• Le bout du monde

    – Nous employons souvent une expression particulière pour dire que l’un ou l’autre de nos amis se trouve loin des yeux et parfois aussi du cœur.     Sans hésiter, nous prétendons qu’il réside au bout du monde. Étant donné la singularité de notre chère planète, pourrions-nous dire sans nous tromper de quel bout il s’agit pour désigner l’endroit où se trouve le destinataire de notre courrier ? De nos jours, il n’est plus guère de lieux qui ne soient plus accessibles au commun des mortels. Les moyens de transports en tous genres nous déposent au plus près de notre destination finale.

    Enfin, presque, lorsqu’il est question d’une région comme la nôtre. En effet, l’avion débarque ses passagers près de la capitale, puis il faudra beaucoup de patience à celui qui vient rendre visite à son ami, habitant dans un village dissimulé quelque part dans la forêt. Plusieurs moyens de locomotions seront nécessaires pour atteindre l’objectif. La voiture d’abord, quand ce n’est pas un autre avion plus modeste. Puis ce sera la pirogue et des heures de navigation sur un fleuve majestueux, avant de rejoindre une rivière et enfin une crique.

    Évidemment, vous ne serez pas venu tout seul en ces lieux dont vous pensiez qu’ils n’existaient que dans les romans d’aventures. Votre copain sera là pour vous accueillir à l’aéroport et en sa compagnie, le nouveau pays se découvre au fur et à mesure de votre progression. L’ami en question n’aura de cesse de vous montrer une chose puis une autre, un arbre particulier, une fleur ou un animal s’enfuyant à votre approche.

    Je vous rassure tout de suite. À moins d’avoir une grande habitude de l’observation, ici, les premiers jours, vous ne distinguerez pas grand-chose. Il y a trop à voir à la fois et vous n’aurez pas encore trouvé la chose à découvrir que déjà, on vous en annonce une autre. C’est à peine si vous vous rendez compte que c’est un camaïeu de verts qui ourle l’immense manteau dont la nature se pare. Surtout si dans votre pays l’automne a fait le ménage dans les bois, vous serez surpris par la verdure qui règne dans votre nouvel environnement.

    Vous apercevrez tout juste la bande de singes accompagnant votre déplacement, chahutant dans les arbres qui s’accrochent sur les berges. Vous ne verrez pas grand-chose non plus, en voiture ; et encore moins le serpent dérangé pendant son sommeil, sur le bord de la piste.  

    Il en sera ainsi pendant quelques jours où vous ne saurez où donner du regard. À peine veniez-vous de remarquer une chose que déjà on vous presse d’en découvrir une autre. Puis, le moment est arrivé où vous ne voyez plus rien. Normal ; c’est l’instant où une certaine angoisse vous étreint alors que la pirogue s’engage dans une crique étroite, tandis que la forêt cache la couleur du ciel. Vous comprenez que ce n’est pas la nuit qui vient de tomber, à l’instant où l’on vous crie de vous réfugier au fond de l’embarcation afin de passer sans encombre sous un tronc qui ne fait plus beaucoup d’efforts pour se retenir à la berge sur laquelle il s’accrochait jusque-là.

    – Il nous faudra le débiter dans quelques jours si nous ne voulons pas avoir de l’escalade à faire pour le voyage de retour, annonce votre collègue sur un ton naturel.

    Une fois encore, tout le monde connaît certaines émotions à l’instant où vous réalisez que c’est de votre départ auquel on fait allusion ! À votre regard en forme de point d’interrogation, votre ami vous confirme que d’ici là, il n’y aura plus de sorties que celles qui vous feront découvrir plus profondément la forêt. Vous n’avez pas le loisir de vous renseigner à nouveau que devant la pirogue, un ponton se profile.

    Comme par miracle, à cet endroit le ciel redevient clair. Des enfants plongent dans la rivière et cela semble être leur passe-temps favori. Devançant votre question, l’ami vous tranquillise en vous révélant que tous les gosses ne sont pas les siens. C’est à l’instant où l’on vous dit que vous êtes le bienvenu que vous prenez conscience de l’audace qu’il vous fallut pour venir vous échouer en un lieu qui ressemble vraiment à un morceau du bout du monde.  

    Une aire parfaitement dégagée et bien entretenue est occupée par des constructions traditionnelles et des maisons sur pilotis. Avec le sourire, on vous prévient que vous ne risquez pas de vous perdre. Une allée fait office de rue principale et des sentiers partent d’un côté ou de l’autre, menant aux habitations à la périphérie du village.

    Soudain, un panneau attire votre attention : visite du médecin le 25 du mois prochain !  

    On vous confirme alors que ce n’est pas une supercherie.

    – Comme tu le vois, s’empresse-t-on de vous tranquilliser, si nous pouvons attendre autant de temps le médecin, c’est que nous ne sommes pas souvent malades. Oh ! Nous avons bien quelques crises de paluds ou d’autres fièvres de temps à autre, mais il n’y a pas de quoi fouetter un chat. Vois-tu, continue l’ami, dans la vie la plupart des gens sont malades parce qu’ils savent le docteur non loin de leur porte. D’autres ne le sont pas vraiment. Ils ont surtout besoin qu’on les écoute et qu’on les rassure, car d’eux-mêmes, ils ne connaissent presque rien.

    Chez nous, c’est différent. Nous ne sommes pas seulement à l’écoute de la nature ; nous sommes aussi soucieux de nous-mêmes et des nôtres. Pour les cas graves, nous faisons appel à l’hélicoptère du SAMU. Nous ne sommes pas à plaindre !

    Ne cherche pas non plus les magasins. Nous n’en avons que trois : la forêt, la rivière et l’abattis pour les fruits et les légumes.

    Allez, viens, il est temps de découvrir la maison qui va t’accueillir. Elle n’a rien à envier aux autres. Sa table est bonne, le toit nous protège de la pluie et à l’intérieur, chaque nuit nous permet de faire les plus beaux rêves.

     

     

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010


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