si généreusement des boules rouges sur une feuille que l’on croirait être vernie par la main de l’homme.

    Le grenier fut une surprenante découverte pour Robert. Il n’estima pas qu’il soit en désordre, mais au contraire bien rangé. Les malles en osier se trouvaient d’un côté, celles en bois leur faisaient face et au fond, entassés les uns sur les autres, de nombreux cartons étaient empilés. Il fut bien tenté d’en inventorier quelques-uns, mais le temps passait et s’il désirait avoir celui d’aller dénicher le sapin et le houx, s’il voulait être de retour avant la nuit.

    – Je suis contente, lui dit-elle, tu n’as pas fouillé « dans ma vie », si je puis dire ; c’est bien. Ne serais-tu donc pas si curieux que je le pensais ?

    – Vous êtes dans l’erreur, mademoiselle ; je le suis, je l’avoue. J’ai été à deux doigts de le faire, mais partir à la recherche de ce que vous attendez m’a forcé à ne poser que les yeux sur vos trésors. Et puis, comme vous le dites, c’est avant tout votre passé qui dort là-haut et vous seule avez le droit de lui demander de revivre quand il vous plaira.

    – Merci, tu es gentil. Quand nous n’aurons plus d’obligations, je te ferai descendre « les choses » de la vie. Nous occuperons ainsi quelques après-midi. Au fait, as-tu une idée de l’endroit où trouver le houx et de ce qui l’accompagne ?

    – Oui, ne vous inquiétez pas. Je sais une colline derrière chez le cantonnier qui regorge de toutes ces merveilleuses plantes. Elles sont mélangées aux fougères sous les hêtres.

    – Alors, ne tarde pas. Couvre-toi et file pendant qu’il ne tombe pas trop de neige.

    Pas trop, se dit-il une fois dehors ? Si elle sortait, elle verrait que je m’y enfonce déjà jusqu’aux chevilles, maugréa-t-il.

    Tandis qu’il essayait de casser une branche de sapin, il sursauta quand dans le silence une voix sévère claqua tel un coup de fusil.

    – Hé ! Que fais-tu là, voyou ? Ne sais-tu pas que tu te trouves dans ma propriété ? Je vais être obligé de t’arrêter et de te conduire à la gendarmerie. Comment te nommes-tu ?

    – Robert Bonaventure ; monsieur.

    – Me connais-tu ?

    – Bien sûr, vous êtes monsieur Gauthier, le garde champêtre.

    – Et cela ne te gêne pas de dévaliser mon bien ? Tu commences bien jeune. Jamais personne n’a tenté de me voler ; tu es le premier et cela va te coûter très cher, garnement !

    – Ce n’est pas pour moi, fit-il.

    – Pour qui alors ?

    – Pour mademoiselle Valadon. Elle m’a envoyé chercher un rameau de sapin et du houx pour le décorer, ainsi que la crèche. Je ne savais pas où en trouver, et vu l’heure, je me suis arrêté ici, ignorant que ce fût chez vous.

    – Pour l’ancienne institutrice ? Mais pourquoi ne l’as-tu pas dit plus tôt ? Pour elle, ce n’est pas une branche que tu vas lui porter, mais un joli petit arbre de Noël. Je vais chercher une scie ; pendant ce temps, va de ce côté, tu découvriras le houx et surtout de la mousse. Il en faut pour mettre au pied du sapin. Allez, ne perds pas de temps.

    Quand il fut seul, Robert, bien que fâché par les propos qu’il lui avait adressés, fut néanmoins fier de fréquenter une personne qui forçait au respect à ce point, que le garde lui-même tira un trait sur ses mauvaises paroles et les menaces proférées à son endroit.

    – Eh ! Bien, dis donc, dit-il à voix haute ; ce n’est pas n’importe qui la demoiselle !

    – Tu as trouvé ce qu’il te fallait ? Tu n’as pas oublié la mousse ?

    Robert se retourna et s’exclama en découvrant l’arbre qu’il portait sur son épaule.

    Je ne vais pas pouvoir l’emmener, monsieur, il est trop gros ! Et puis, elle ne m’a pas demandé un entier, mais une branche.

    – Ne t’inquiète pas pour cela. C’est moi qui vais le transporter. Tu comprendras qu’elle sera heureuse de m’accueillir avec le sapin.

    – Et comme cela, vous vous assurez que c’est bien pour elle, n’est-ce pas ?

    – Tu as de la suite dans les idées, toi. En vérité, je n’y pensais pas réellement. Mais je suis content de faire plaisir à mademoiselle Valadon. Vois-tu, c’est à elle que je dois ma place à la mairie. En conséquence de quoi rien ne sera jamais trop beau pour elle !

    Cela s’appelle de la reconnaissance, je crois, dit Robert ?

    – C’est exact. Il faut toujours rendre les bienfaits que l’on nous a faits. Bien sûr, dans les limites de nos moyens. Mais le faire entretient l’amitié.

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00061340-1

     

    Photo glanée sur le net.


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