• LE MONDE A L’ENVERS

    – Il arrive que l’on dise de moi que je suis un rêveur, parfois même, un utopiste. Si, je vous assure, je l’ai déjà entendu. Qu’importe ! Après tout, si l’on estime que ma place n’y est pas en ce bas monde, et pour quelle raison me priverais-je de regarder ailleurs ? Mais tout à fait entre nous, il est donc si mauvais que cela, pour la santé, de se laisser bercer par les songes, quand autour de nous, nous ne voyons que des catastrophes en tous genres, et se produisant à la chaîne ? Est-il réellement imaginaire, ou réactionnaire, d’envisager qu’un jour de par le monde, on cesse de faire la guerre, d’envier son voisin et le déposséder de tous ces biens ? Quoi que l’on puisse dire ou écrire, cette année qui s’essouffle n’aura une fois de plus, tenu aucune de ses promesses. Je crains que la suivante ne soit pas des plus belles, car sur notre pauvre Terre qui se désespère, nous retrouverons toujours les mêmes hommes, débordant d’ambitions certes, mais dans le seul but de détrousser à longueur d’année, leurs semblables ou les pays défavorisés.

    Cette année est mal en point et celle qui va lui succéder ne sera pas mieux. C’est vrai, me direz-vous ; il nous reste quelque temps encore pour que nous changions d’avis ou que certains individus rentrent enfin dans le rang. Cependant, beaucoup de phénomènes ne m’étonnent plus, et parmi eux, cette vue qui nous montre un monde à l’envers. D’après la photo, il n’y a plus de doute, il est bien renversé. En fait, le ciel qui se reflète dans l’eau nous indique qu’il est le mieux placé pour nous dire ce qui ne va pas.

    Me penchant sur l’onde, je ne suis donc plus surpris de ce qui nous arrive. Qui aurait pensé voir l’azur à quelques foulées seulement ? Pas moi, en tout cas, car je suis heureux pour une fois de regarder mes rêves de si près, et si je produis l’effort nécessaire, je peux presque marcher à travers eux.

    Mieux ; aurait-on imaginé qu’un jour, une ou des banques fassent faillite, sans pour autant provoquer un tsunami dans les esprits ? Cette fortune qu’elles ont égarée, sans doute dilapidée, car elle n’est pas perdue pour tout le monde, n’est-ce pas, c’est la nôtre, celle des petits peuples qui se battent chaque jour pour seulement exister ! N’étaient-elles pas les garantes des économies ? Les coffres que nul brigand n’a su forcer, à quoi servaient-ils puisque l’argent s’est évaporé ? À moins que l’on ait volontairement enfermé les bandits avec les lingots ?

    Avec tous ces milliards envolés dans la nature, imaginez ce que l’on aurait pu faire pour améliorer la vie de chacun, en commençant par offrir une retraite décente aux plus démunis. On aurait pu construire suffisamment de maisons pour accueillir les sans-abri, rendre leur dignité à ces ouvriers qui travaillent sans pouvoir se loger ni assurer l’existence de leur famille, et donner un sérieux coup de main aux communes qui sont devenues si exsangues, qu’aujourd’hui, elles se retrouvent proches du précipice dans lequel elles vont sombrer. Avec ces richesses englouties, on aurait pu s’offrir la meilleure recherche, développer les énergies renouvelables gratuites qui vont demain, nous coûter des fortunes.

    Parfois, j’ai le sentiment de ne plus avoir ma place dans ce monde de dupes, qui part à la dérive et qui fait dire aux lycéens qu’ils ne veulent pas être plus de 25 par classe. Sans doute ont-ils raison, je n’en ai aucune idée. D’ailleurs, comment le saurai-je, puisque la scolarité que j’ai suivie en compagnie de mes camarades à la communale d’antan nous a vus beaucoup plus nombreux et surtout avec deux cours par salle ? Néanmoins, je me pose cette question : ont-ils seulement une estimation de la quantité qu’ils seront sur les bancs des universités et des facultés ?

    C’est vrai que je suis trop vieux pour comprendre tout cela. Mais je me suis laissé dire que dans ces établissements hors normes, il y a beaucoup d’étudiants qui dorment ; enfin, c’est ce que me murmura un ami qui les a  fréquentées. Et il s’était empressé d’ajouter que c’est sans doute les mêmes qui continuent leurs rêves sur les sièges des assemblées. Notre monde renversé à des excuses, ce fut l’année des treize lunes, et ce n’est jamais bon, me confiaient les anciens, car c’est l’univers qui part à la dérive pendant des années avant de retrouver sa marche tranquille, entraînant  à sa suite, la ronde des saisons. 

    Amazone. Solitude. Copyright 00061340-1

     

     

     


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