• Rêves innachevés

    – Qu’il fût triste ce matin ou je compris que les jours ne seraient plus jamais comme ceux que nous avions connus, tandis qu’ils baignaient dans les senteurs du bonheur. Que nous étions innocents, mon bel amour, de croire que l’affection nous revenait de droit, comme peut l’être le pain dans l’espoir des malheureux ! Oui, soudain, nous étions devenus des mendiants des jours heureux. Dans l’aurore à peine dessinée, nous allions enlacés par les sentiers de ta chère montagne, comme tu aimais nommer ces hauts sommets, pour lesquels tu avais autant de sentiments que s’ils étaient tes amis.

    Nous partions toujours dans le jour naissant, car, disais-tu en prenant une voix douce, la félicité étant la fille naturelle de la rosée, en conséquence, elle se doit d’être récoltée avant que les premiers rayons du soleil ne la fassent souffrir. Jeunes et inondés par les flots de notre candeur, nous courrions à la rencontre de l’extase, parfois, traversant à cloche-pied les gués des torrents, ou escaladant tels les chamois des pentes vertigineuses. Pour t’excuser de ton audace, tu disais que le risque et toi vous étiez né le même jour. Et moi, innocente et passive, je faisais semblant de te croire, alors qu’à chaque instant je redoutais le pire. Oh ! Je sais bien que tu ne cherchais pas à m’étonner ; je comprenais que tu étais un exalté et que la vie que tu traversais, tu la voulais à ton image. Gaie, surprenante, avide de sensations nouvelles à toutes heures du jour. Tu aimais à me dire qu’en ton esprit, il n’y avait qu’une saison ; la plus belle, celle qui en nous dépose la joie et le bien-être.

    Mon ami, jamais je n’oublierai tes baisers rapides comme l’éclair ni leur goût aussi parfumé que celui des baies aux couleurs vives accrochées aux rameaux des buissons épineux. Tu vois, me disais-tu alors qu’une perle de sang fleurissait à la pointe de mon doigt ayant frôlé de trop près le roncier insolent ; il te punit, car il est comme moi ; avant de lui arracher un lambeau de son âme, il apprécie qu’on lui demande avec une pointe d’amitié sur les lèvres prenant à l’occasion la forme d’un cœur. Il ne refuse jamais, surtout à une aussi merveilleuse fille à l’allure de princesse, qu’elle cueille ses fruits délicieux aux parfums de la passion.

    Mon cher amour ; pourquoi être parti si tôt, alors que nous commencions à écrire une si belle page de vie ? Je m’appliquais à en former les lettres qui ne parlaient que du bonheur, tandis que toi, tu me faisais la promesse d’arracher à la nature quelques-uns de ses plus beaux tableaux pour les transformer en de sublimes illustrations. Ô ! Mon merveilleux amant, jamais tu ne devinas combien j’aurais désiré me réfugier dans ton ombre afin d’être toujours plus près de toi. Tu n’imaginas pas que j’aurai préféré me glisser dans la douceur de ton cœur, ni tu ne devinas que ma place se trouvait sur le balcon de ton esprit pour ne manquer aucune des émotions qui le nourrit. Oui, bel ami de mon corps qui en ce jour, par sa blessure béante laisse s’échapper le sang du désespoir, je n’avais qu’un désir : me nourrir exclusivement de ton amour.

    Je reverrai toujours ces merveilleux sentiers des estives par lesquels nous allions, heureux, nous tenant par la taille. Parfois, des paroles sans importance nous faisaient rire aux éclats, alors que l’instant d’après, nos regards se portaient sur l’horizon que je n’avais pas remarqué qu’il s’assombrissait. Sans même nous consulter, après un moment de silence, nous nous arrêtions et nous enlaçant, nous échangions des baisers qui nous forçaient à fermer les yeux. D’autres jours, nous recherchions un tapis de mousse pour accueillir nos corps et nos esprits s’envolaient sans plus tarder vers des contrées lointaines, avant de revenir se poser à nos côtés. Nous osions alors construire des projets comme on le fait des châteaux ; ils étaient immenses, avec des parcs somptueux de verdures de toutes sortes, récoltées au hasard de nos randonnées. Nos héritiers à venir avaient déjà des noms, et dormaient dans leur berceau de coudrier.

    Hélas ! Nous devrions apprendre aux gens dès leur enfance que le bonheur ne naît pas d’un rêve. Il ne suffit pas de vouloir pour avoir, ni de tendre la main pour récolter, et offrir son cœur pour être aimé. Aux côtés de la béatitude se dissimule la réalité. Un jour, le destin te ravit à moi et pour ce lointain pays tu es parti. La lettre m’annonçant ta disparition fut aussi brève qu’un couperet. Tu ne reviendrais plus ! Alors, à quoi bon demeurer en un lieu où je sais qu’il ne sera plus visité par l’amour et l’espoir, et où les châteaux s’écroulent avant même qu’ils soient construits ? Les roues du wagon sur les rails compteront le temps qui nous sépare et à chaque dilatation ils laisseront tomber une larme. Je n’aurai qu’à les suivre, si un jour je décide de revenir en ces lieux où naquit notre amour.

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00061340-1

     

     


  • Commentaires

    1
    Vendredi 16 Juin 2017 à 06:30

           Bonjour  René  ami  lointain ...
     Voila  en  ce  jour  je  viens  a  nouveau  découvrir  ton  histoire et  me  pose un instant sur  cette  triste  page , d'une  vie  qui  semble  prendre  fin ..Je  reste bien  triste  et  ne  sais  que  penser  sur  l’être  tant  aimé  qui  disparaît  ..Te  connaissant  comme  un  merveilleux   compteur  et  caricaturiste  d'épisodes  sur  ton  chemin , je  suis  perplexe  ..Es- tu  sincère  ? OH !  Cher  ami  je  suis  triste  ,car  je  connais  cette  souffrance  , elle  veut  tes  entrailles ..Au  nom  de  ce  que  tu  aimes  , tiens  bon , rassures  moi  mon  ami  que  tes  écris  ont  de  beaucoup  débordés  sur   la  réalité    Quelques  lignes  sur  mon  blog  me  rassureront  pour  continuer  a  marcher  prés  de  toi  sur  le  chemin  de  la  vie ..
     A  bientot  René .. Amitié  des  Us ..
    Bisous  a  tous  autour  de  toi  ..
    Nicole ..

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