• Petite histoire d'eau

    — Pardonnez-moi mes amis si vous estimez que parfois je me répète ; mais comme la nature qui ne cesse de se renouveler, je suis certain que dans mes propos vous trouverez des nuances différentes, des accents qui fleurent les senteurs de notre pays et des émotions qui se veulent identiques malgré les frissons revendiquant leurs particularités.

     Comment ne pourrais-je pas m’émerveiller devant le spectacle que nous offre notre planète, même si parfois elle semble nous haïr en jetant à terre nos plus beaux édifices et nous privant de certains de nos amis et de nos parents ?

    Notre Terre est un monde vivant, ne cessant d’évoluer. Je sais, elle le fait à notre détriment, mais comment ne lui pardonnerions-nous pas, en raison des milliers d’autres bienfaits qu’elle ne se lasse jamais d’inscrire au fond de nos yeux ?

    Il m’arrive de me demander si en fait les hommes ne sont pas arrivés trop tôt sur cette planète qui se faisait une beauté.

    Laissez-moi vous dire ; nous qui avons la chance de vivre en un milieu qui a le privilège d’être relativement protégé de la folie humaine, que mes yeux ont à peine le temps de se poser sur une couleur, que l’instant qui suit elle a déjà inventé une autre nuance pour me séduire. 

    Les oiseaux ne sont jamais les derniers à nous présenter leur nouveau chant qu’ils associent à un plumage toujours plus éclatant, comme pour nous rappeler que si l’on ne voit pas l’un, on reconnaît forcément l’autre.

    En toutes saisons, les rivières et les fleuves font de leur mieux pour se faire admirer et aimer. Ils prennent part à la fête que donne mère nature.

    Ils en sont les acteurs principaux. Dans leurs flots, ils transportent les nouvelles des hommes des pays voisins en les accrochant aux branches des arbres qui retiennent les berges. Dans notre région équatoriale, ils sont majestueux et se complaisent dans la fabrication d’immenses puzzles en nous faisant comprendre qu’ils aimeraient que nous les assemblions avant qu’une pièce vienne à s’égarer.

    Ils s’élargissent et prennent leurs aises avant d’aller à la rencontre de l’océan qui les effraie un peu. Ils ont deviné qu’au premier contact avec lui il en sera fini de leur superbe.

    Ils ont compris qu’ils n’étonneront plus personne, ils n’existeront plus ! Alors, une fois mêlés à cette masse immense, afin de ne pas perdre la mémoire, ils garderont auprès d’eux les souvenirs du continent qu’ils ont traversé.

    Ils profitent d’un dernier étal pour retenir leurs flots comme on ferme les yeux quand on part à la recherche du passé.

    C’est alors qu’ils retrouvent leurs sources lointaines bouillonnantes d’impatience avant de sourdre sous un firmament étonné.

    Ils descendront de la montagne se heurtant de rocher en rocher, cascadant de saut en barrage, pressés de faire la conquête de la Terre. Une dernière fois, ils revoient les sommets vertigineux qui flirtent avec le ciel, à moins que ce soit lui qui se pose un instant avant de repartir vers l’infini.

    Ils ne nous cachent pas que souvent, pour aller plus vite, ils cherchaient la facilité en creusant des terres meubles. Pour se faire pardonner, ils n’hésitent pas à allonger leurs parcours pour être plus près des hommes, permettant ainsi à la forêt de s’implanter sur leurs rives.

    Quand les vents dépêchent vers eux un parfum iodé, ils deviennent tristes et ralentissent l’allure.

    Ils tentent un ultime méandre afin de prendre par-ci par-là des lambeaux de l’existence qu’ils avaient défiée tout au long de la route qui fut leur vie mouvementée. Dans un sursaut d’orgueil, ils prêtent leur surface aux nuages heureux de s’y découvrir courant sans effort, alors que dans l’intimité de la nuit, ils sourient en voyant la lune se trouver si belle.

    Ils entendent maintenant le grondement de l’océan qui lance ses troupes de vagues à l’assaut des fleuves sans défense, et quand elles se retireront, ils disparaîtront à jamais de la vue des hommes dont ils regrettent de ne pas s’être attardés plus longuement à leurs côtés.

    Même en prélevant une dernière parcelle à la terre qui leur a prêté son berceau pour y naître, ils savent très bien que leur destin est semblable à celui des hommes, qui disaient que nul ne peut remonter le courant du passé pour y rechercher son premier filet d’une eau qui fut si pure.

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010

     

     

     


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