• Regarde devant toi, enfant !

    Regarde devant toi, enfant !— Partout autour de nous, nous pouvons rencontrer des pères et des mères qui pourraient tenir ce langage à leur fils parfois trop effacé. Il est vrai que certains enfants se réfugient peut-être trop facilement derrière la personnalité parentale dont ils disent qu’elle est trop forte, quand elle n’est pas carrément étouffante pour être ignorée. Par crainte, disons-le sans détour et sans fondement, involontairement d’abord ils choisissent de rester en retrait, puis finissent par se complaire dans cette situation où ils délèguent toute autorité à ces parents, dans l’ombre desquels ils se tiennent cachés, sans exister véritablement. Auraient-ils donc peur de la lumière ? Cependant, nulle part ailleurs que dans cette dernière, on ne pourra estimer un personnage à sa juste valeur ! Au passage, vous noterez que je n’emploie pas le mot « juger ». C’est un mot trop lourd de conséquences pour être cité par un citoyen lambda de mon espèce. Et puis, de toute façon, je ne me permets pas de juger ceux qui me ressemblent ! Alors, passant près d’un pin qui se voulait être le symbole de la résistance, ai-je cru reconnaître quelques mots de cette conversation dont je prends le plus grand plaisir à partager avec vous :

    — Mon cher enfant, je te trouve bien frêle alors que la table chez nous est plutôt abondante. Serait-ce ton caractère soumis qui engendre chez toi cet aspect chétif ? Sont-ce tes racines que tu cherches ainsi courbé ? Si un jour tu veux te redresser pour ressembler à tous ceux de ta famille, il te faudra aller chercher au plus profond de toi la hargne indispensable pour combattre le destin qui voulait faire de toi, son serviteur.

    Pour connaître le bonheur, sache qu’en ce monde nul n’est tenu à l’obéissance aveugle ni à la soumission dégradante devant des êtres qui ne sont en rien différents de toi. Et combien même le seraient-ils, qu’en terre, jamais ton genou tu ne porteras.

    Je suis le premier à t’assurer qu’en ce bas monde il est souvent pénible de faire admettre certaines de ses idées, même quand elles te semblent être la vérité toute nue. Mais ce n’est pas la raison pour épouser celles des autres, les yeux fermés. Aucune conviction ne saurait être assez puissante pour prétendre être le modèle à imposer. Il nous revient seulement le privilège de partager les connaissances que nous jugeons utiles.

    Aucune cause que l’on te présentera ne doit t’obliger à devenir l’objet de consciences que tu penses être les plus fortes. Garde présent à l’esprit ce précepte qui dit que nous ne pouvons et nous ne devons jamais devenir ce que les autres veulent que nous soyons. Avec habileté, tu essaieras de convaincre tes semblables à t’écouter, afin qu’ensemble, vous puissiez faire la part de ce qui est bien et de ce qui ne l’est pas.

    Il est vrai que tout n’est pas forcément bon, rien n’est définitivement mauvais. Dans les éléments qui constituent nos jours, il nous appartient d’extraire ce qui est meilleur pour en faire profiter le plus grand nombre. Quand on s’adresse à toi, ne fais pas semblant de chercher ailleurs où se trouvent tes racines. Retiens pour toujours qu’elles sont identiques aux nôtres, car nous sommes issus d’une même et longue lignée. En regardant autour de toi, tu peux contempler tout ce qui compose le monde.

    Chaque élément à un rôle qui lui est dévolu, aucun n’est superflu et chacun, en son genre, est unique. Par contre, à aucun d’eux n’essaies de ressembler. À l’océan, tu ne peux t’identifier. Il est immense et jamais tu ne pourrais onduler à sa manière. Ne contemple pas les fleurs avec envie. À leur cercle très fermé, tu ne peux adhérer, car aucune d’elles ne te ressemble. Leur monde particulier ne partage pas ton histoire. N’aie pas la prétention d’avoir le cœur aussi dur que la roche. Sois son complice au contraire en la protégeant de ton ombre afin qu’elle n’éclate pas sous les rayons brûlants et en conséquence, t’entraîne dans sa chute.

    Ne regarde pas le nuage avec l’envie d’être des leurs. Laisse-les filer autour de la terre où ils s’amusent à faire des figures dans lesquelles ils te laissent le soin de deviner des personnages. Quant au ciel, contemple-le avec humilité. Il est si vaste que nous ne pouvons l’atteindre, il est réservé aux songes et aux âmes qui, le soir venu, s’habillent en étoiles scintillantes.

    Du vent qui souffle à nous faire perdre la raison tu ne saurais être jaloux. Ne retiens que la douce musique qu’il improvise dans ta ramure, t’indiquant ainsi qu’il a besoin de toi et que loin d’être inutile, tu lui es indispensable. Sans toi, personne ne saurait qu’il existe.

    Alors, sois fier, mon enfant, redresse-toi ! Nous sommes faits pour regarder les yeux des autres et non laisser notre regard souffrir et gémir sur le sol à la recherche d’un improbable sourire.

     

     

    Amazone Solitude.


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