• Par de-là les rails, une amitié jusqu'à la mort

     

     

    — L’histoire que je vous confie ne date pas d’hier. Elle a le mérite d’être des plus simples, ensoleillée de sourires cachés derrière chaque instant et incitant celui qui la vécut comme les lecteurs ensuite, à de nombreuses questions.

    Comme toutes celles qui ponctuent nos chemins, c’est alors que nous nous retournons, que nous nous apercevons que le temps ne s’est jamais reposé.

    Aussi, je le remercie de nous rendre le plus fidèlement possible les meilleures images qu’il disposa de chaque côté de nos routes pour les embellir, à la manière des fleurs qui illuminent nos jours, afin qu’ils soient plus agréables à vivre. Je ne vous cache pas que ce souvenir aurait mérité sa place dans un livre de comptines pour enfants, estimant si fortes les émotions qu’il avait générées au sein de notre petite famille.

    Et puis, pourquoi ne pas vous le dire dès à présent ? Nous aurions tant aimé que ce qui ne fût alors qu’un fait divers parmi tant d’autres, mais qui prît le soin de se transformer en une belle histoire, dure des jours encore, de nombreux jours ! Mais le temps, précisément, se moque des sentiments, et ce qu’il vous offre aujourd’hui, il se plaît à vous le ravir le lendemain. Mais je ne vous fais plus attendre ; écoutons, si vous le désirez, les heures anciennes, nous égrener les jours d’antan.

    Nous vivions en milieu forestier (oui déjà, encore ou toujours, à votre convenance). Mes travaux sylvicoles du moment, consistaient à l’entretien d’un magnifique massif de hêtres. Demeurant sur le chantier, si vous me permettez l’expression, je me rendais et m’en retournais donc à pied. Depuis quelques jours, j’avais remarqué un chien qui semblait m’observer, mais prenant soin de rester toujours entre ombre et lumière. La bête me parut magnifique, à l’instant où un rayon de soleil complice la mit quasiment au plein jour, comme si quelqu’un voulut que je la distingue sans ambiguïté.  

    L’animal se situait à mi-chemin entre le renard et le chien berger allemand. L’allure pouvait être celle du loup, mais avec le masque du renard. Je pris le parti de l’ignorer bien que ne le perdant jamais de vue. J’avais choisi une belle souche pour mes pauses repas, faisant face à l’animal qui ne manquait rien de mes faits et gestes. Un feu était allumé et semblait tenir compagnie à la forêt et à l’heure où je faisais cuire mon lard, une odeur se répandait dans le sous-bois, dont j’étais certain qu’elle devait torturer les papilles de l’animal autant que les miennes.

    Les jours se succédèrent sans que rien d’important arrive. J’avais bien une petite idée sur la façon dont nous pouvions faire connaissance, mais je pris soin de ne rien dévoiler de mes intentions, car les animaux sont pareils aux devins qui préviennent toujours vos pensées, quand ils ne les lisent pas carrément. Les meilleures choses ayant une fin, a-ton l’habitude de dire, vint le temps où je lui lançais quelques morceaux. Fière, la bête attendait que je lui tourne le dos pour se les approprier, usant d’une démarche qui tenait plus du ramper que du marcher.

    Chaque jour, elle avançait un peu plus, jusqu’au moment où elle fut à portée de voix sans que j’eusse besoin de l’élever pour m’adresser à elle. Je prenais soin de lui parler toujours sur un même ton afin qu’elle ne s’effrayât pas. À ma manière, je lui fis comprendre que sa présence ne me gênait pas, et j’allais jusqu’à montrer un semblant d’indifférence, l’interpellant même quand je lui tournais le dos.

    Je ne vous cacherai pas que le jour où elle (c’était une chienne) vint prendre avec une grande prudence le morceau de lard sur le plat de ma main, je sentis une énorme bouffée de chaleur envahir mon visage. Oh ! Je vous rassure tout de suite. Ce que j’ai ressenti alors ne pouvait en aucun cas s’apparenter à une victoire ! Ni l’un ni l’autre, n’avions entrepris un combat à l’issue duquel il ne pouvait y avoir qu’un vainqueur.

    Je réussis à la flatter d’une caresse ou deux avant qu’elle décide de se coucher non loin de la souche me servant de domicile.

    Elle se rapprocha même de mes affaires et de mes outils qu’elle renifla longuement comme si elle prenait des renseignements sur mon compte, lorsque je décidais de continuer mon travail. À ce stade de mes émotions, je vous le répète : en mon esprit, il n’y avait aucune victoire de conquête à fêter. Si nous devions être fiers, ce put être qu’à l’égard de l’animal qui avait vaincu ses craintes.

    Puis ce fut le temps où les aurores la trouvaient à ma place ; sans le vouloir, mais avec sa complicité, je devins en quelque sorte son réveil matin. Je la voyais heureuse de me retrouver (à suivre).

     

     Solitude. Amazone. Copyright N° 00048010


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