• La prairie des anges

     

    La prairie des angesDialogue imaginaire dans les brumes matinales

     

    — Pour apaiser l’angoisse qui monte en moi à l’instant où le jour va à la rencontre de la nuit, je parcours inlassablement le silence de l’aurore, à la recherche de l’incompréhensible destin qui fait que les hommes sont heureux ou malheureux. Mais l’avouerais-je ; j’aime aussi, dans l’attente improbable d’un miracle qui ferait que dans l’innocence d’un matin, il y aurait pour l’illuminer, deux soleils imaginés par un ciel complice de ma profonde consternation.

    Alors, raccrochée à l’espoir, me voilà à déambuler dans la nature, épiant les éléments qui s’y réveillent. Les feuilles me forcent à sourire quand je les vois défroisser leur limbe dans lequel elles s’étaient enroulées pour s’isoler d’une nuit trop curieuse. Elle veut tout savoir des rêves des habitants de la terre, s’empressant de les raconter aux étoiles, qui, dès les prochaines ténèbres, scintilleront de plaisir. Autour de moi, je devine les questions qui restent suspendues au bord des lèvres, mais qui, par pudeur, ont du mal à se poser.

    — Ne sors-tu pas plus tôt, ce matin ? La lune n’en a pas encore fini de raconter ses contes et légendes à la terre endormie !

    – Pareillement aux autres jours, je ne dirai rien. Comment pourrais-je expliquer que j’aime, dans l’intimité de la brume, admirer l’avènement de la fleur dernière née ? Comment leur dire l’émotion qui m’étreint lorsque je me penche sur leur corolle à la recherche d’un parfum ? Qui mieux que moi, pourrait reconnaître le tien, mon cher ange, et qui d’autre saurait trouver les mots pour expliquer qu’une naissance n’est pas qu’un simple sourire ? C’est aussi une douleur qui tourmente le corps et endort l’esprit pour l’éloigner du présent ?

    Toi, petite fleur, tu sais ce que je veux dire, car ma souffrance du premier jour fut aussi tienne, quand le dernier de tes jours est venu frapper à notre porte. Pardon de te le rappeler, mais je n’avais jamais imaginé, même dans le plus cruel des songes, qu’il me fût permis au cours de ma modeste existence de connaître les deux extrêmes. La triste expérience vécue me permet aujourd’hui de l’affirmer, la vie et la mort ont en commun la même souffrance.

    D’aucuns prétendent que les blessures sont parfois longues à se refermer, mais elles finissent toujours par guérir. Hélas ! Toi, tu le sais bien que la guérison n’efface que le vernis des jours. Les cœurs que nul ne voit continuent de saigner et de s’épuiser. Surtout lorsqu’en ma mémoire les mots et les images insistent pour me rappeler les plus beaux moments.

    Ainsi, souviens-toi mon cher ange les merveilleuses paroles que tu m’avais confiées alors que la douleur étreignait ton pauvre corps malade ; elles ressemblaient à l’espérance.

    — S’il existe bien un après la vie sur terre, disais-tu, j’aimerai qu’il ressemble à une immense prairie dans laquelle chaque matin s’épanouirait une fleur nouvelle. Sans perdre un instant, elle viendrait joindre son éclat à celui de ses amies et mêlerait ses fragrances à celles flottant au-dessus d’elles, jusqu’à rejoindre l’immensité du ciel. Un vent timide nous ferait aller les unes vers les autres.

    Grâce à lui, nous pourrions ainsi nous murmurer des mots oubliés et mieux encore, partager un peu d’amour, celui que nous avions emporté avec nous. Pour certains d’entre nous, il était blotti tout près du cœur, alors que d’autres le tenaient toujours au creux de la main, tel un magnifique bijou, afin que le voyage nous paraisse moins long. Je devine que dès l’aube les abeilles entonneront leur hommage en forme d’aubade, colportant de cœur en cœur ce que nous avons de meilleur et que nous n’avions peut-être pas su partager avec nos proches.

    Dans le jour finissant, nous refermerons nos calices afin que la nuit ne puisse lire en nos pensées. Dans les premiers rayons revenus, nous nous laisserons à nouveau caresser par la douce lumière tiède alors que les dernières brumes déposeront sur nos pétales un ultime baiser.

    Ô oui, mère ! J’aimerai être heureuse dans cette immense prairie où je suis certaine, tu viendrais de temps en temps m’y rejoindre, pour qu’ensemble nous prolongions encore notre bonheur.

     – Tu vois, mon petit ange, chaque matin je reviens dans ce monde où tu pensais éclore à l’aube de chaque saison. Il ressemble à un merveilleux parterre ponctué de mille couleurs, comme celui qui éclairait ton regard. Tu ne voulus rien exiger de la vie, qu’un sourire posé sur le monde pour en soulager la misère, disais-tu alors. Dans ton immense jardin où me conduisent mes pas, je ne sais si un jour je t’y retrouverais, car toutes les fleurs sont identiques. Te trouves-tu parmi elles, ou est-ce toi à l’infini ?  

     

    Ce dont je suis certaine maintenant, c’est que les milliers de perles délicates de la rosée s’épanchant du cœur de toutes les fleurs ne sont que des larmes accumulées dans une autre vie et qu’elles ne cesseront jamais de couler. Avec le temps qui passe, chaque jour les fleurs sont plus nombreuses et avec tristesse je n’ose traverser ta prairie, par crainte de déranger tes songes et ton bonheur.

     

    Amazone Solitude


  • Commentaires

    1
    Mardi 24 Mai 2016 à 02:57

             Hello  mes  amis  lointains  ...
       Savez  vous  que  dans  nos  jardins ,  les  fleurs  ne  meurent  pas ..
      Après  plusieurs  jours  de  soleil  et  de  pluie  elles  changent  de  robe .
       En  laissant  tomber  celle  qui  se  fane  avec  le  temps , pour  revêtir  , si  nous  sommes patient  , une  nouvelle   parure  plus  fraiche  et  encore  plus  belles  .
    C'est  une  fleur  qui  m'a  dit  ce  secret ., je vous le confie ..
    Bonne  semaine  mes  amis , je  vous  embrasse ..
    Nicole ..

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