• Liberté Chérie !

     

    Liberté Chérie !— Demain, sur un autre continent, des hymnes nationaux vont retentir et leurs notes vont envahir toute la campagne et sans doute le plus grand nombre de maisons. Mais plus près de nous, en ce jour précisément, c’est d’une autre commémoration dont j’aimerais vous entretenir, pour laquelle hélas, nul ne songea jamais à écrire la moindre note ni aucune parole, sur aucune partition.

    En effet, cinquante-neuf autres années furent nécessaires pour user les chaînes et autres carcans de tous les esclaves dont les liens ne dérangeaient aucune conscience d’alors. Et pourtant, une première abolition avait eu lieu avant que Napoléon ne rétablisse l’esclavage pour plaire à ces messieurs les propriétaires terrien de toutes sortes.

    Un demi-siècle de plus à faire souffrir des hommes plus qu’on ne le faisait des animaux. En Guyane, la nouvelle arriva un mois après les Antilles. Il n’était pas facile alors d’aborder les côtes, les vents étant souvent contraires.

    Ce fut donc le 10 juin 1848 que fut proclamée l’abolition de l’esclavage sur le territoire de la colonie. Les esclaves « marron » (en fuite) pouvaient enfin revenir et l’on osa prétendre que la vie pouvait reprendre son cours normal. Mais de quelle vie parlons-nous quand les familles ont été séparées, déportées, que plus aucun lien autre que celui du cœur et de la mémoire ne subsistait ?

    Il nous fallut plus d’un siècle pour que nous puissions enfin parler de cette triste époque, que de nombreux hommes politiques tenaient solidement cachée dans leurs tiroirs. Ce fut enfin la victoire de la mémoire sur les hommes. En France, à l’époque, bien des voix s’étaient élevées pour que cesse cette ignominie. Un homme parla plus fort que les autres.

    C’était Victor Schœlcher.

    À Cayenne, sur une place portant son nom, une statue le montre indiquant à un libéré la direction de la nouvelle vie. Chaque fois que je contourne l’édifice, le mot liberté semble prendre une importance toujours plus grande, elle résonne en moi aussi puissamment que pourraient le faire toutes les trompettes de la Renommée.

    « Liberté ! Que de crimes ont été commis en son nom » ! À ce jour de fête bien modeste puisqu’aucun feu d’artifice n’y sera associé nous devrions avoir une pensée particulière pour les Victor Schœlcher de nos jours. Ils œuvrent sans relâche afin que s’allège le fardeau des esclaves des temps modernes, ployant sous les exigences du profit toujours plus grand.

    La fête ne serait-elle pas plus belle si tous les industriels de la terre qui délocalisent vers des pays « pauvres » apportaient sur un écrin la clef qui ouvre toutes les serrures des chaînes en lieu et place de leurs usines ?

    Si nous acceptons aujourd’hui qu’à travers le monde des mains et des pieds soient toujours liés, pouvons-nous prétendre avoir réussi notre révolution et en faire un modèle pour les autres peuples en souffrance ?

    Pourquoi ne partons-nous pas pour jeter au fond des océans tout ce qui sert de liens et autres entraves humiliantes afin que des hommes apprennent à marcher la tête haute sans crainte de fixer l’horizon ?

    La liberté ne devrait être rien d’autre qu’un lien d’amitié que nul être ne saurait défaire et qui réunirait tous ceux qui ont soif de sourires, d’amour et de liberté d’expression.

     — « Liberté ! Que de libertés prend-on en ton nom » ? En tout cas, n’oublions jamais que la nôtre « s’arrête où commence celle des autres » 

    En ce jour particulier, j’aimerai que dans tous les cœurs, resplendisse le plus beau feu d’artifice que les hommes n’aient jamais inventé. Celui de la paix, de l’amour de la tolérance, de la mémoire, afin que l’espoir brille et fasse resplendir tous les yeux, séchant jusqu’à la dernière larme.

    Amazone. Solitude.

     

     


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