• LA VIE SE DÉCLINE À TOUS LES TEMPS

    – Partout autour de nous, on entend toujours prononcer les mêmes phrases. Certes, elles n’ont jamais de semblables accents, et certaines se murmurent presque en fredonnant, tandis que d’autres se déclinent avec de la tristesse dans la gorge. Il en est qui se disent avec le sourire dessiné sur lèvres, alors que certaines ne peuvent à peine s’exprimer tant les larmes sont nombreuses, augmentées par les sanglots qui les accompagnent et les déforment. Parmi les mots qui reviennent sans cesse, certains semblent solidaires des jours, car ils sont suspendus au temps, duquel ils sont les complices. Ils sont de tous les événements, de toutes les circonstances, et paraissent ne se soucier que d’une chose. Comment demain nous sera-t-il présenté et de quoi sera-t-il fait ?

    C’est alors qu’en réfléchissant un moment, on comprend qu’il ne peut s’agir que de la vie qui anime tous les êtres vivants. Parfois, quelques-uns nous laissent croire qu’ils la traversent en l’ignorant, jusqu’au jour où elle les rappelle à l’ordre. D’autres l’utilisent comme si elle était leur voisine ou leur complice. Enfin, il y a ceux qui la calculent, l’économisent et essaient d’en tirer le meilleur profit. Au nombre de ces derniers, en bonne place nous trouvons les gens qui prétendent qu’ils l’ont en charge, puisque de leur volonté, et de leur savoir, dépend celle des autres. Qui sont-ils, ces personnages qui flirtent avec l’existence et qui traversent les plus belles années à courtiser la vie ?

    Ils sont les valets de la terre, depuis la nuit des temps, précisément, ils ont passé la leur au chevet de la nature. Ils l’auscultent, la traitent avec les mêmes sentiments que si elle était l’une des leurs. (Je devine qu’à cet instant, certains me diront que ce temps-là est révolu, et ils n’auront pas tort). Mais n’oubliez pas que dans le grand sablier qui gère nos destins, mon grain est bloqué sur les images d’antan, celles qui nous laissaient toucher du doigt la réalité, en nous faisant comprendre que rien n’est impossible à celui qui se donne la peine d’aller le chercher. Ces gens d’un autre siècle, je les ai fréquentés, et partagés leurs tâches en même temps que leurs tables. Ils ne parlaient jamais pour ne rien dire, n’engageaient pas des travaux dont ils se doutaient qu’ils ne les mèneraient pas à leur terme. Ils n’empruntaient pas de chemins dont ils ne savaient où ils conduisaient. Entre eux et dame nature, l’harmonie était parfaite. Un coup d’œil vers le ciel leur suffisait pour entreprendre ceci ou cela. Ils étaient à la fois des philosophes, des économistes, des inventeurs, des éleveurs, des guérisseurs et tant d’autres personnages réunis sous un seul habit. Les jours, ils les vendangeaient comme on le fait de la vigne, cueillant délicatement grappe après grappe. C’est sans doute pour cette raison qu’ils avaient des mains noueuses qui ressemblaient aux ceps, débarrassés de leur tenue estivale. L’automne ne les surprenait pas à verser des larmes sur une année qui se dépouillait. En ouvrant les sillons, ils étaient conscients que ce n’était pas que le grain qu’ils semaient. À cet instant ce qui avait provoqué un sourire chez les plus vieux à la vue des sacs qui se remplissaient au flanc de la batteuse, leur faisant dire qu’ils n’en avaient jamais trouvé de si beau, devenait l’espoir des moissons à venir. C’était aussi l’espoir, sauf une catastrophe de dernière minute, qu’il y aurait encore de la farine qui sortirait des meules du moulin, du pain dont l’odeur embaumerait le village au sortir du four communal, rendant heureux ceux qui le dégusteront, accompagné d’une tranche de lard.

    Consciencieusement, les poires et les pommes iraient rejoindre les clayettes dans le grenier où elles finiraient de mûrir jusqu’à l’aube du printemps tandis que l’hiver s’épuisant permettra aux bourgeons de s’épanouir. Mais avant cela, il est vrai que dans les étables, les bêtes tireraient sur leur longe, s’ennuyant en rêvant aux pâtures vertes et grasses. Certaines nuits recouvriront le paysage d’un manteau immaculé, faisant dire aux anciens :

    – Celle-là va tenir un moment, les amis, car elles nous viennent des grandes plaines du nord !

    Dans la maison, à cette remarque, comme pour montrer sa solidarité à celui qui l’avait annoncée, on se rapprocherait de l’âtre en y déposant une nouvelle bûche de chêne ou d’orme qui lancerait immédiatement des étincelles de provocation en direction du conduit de la cheminée, où de temps à autre, la suie enflammée ronflait.

    – Elle se ramone, disait encore l’aîné en riant, avec l’air d’un prédicateur. Couvre un instant la marmite de la nourriture des cochons, qu’ils n’aient rien à nous reprocher à Noël. Dans les braises éparpillées, des marrons étaient disposés, tandis que la bouteille de piquette n’était jamais loin.

    Ainsi se déroulait l’existence d’alors, simple, que l’on conjuguait à tous les temps, comme on le faisait de la vie. Elle jouait à la marelle des saisons, entre sourires et soupirs, et l’on s’attendrissait bien un peu sur celui ou celle qui avait manqué une case ou tombé dans celle figurant le ciel.

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00061340-1

     

     

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 20 Novembre 2017 à 13:47

    BONJOUR RENÉ !

    Ah ! Dans le temps !......Disaient nos anciens !

    Si nous pouvons poser un jugement de sagesse et d'économie sur la vie de nos ancêtres, ceux-ci ne pouvaient pas en dire autant : "Dans l'avenir nous ferons..etc. etc.": Comme nous le voyons bien aujourd'hui, ils ne savaient pas ce qui nous attendait autrement il n'auraient pas emprunté cette route !

    Nos erreurs qui n'en sont pas, c'est que nous sommes dix fois plus nombreux, dix fois plus outillés, dix fois plus informés et ce n'est pas les recettes d'un lointain passé qui peuvent résoudre nos problèmes actuels !

    Ceci dit, comme nous sommes dix fois plus consommateurs de biens terrestres, nous gaspillions dix fois plus et nous polluons d'autant !.............C'est simple, il aurait fallu que nous fussions dix fois plus intelligents et là c'est sûr, nous n'avons pas suivi !......Oups !

    Salut Mon Ami René et bisous à Josette !

    RÉMY.

    2
    Mardi 21 Novembre 2017 à 18:03

         Bonjour  René ..
    " Il  était  une  fois "  commence  les  belles  histoires .. La  vie  est  une  belle  histoire ,
    Interprétée  a  la  façon  de  chacun ..Trop  facile  de  dire  après  " si  j'avais  su "  ..
    Le  temps  donnera  l'exemple , d'essayer  a  nouveau  afin  de  réussir  et  puis  un  jour  on  pourra  se  permettre  de  dire  "j'ai  fait  de  mon  mieux "..
    Bonne  journee  Renée ..
      Amitié  et  bisous  des  US  ..
    Nicole ..
     

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