• La tolérance Fragile

    La tolérance Fragile— Sans doute vous ai-je déjà dit que le temps est une chose relative. On dit souvent qu’il est infini, et qu’il n’a aucune possibilité visuelle pour nous situer dans l’histoire de l’humanité, alors qu’il est à quelques pas de nous, qu’il nous frôle sans jamais se manifester et qu’en définitive, nous baignons littéralement dedans, frétillant même, comme les poissons dans l’eau claire.

    Drôle d’introduction ! Me direz-vous que celle qui se réfère au temps qui semble nous échapper ! Cependant, je ne pouvais pas ne pas y faire référence, car la modeste histoire que je vous propose semble être née il y a quelques jours seulement, alors que sur ses lignes, plus d’un demi-siècle pèse sur les mots, qui ne semblent pas avoir pris une seule ride.

    J’en conclus donc que le temps, les hommes qui le traversent et les mots qui le chantent ont un passé commun qui n’est pas près de se dissoudre.

    Que nous l’aimions ou le haïssions, que nous croyions en lui ou que nous l’ignorions, Dieu ressort invaincu de toutes les querelles que les hommes ont menées à son intention.

    Parfois, il m’arrive même d’imaginer que s’il s’adressait directement à nous, nous serions probablement surpris par ses propos.

    Il me plait même de penser qu’il nous dirait en souriant qu’il n’en demande pas autant.

    Mon village ronronnait dans la vallée et sur les flancs que formaient deux collines. Sur la première, l’église pointait son clocher en direction du ciel, à l’emplacement précis où devait se trouver son propriétaire.

    Sur la seconde, lui faisant face comme si les hommes avaient délibérément choisi cette situation afin que leurs regards s’affrontent, plus modestement se tenait l’école communale.

    L’une et l’autre passaient leurs temps à s’observer, comme si elles guettaient pour le sanctionner, le premier faux pas qui serait commis.

    Cette situation m’intriguait et m’amusait en même temps. Un jour curieux comme une vieille chouette disaient les gens de moi, je fis cette remarque au curé :

    — Finalement, entre vous et l’instituteur il n’y a guère de différence ! Je crois même que beaucoup de points communs vous rapprochent. N’êtes-vous pas les deux hommes les mieux placés du village, pour enseigner aux hommes ?

    En toutes occasions, on vient vous consulter et cela doit faire naitre au fond de vous un peu de fierté…

    — Il ne me laissa pas finir ma phrase, s’engouffrant par la porte que je venais de lui ouvrir.

    — Détrompe-toi ! répondit-il avec autorité.

    Moi je rassemble, lui il divise ! Demain, lorsque tu retourneras en classe observe et retiens ce que tu verras. Tu comprendras qu’il y a les bons, aux meilleures places, les moyens sont juste derrière et les cancres, au fond de la classe, regardent le dos des autres.

    Au fil du temps, les distinctions se font plus grandes, le fossé se creuse ; la société éclate et la misère s’installe confortablement.

    N’as-tu donc pas remarqué que chez nous il n’y a pas de différence, tous sont semblables ! Nous n’avons qu’un discours construit avec les mêmes mots depuis le premier jour !

    Ils ne sont pas nombreux, il est vrai, mais la foi n’a besoin d’aucun artifice pour se construire et habiter le cœur des gens. Le partage se suffit à lui-même pour faire comprendre à ceux qui ont quelques richesses qu’ils ne doivent pas oublier les nécessiteux et l’amour doit être identique pour tous.

    Chez nous, on vient pour se recueillir et pour s’alléger des peines que l’on a faites aux autres et prier dans un élan qui conduit les âmes vers une même direction.

    Mais on nous demande aussi d’intercéder auprès de Dieu pour ceux qui sont en grandes difficultés.

    — Pour cela, on est bien obligé, dis-je en toute innocence, il ne nous répond jamais ! Je pense que si nous pouvions le faire, nous n’aurions sans doute pas besoin des prêtres.

     — Effronté ! me répondit-il. C’est tout ce dont tu retiens des leçons que je t’apprends ?

    — Dans mon esprit à l’instinct querelleur, je venais de comprendre que lui aussi se réfugiait derrière les mots et que nous pouvions échanger aussi longtemps que nous l’aurions voulu, le mystère demeurerait entier.

    Je vous le disais en préambule. Les années ont passé sur ce fait divers qui, cependant, semble toujours être d’actualité. Notre petit monde s’agite toujours autant à propos des problèmes récurant des religions et les hommes butent toujours sur les nouvelles résolutions qu’ils prétendent adopter au matin d’une nouvelle année.

    La tolérance pourtant souhaitée n’est pas pour demain. Les mots et les pensées sont pareils à des forteresses imprenables et Dieu, le pauvre, n’est qu’un homme de paille que les hommes brandissent pour mieux fuir leurs responsabilités.

    Je constate que les intégristes de toutes confessions ont encore de beaux jours devant eux, surtout depuis que le pape a mis le préservatif à l’index ! Je sais, ce n’est pas la meilleure place !

    Par contre, il est parfaitement inutile de me prier pour que je vous accorde mon amitié. Sans passer par aucune institution, elle vous revient de droit.

     

     

    Amazone Solitude  


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :