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Quand la mémoire s'écrit
— Tu écris encore, grand-père ? Tu le fais donc chaque jour ! À qui envoies-tu tout ce courrier ? Tu dois connaître beaucoup de monde !
— Tu dois savoir mon cher petit, ce n’est pas parce que l’on couche quelques lignes sur le papier que nous écrivons forcément à quelqu’un. Ce que je confie à ces pages, ce sont des pensées et des réflexions qui ne s’adressent à personne et à tout le monde à la fois. Ce que tu nommes une lettre est en fait une longue histoire ; celle de notre famille à laquelle tu dois être fier d’appartenir.
Si chacun depuis la création de notre belle lignée avait rédigé quelques pages, aujourd’hui, les mots de notre livre feraient sans aucun doute le tour de la terre.
Afin que nulle trace ne s’égare dans le temps, dans chaque foyer un membre devrait rechercher le plus loin possible dans la mémoire familiale ; non seulement pour savoir à quelle lignée il appartient, mais en même temps pour faire revivre l’âme des aïeux qui, à n’en pas douter, sont fiers à ce moment, de n’être pas oubliés ; en remerciements, ils protégeront les membres de la famille.
Quand tu regardes autour de toi, ne vois-tu pas tous les arbres qui nous entourent ?
Chacun d’eux a une descendance et elle est présente dans chaque branche et se manifeste en donnant tous ces beaux fruits.
Pourquoi n’en serait-il pas de même chez les hommes ?
Nous devrions tous apprendre d’où l’on vient, même si cette connaissance ne nous désigne pas forcément le chemin qui nous est réservé, mais au moins saurions-nous celui que nous avons parcouru.
Plus tard, j’espère que tu prendras le temps de lire ces lignes, même si tu penses qu’elles ne te concernent pas dans leur totalité.
Tu comprendras ainsi qu’à chaque chapitre un élément se rapproche de toi.
Tu apprendras que les tiens sont venus de très loin.
De frégates en goélettes ils sillonnèrent les mers et les océans. Tu souriras sans aucun doute quand tu découvriras qu’ils furent tantôt corsaires au service du roi, tantôt pirates dans les moments où ils tombaient en disgrâce.
Je devine qu’à la lecture de ces documents tu te sentiras grandir. Il ne faudra pas rejeter le sentiment de fierté quand il se présentera à ton esprit en apprenant que tu appartiens bien à cette lignée d’hommes rudes, vaillants et obstinés. En vérité, peu de choses ou d’évènement les effrayaient.
Certes, ils parcoururent les mers et océans, mais ils furent aussi des découvreurs et des explorateurs. À cette époque, si peu de gens parmi nos anciens devinaient qu’il pouvait exister un autre monde derrière l’horizon !
Comme tous les voyageurs, un jour ils ont décidé que le temps était venu de déposer leurs bagages. On ne peut indéfiniment transporter les graines de l’espoir en tous lieux de la planète sans jamais s’arrêter pour les planter en une terre fertile.
C’est donc sur cette grande île dont tu ne connais pas encore tous les contours qu’ils ont décidé d’en faire la leur.
Oh ! Ce ne fut pas sans violences, ni tempêtes, ni ouragans qu’ils parvinrent à l’apprivoiser. Ils résistèrent, comme toujours ils l’avaient fait. Mieux, ils bâtirent et ils cultivèrent, car ils étaient également des hommes de la terre.
Ce qu’ils semèrent, ils l’arrosèrent avec la sueur de leur hargne et de leur abnégation. S’ils durent laisser des larmes, ils ont aussi versé leur sang.
Vois-tu mon cher enfant, pour apprécier chaque chose dont nous disposons dans notre existence, il est indispensable d’en connaître le prix. Quand tu découvres celui-ci, alors ce n’est plus quelque chose d’abstrait que tu tiens entre tes mains, mais un bien précieux, aussi fragile qu’un sentiment.
Ce que tu possèdes aujourd’hui, tu dois le considérer avec respect, car c’est à tes ancêtres que tu le dois. Voilà pourquoi je me presse d’écrire leurs vies avant que les ans n’effacent leurs pas sur les chemins, ou que ma mémoire refuse de se souvenir de l’un ou l’autre de ces valeureux aïeux.
Longtemps avant que le vent se lève sur tes propres traces, il te faudra aussi consigner tes aventures pour les joindre aux nôtres et ainsi poursuivre la construction de la route qui ne doit pas s’arrêter d’aller à la découverte du monde. Plus tôt tu commenceras ton récit et plus longues seront les lignes. Fais en sorte qu’aucun souvenir n’échappe à ta plume ; ce sont eux qui feront qu’ils danseront au fil des pages, laissant penser au lecteur que c’est le temps qui fait la farandole.
Pour l’heure, tu n’es qu’un enfant qui se promène de feuilles en chapitres jouant avec les mots. Plus tard, tu seras le héros qui fera chanter les verbes, celui qui inventera les phrases qui refusent de s’écrire elles-mêmes quand elles jugent qu’elles n’appartiennent pas à l’amour ou au bonheur.
Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010
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Commentaires
Bonjour René .
Oui je retrouve dans ce texte le même désir qui me pousse moi aussi a écrire mon histoire a la grande joie de mes enfants qui viennent lire quelques fois un petit chapitre ,
Il faut écrire son histoire , un peu aussi pour la revivre en même temps ..
Beaucoup a faire pour moi .. Je suis dans les cartons tous les jours , afin de préparer mon départ qui je pense sera vers Septembre .. Je m'installerai dans une maison plus petite ce qui me permettra d'avoir plus de temps pour écrire et pour retrouver tous mes amis lointains .. J’espère que tu vas bien ainsi que tous autour de toi ..
A bientôt René ..Amitié des US ..
Bisous a partager .
Nicole .