• La philosophie de la brousse

    — Je vois que vous hésitez. Il ne le faut pas, chez nous, selon une croyance qui remonte à la nuit des temps, il est dit que si vous venez en ami, vous arrivez bien tard et vous repartez toujours trop tôt. Au village, vous ne rencontrerez jamais quelqu’un qui refuserait de vous accueillir. Si vous pouvez entrer ? Bien sûr, d’ailleurs n’êtes-vous pas déjà chez nous ? Votre regard est bizarre, n’avez-vous donc jamais vu quelqu’un s’affairer à la cuisine ? Cela se passe différemment dans votre société ? Vous imaginez qu’il me manque quelque chose ? Je vous rassure tout de suite. Tout ce qui est utile, nous le possédons. Le superflu, nous demandons au hasard de nous l’offrir, si personne d’autre ne l’a réclamé avant nous.

    Vous savez, les anciens nous invitaient toujours à ne pas chercher l’indispensable ni même l’inexplicable. En chacun de nous, il y a une part de la vie qui doit rester secrète. Sinon qu’aurions-nous à offrir à la nuit qui fait des prouesses pour nous construire en silence les plus beaux songes et les histoires merveilleuses qui courent à travers la brousse ? Je vois que le sourire dessine d’autres traits sur votre visage interrogateur. Vous n’osez pas me demander si nous avons des mots pour expliquer chaque instant de la vie ; est-ce cela qui vous tourmente ?

    Soyez rassuré, nous savons dire qu’un repas est excellent puisqu’il contente notre faim. Si nos yeux brillent en regardant une scène particulière, une chose ou une fleur, c’est pour dire qu’elle est belle. La douleur, nous préférons ne pas en parler. Grande ou petite, elle reste ce qu’elle est, et notre corps, avec la force de l’habitude s’en accommode. Quant au chagrin, il est vrai que nous ne savons pas toujours l’exprimer. Pour cela, nous avons les larmes qui connaissent mieux que les paroles pour convaincre l’auteur de nos tourments que le moment de poser un autre regard sur nous est venu.

    Allez, ne soyez pas pudique ! Je devine la question qui fait de l’équilibre en vos pensées et qui reste suspendue à vos lèvres. Je ne vais pas vous décevoir. Oui ! Nous faisons l’amour, il nous habite de la même manière qu’il réside aussi en vous. Mais voyez-vous, c’est un sentiment tellement noble, qu’il ne nous viendrait pas à l’esprit de l’utiliser pour faire de la compétition. Il demeure le lien indispensable qui nous attache à ceux que l’on aime, mais également à mieux considérer les choses et les bêtes.

    Le mari, tient-il une place particulière ? Bien sûr, n’est-il pas le chef de famille ? Les relations que nous avons avec lui ? Si être attentionnée à son égard, aller au-devant de ses désirs et veiller à ce qu’il soit heureux, c’est l’amour, alors il n’y a pas de doute ; vous prononcez le mot qu’il faut.

    Par contre, je ne suis que, la troisième épouse et à ce titre je ne parlerai qu’en mon nom.  

    Cependant, je puis vous assurer que chacune, nous lui apportons quelque chose d’essentiel à une parfaite harmonie. Tout ce qui concerne le bonheur, je peux vous dire sans détour qu’il y a longtemps que nous l’avons mis en commun. Je vois que vous regardez un peu partout autour de vous. Vous manquerait-il une information ? Je vous l’ai déjà dit. L’essentiel est là, dit la femme en indiquant son cœur. Il est caché, grandit et rayonne en nous sans que nous ayons besoin de le solliciter. C’est sans doute ce que vous appelez sous vos climats, la beauté interne. Notre confort ? Mais pourrait-il être plus doux que tout ce que nous offre la nature et son espace infini que nul mur hideux ne vient contenir ? Notre force ? Elle est la sagesse que nos anciens ont imprimée en nous. Nous ne devons jamais l’oublier. Elle est notre meilleure compagne, elle nous indique que chaque aurore qui dessine le jour est pareille à un chemin nouvellement tracé. Il nous invite à le suivre sans faire se lever la poussière derrière nos pas afin que nos enfants ne nous perdent jamais de vue.

    S’il doit nous arriver quelque chose, c’est sur son parcours que cela se produira, que cela soit bon ou mauvais. Il nous appartient de faire la différence et de l’accepter. Je crois que vous avez un mot élégant pour décrire cet état d’esprit : la destinée, n’est-ce pas cela ?

    Mais en conclusion, je vous invite à regarder notre ciel. Ne le trouvez-vous pas assez grand pour nous recevoir tous, quel que soit le continent sur lequel vous avez vos attaches ?

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010

     

     


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