• Reflets de mémoire suite et fin

     

    Reflets de mémoire suite et fin

    — Aurait-il souffert tant que cela sur celle de ses parents ?

    — Quand on veut se débarrasser de son chien, on prétend qu’il a la rage, répondit Anna. Lui, il a toujours affirmé que la terre du haut était ingrate, vu qu’elle a tué son père !

    — Nous sommes les premiers à dire que notre coin n’est sans doute pas le lieu idéal pour l’agriculture, enchérit Alice. Cependant, depuis des générations elle nous a toujours nourris, y compris nos bêtes !

    — Sans aucun doute, ajouta Anna ; elle a suffi à contenter nos ventres. Mais tu ne peux passer sous silence que lorsqu’ils grandirent, les estomacs devinrent gourmands et parfois, nos assiettes étaient loin d’être remplies ! Alors les uns après les autres, tes frères et sœurs sont partis à la ville ! Ils ne reviennent que pour les vacances. Heureusement, elles coïncident avec les foins, ce qui nous aide bien !

    — Je le sais, répondis-je, car de là-haut où je travaille, je les entends chanter. Pendant cette période, je peux vous dire que la montagne est heureuse de transmettre les échos et ceux-ci prennent plaisir à rebondir de sommet en sommet !

    — Votre remarque est juste, reconnut Anna ; cependant, lorsqu’ils étaient encore ici, on ne les a jamais entendus chanter en travaillant ! Ce doit être l’air des villes qui leur aura monté à la tête !

    — L’essentiel est que le travail est fait et que l’herbe soit rentrée avant les orages, dis-je.

    — Oui, c’est encore vrai, avoua Alice. Mais on ne peut s’empêcher de penser que tout cela est quand même regrettable. Vous imaginez-vous tous ces bras qui restent inutiles une bonne partie de l’année ?

    — Vous êtes sévère avec eux, ma chère Alice ! Vous pensez sans doute à quelque chose de particulier, en disant cela ?

    — Oui, vous l’avez deviné, M. René. Lorsque vous traversez le dernier village abandonné avant d’arriver chez nous, j’ai toujours reproché au père de n’y avoir pas voulu acheter des terres. En le faisant, notre famille n’aurait peut-être pas éclaté !

    — Les hivers chez nous sont trop longs, dit Anna en forme d’excuse. Nos enfants ne sont pas les seuls à avoir tourné le dos à celle qui contenta leur ventre. D’ailleurs, dans nos contrées, ce sont pratiquement tous les villages de montagnes qui se sont vidés !

    — C’est vrai que cela me fait mal au cœur de voir toutes ces maisons dont personne ne songea à fermer les portes, dis-je. Quand je frôle les murs, j’ai toujours l’impression d’entendre quelqu’un se plaindre !

    — Vous n’avez peut-être pas tort, répondit Anna. Je suis bien aise que les aïeux de ces gens ayant fui devant leurs responsabilités doivent revenir toutes les nuits pour faire revivre leurs souvenirs.

    — Et pleurer aussi, ajoutais-je, car entre les pierres, l’eau gelée à la forme de larmes.

     Bon, il me faut y aller, mes amies. Je dois vous remercier de m’avoir accueilli avec autant de générosité. C’est comme si vous m’aviez servi une part de votre cœur !

    — Qu’allez-vous faire dans la solitude de la montagne, demanda Alice ?

    — Je vais construire des ombrières pour protéger les jeunes plants de la saison prochaine. Comme vous le voyez, on peut très bien vivre aujourd’hui sans pour autant ne pas penser à demain ! D’ailleurs, n’est-ce pas ainsi que vous organisez votre vie ? N’avez-vous jamais un pied dans une saison et le second dans une autre ?

                                                          FIN

      Par respect pour ces braves gens qui m’ont accueilli tant de fois, les noms et les lieux ont été changés, bien qu’un demi-siècle ait caressé le flanc de ces montagnes et patiné les vieilles pierres des maisons, dont certaines m’a-t-on dit, n’ont pas résisté au temps.

     

     


  • Commentaires

    1
    Lundi 21 Mars 2016 à 11:16

      

    Bonjour René, c'est loin tout ça et tu en parles encore avec amour.. Ces femmes étaient de bonnes personnes, on ne peut les oublier... Bon lundi, bons baisers

    2
    Mercredi 23 Mars 2016 à 04:28

                    Bonjour  René  .
        Quand  on  a  partagés   de  précieux  moments   avec  des  personnes  qui  deviennent  des  amis  , ont  ne  les  oublie  jamais  et  en  racontant  ces  agréables  passages  , c'est  un  peu  , comme  un  regard  en  arrière  pour  dire  ,merci  ,  je  n'ai  pas  oublié   .
         Bonne  semaine  ami  lointain  ..
      Affectueuses  pensées  des  US  a  partager  autour  de  toi ..
    Nicole ..

    3
    Mercredi 23 Mars 2016 à 14:14

    Oui, ma chère Nicole, les gens que l'on a rencontrés et aimés, on voudrait, lorsque l'on évoque ces rencontres et ses dialogues qu'ils puissent à nouveau nous répondre et surtout nous sourire avec sur le visage et dans les yeux ces marques de sincérité qui ne se rencontre que chez les gens au grand cœur.

    Merci de t'arrêter un instant sur le rebord de notre modeste fenêtre. Je regrette seulement de ne pouvoir t'inviter à entrer.

    Affectueuses pensées, mes amis.

    René

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