• LA SOLITUDE, CE MONDE ÉTRANGE

    – La solitude est devenue si présente dans nos sociétés que l’on se demande si elle n’en est finalement pas le poteau mitant. Elle ressemble à un train long et hideux qui siffle tout au long de son parcours afin que nul ne l’ignore, et qui accroche à chaque station un nouveau wagon. Inlassablement, l’ensemble tourne autour de la Terre, tel un serpent qui voudrait se mordre la queue. Étrangement, aux haltes qui se succèdent, jamais personne ne descend. Du moins, de son plein gré devrais-je dire, sans grande surprise. Car lorsqu’un voyageur quitte la rame, c’est qu’il ne rêve plus d’un monde meilleur. Depuis son ultime refuge, il l’a enfin rejoint, non sans laisser derrière lui des milliers de questions, auxquelles il n’avait jamais su, ou put apporter une quelconque réponse. Dès que le convoi reprend sa marche à travers les brumes qui obscurcissent et isolent les esprits, de nouveaux passagers ont encore grossi le nombre de ceux qui s’y trouvaient déjà. 

    D’aucuns prétendent que la solitude est certainement le privilège des grandes personnes ; je veux dire par cette expression nos aînés, qui ont traversé la vie sans y avoir occupé la place correspondante à leurs aspirations, ou qui en ont été éloignés par des envieux qui convoitaient la leur. Qu’ils se détrompent, tous ceux qui osent mettre un nom sur le repli, volontaire ou non, des uns ou des autres.

    D’abord, elle ignore les gens, d’où ils viennent et qui ils sont, jusqu’à l’instant, où elle choisit de s’installer en eux, comme la saison oublieuse s’abat un matin sur le pauvre monde. Sans doute y a-t-il autant de jeunes que d’anciens, parmi les nouveaux élus ; mais le plus grand nombre se refuse à le croire, ne portant sur les composantes de la société, qu’une attention relative vers les éléments qui l’intéressent au premier chef. Ce n’est qu’à la découverte d’un drame que l’on se rend compte soudainement que la solitude, ce monde à part et pesant, marchait discrètement à leurs côtés depuis toujours. Par ailleurs, et bien que l’on cherche fréquemment à le passer sous silence, beaucoup d’enfants connaissent hélas ! bien avant l’heure les heures tristes du manque de regards compréhensifs des adultes. Pour eux, la vie  ne sera qu’une lente traversée du désert, dans lequel, pistes après dunes, ils rejoindront d’autres, égarés ou délaissés. Parmi eux se trouvent des adolescents débarqués de l’existence alors remplie de promesses. Ils marcheront longtemps le long de la voie avant d’oser attraper la main tendue par la portière afin qu’il intègre le wagon des laissés pour compte.

    Au long des années, la solitude ne se lasse jamais d’investir de nouvelles victimes. Elle prend un malin plaisir à faire des crocs-en-jambe au bonheur que certains pensaient avoir acquis pour toujours. Elle sépare des âmes que l’on croyait soudées à tout jamais, éloigne des cœurs qui cependant s’étaient juré fidélité, remplis de larmes des yeux qui auparavant étaient semblables au ciel bleu dans lequel ne s’aventurait aucun nuage. Pervers, le délaissement efface de certaines mémoires les plus tendres souvenirs, ainsi que les plus belles pages que les saisons avaient écrites, transformant les jours les plus lumineux en de tenaces ténèbres dans lesquelles ne se risque aucune étoile.

    L’isolement, c’est ce sentiment qui nous empêche d’entendre le chant des cigales ou celui des oiseaux, et qui fait se lever le vent afin qu’il détourne de nous les fragrances des plus fragiles fleurs sauvages. La solitude c’est ce monde étrange qui ressemble au royaume des défunts, mais dans lequel ce sont les vivants qui cherchent, sans jamais le trouver le repos de leur âme et la quiétude de l’esprit.

    Pour ceux qui errent seuls, l’angoisse a depuis longtemps pris la place des sourires ; et ils n’aspirent qu’à une chose : que ceux empreints d’amitié les serrent dans leurs bras, mais surtout pas d’une manière timide. Ils espèrent qu’ils n’hésiteront pas à le faire avec un élan sincère et fort, de sorte qu’ils ressentiront le battement de notre cœur qui aidera le leur à retrouver le rythme qui les avait abandonnés depuis le premier jour.

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