• O.G.M. en question

    — Je sais bien ce que vous allez me dire. Ils ne pouvaient plus parler puisqu’ils étaient transpercés par une épingle après avoir été endormis (enfin, peut-être) par un de ces nombreux produits plus ou moins illicites.

    Après avoir traversé une époque relativement courte, mais bien remplie, comme celle que tant d’hommes voudraient connaître, les voilà réunis dans un magasin de souvenirs, bien protégés dans un cadre recouvert d’un verre épais. Pour une meilleure compréhension, nous dirons que leur âme une dernière fois échangea leurs impressions de leur passage sur la terre. Le plus petit papillon s’adressa à son voisin, un magnifique morpho :

    — Et toi le grand bleu, écoute ce que j’ai appris :

    Il paraît que les hommes insatisfaits des modifications qu’ils apportent à leur environnement s’en prennent maintenant à notre garde-manger. Chaque jour, ils inventent de nouveaux produits et parmi eux il en est un qu’ils nomment O.G.M.

    — Puisque tu sembles connaître tant de choses, sais-tu ce que cela signifie ; O.G.M. ?

    — Je crois avoir compris que cela voulait dire « Organes génitaux malmenés ».

    — Ils s’attaquent donc aux systèmes reproducteurs des végétaux ?

    — Oui, j’ai bien peur qu’ils nous conduisent directement à la catastrophe.

    — Je ne cherche pas à te vexer, mon ami ; mais pire situation que la nôtre, je crois que cela n’existe pas !

    — Chez eux, ils nomment cela un génocide !

    — Dans le temps, ils ont eu un type qui décida de créer une seule ethnie. Son désir était que les hommes deviennent tous des bons à rien.

     — Tu veux dire une race de fainéants ?

    — Je l’ignore ; ils l’ont éliminé avant qu’il réussisse.

    — Dis-moi, cher monsieur, je sais tout ; quand ils auront transformé tous nos végétaux, quel goût auront les pollens ? Cela va certainement transmettre aux nôtres des maladies étranges ! Tu crois que nous serons obligés de butiner avec un préservatif ?

    — Comment allons-nous nous y prendre, pour faire admettre le mot « je t’aime » qui nous sert de charme pour séduire les fleurs, sans qu’elles s’en aperçoivent ? En quelle langue faudra-t-il leur parler pour qu’elles nous comprennent ? Ne seront-elles pas transformées en monstres pour nous attirer avant de nous détruire ?

    — Dis-moi, beau bleu, je pense à une chose : imagine que les fleurs aux organes génitaux malmenés n’engendrent par la faute de toutes ces manipulations que des garçons, il faudra bien que certains se sacrifient s’ils veulent que leur civilisation continue à vivre !

    — Je constate que tu avais déjà consommé le pollen de ces fleurs. Il me semble que te voilà en plein délire. Acceptes-tu que je te fasse une remarque ? À l’avenir, évite aussi celles qu’ils fument !

    — Ne me critique pas, mon ami. C’est une image que je tente de t’expliquer. ! Mais il n’empêche qu’à chaque fois qu’ils inventent quelque chose pour le bien, ça finit toujours mal ! La vie n’est pourtant pas tant compliquée pour qu’ils ne la comprennent pas !

    — Regarde comment cela se déroule pour nous. Tu passes une nuit à laisser tes rêves faire plusieurs fois le tour de ta tête et dès que le jour s’éveille, il est temps de défroisser les ailes. Nous n’avons besoin que d’un instant pour que les premiers rayons du soleil sèchent notre livrée et dissipent la brume ; puis tu te lèves sans te presser. Ensuite, tu commences ta tournée chez les plantes ornementales. Tout en leur racontant tes songes, tu aspires leur nectar en leur faisant l’amour, puis tu te reposes à nouveau. Inutile de vouloir tout consommer le même jour. Chaque matin, des fleurs nouvelles s’éveillent, rien que pour notre plaisir. Il en sera ainsi jusqu’à la fin de notre destinée. N’est-elle pas idéale notre vie ?

    — Je comprends mieux pourquoi on nous l’envie tant !

    — Tu avais connaissance toi que sans nous il n’y aurait pas de pollinisation ?

    — Comment veux-tu que je sache cela, mon beau morpho ?

    Un matin, alors que je rêvassais sur le rebord d’une corolle, j’ai entendu une fleur qui disait à sa voisine chaque fois que le vent les rapprochait :

     — Mon amie, puisque nous nous aimons, pourquoi n’appelons-nous pas le papillon ?

    — Arrête, tu vas m’arracher ma dernière larme !

    — Avec toutes leurs bêtises, maintenant j’ai un doute quant à l’existence des nôtres. Regarde où cela nous conduit.

    — Ne te plains pas, sur ta boîte il y a un couvercle qui te permet de voir le ciel pour des années sinon pour l’éternité. Sur la leur, il est en bois et en plus ils l’enfouissent dans les entrailles de la Terre.

    — Sans doute craignent-ils qu’on leur vole encore quelques mauvaises idées !

    Amazone. Solitude. Copyright n° 00048010-1

     

     


  • Commentaires

    1
    Mardi 21 Février 2017 à 05:52

    Conclusion... la  sagesse  des  papillons  est  bien  plus  grandes  que  celle  des  hommes .
      Merci  René  pour  cet  intéressant  dialogue .. 
    Bonne  semaine  les  amis  lointains ..
    Amitié  des  US ..

    Nicole

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