• Sans racine, la Forêt pour Famille

    Sans racine, la Forêt pour Famille

     — Je connais maintenant l’importance des contes de Noël, mais j’admets qu’il me fallut bien du temps pour en apprécier le sens. C’est que du conte, je m’étais imaginé qu’il démontre que s’il ne débutait pas forcément bien, il finissait toujours dans le bonheur ou au moins sur une note plus joyeuse.

    Mais comment interpréter une histoire quand longtemps après son écriture vous vous apercevez que finalement, c’est vous qui en aviez le rôle principal ? 

    Alors, le désir me vint, qu’après tout je pouvais bien, pour une fois, me donner un certain avantage. Voyez-vous, j’ai eu le privilège de naître au cœur d’une forêt. C’était sans doute une année qui ressemblait à la fin de l’une de celles qui semblent s’accrocher de tous leurs flocons à nos souvenirs, avec un froid polaire, puisqu’il est bien connu qu’il conserve indéfiniment. 

    Venir au monde dans une forêt loin de tout et de tous n’est pas une arrivée banale. J’en déduisis donc que j’étais tombé d’un nid, car dans mon enfance, on me rappela souvent que j’étais un oiseau rare et parfois même un de ces volatiles sans cervelle ! 

    Cette expression, il me plut de la conserver, car comme eux, j’ai sauté de branche en branche avant de prendre mon envol. Mieux, longtemps avant l’automne de ma vie, comme tant d’autres oiseaux migrateurs, je me suis enfui vers les pays que les gens du nord désignaient comme étant les pays chauds. 

    Imitant les colibris, j’ai eu l’infime plaisir de visiter les cœurs. Sans racine, mais loin d’être un ingrat, je me suis donc fabriqué mon arbre généalogique. Après tout, avant de tomber du nid construit avec soin dans la fourche d’un puissant arbre, il n’est pas impossible que je n'eusse pas hérité de quelques gènes. 

    Mêlé aux nombreux autres peuplant les lieux, cela eut pour effet de m’attribuer une génétique particulière et passablement compliquée. 

    Du hêtre je suis assuré, puisque de toute évidence je fus et que je suis encore. Le chêne me prêta sa force et sa solidité puisqu’en ce matin particulier je survécus à la tempête.

    Du joli bouleau, sans doute suis-je apparenté, puisque dans ma vie je n’ai jamais manqué de travail, à ce point qu’à ma porte il est toujours là à m’attendre et que je suis assez faible pour ne pas lui refuser mes bras.

    Quand la nature fait des erreurs, elle prend au temps les éléments nécessaires pour les réparer. Ainsi, pour se faire pardonner, du charme se servit-elle pour me faire un physique qui ne déplut pas, même si je ne fus jamais un Adonis ou un Apollon.

    Par contre, les frênes me donnèrent-ils l’assurance et la patience, car dans ma modeste existence, je ne fus jamais pressé d’arriver avant de partir. 

    Je remercie les trembles de m’avoir ouvert les yeux sur les dangers, de sorte que mes membres n’aient pas eu à frissonner plus que de raison à l’approche des catastrophes. 

    Du marronnier je tiens la sagesse, car je n’eus pas à distribuer plus de marrons qu’il ne fallait, de même que l’âme du châtaignier m’éloigna des châtaignes que certains auraient bien voulu m’offrir. 

    Par contre, je compris que si du saule pleureur, j’eus la chance d’hériter de sa souplesse, je n’avais rien conservé de son caractère, car je n’eus pas le goût des larmes, et que du cyprès je n’héritais que d’un lointain souvenir, car rapidement je m’éloignais de ce fuseau qui me montrait un point précis du ciel. 

    Parmi les plus anciens, il dut y en avoir qui ont voyagé, car je devins sentimental comme l’angélique des tropiques dont, plus tard, j’ai entendu l’appel.

    Grâce au bois pagaie, j’ai navigué de par le monde, même si parfois je dus ramer pour arriver à destination, tandis que l’arbre aux écus ne me dota point de la fortune. Les traces du savonnier me demandèrent de ne pas faire plus de mousse qu’il en était nécessaire. 

    Le bois de rose qui veillait au fond de mon personnage permit que je laisse quelques fragrances afin que je retrouve mon chemin si je venais à m’égarer. 

    Sur notre continent, le gaïac me fit gaillard pour affronter les mystères de l’Amazonie. Vous comprenez maintenant la passion ardente que je nourris à l’égard de la forêt ainsi que les raisons pour lesquelles je la défendrai jusqu’à mon dernier rameau ainsi que mon ultime branche. 

    Alors que j’étais sans racine, voilà que je me découvrais une forêt entière pour famille et plus encore en y associant les lointains cousins d’Amérique du Sud, de sorte qu’imbriquant leurs racines et se tenant par leurs ramures, pour m’être agréables, autour du monde ils firent la ronde et pour me permettre de transporter mes souvenirs, le modeste arouman m’offrit ses beaux paniers. Étonnamment, je n’éprouvais jamais la soif, car le coudrier me prêta ses baguettes qui m’aidèrent à trouver les sources. Vous avouerai-je que mes jours comme mes pas furent légers grâce à mon cousin balata ?

    Je n’ignore pas cependant que de tous, je suis le plus fragile. Arrivant au crépuscule de ma vie, je ressens bien les douleurs qui me tiennent un peuplier, alors que, l’âge avançant je wappa grand-chose, puisqu’on me dit que j’ivoirien tandis qu’en silence, le sapin m’observe avec compassion, mais sans impatience afin de me tailler mon dernier costume.

    Amazone Solitude

     Copyright numéro 00048010-1 


     


  • Commentaires

    1
    Jeudi 19 Mai 2016 à 06:13

        Excellent  et  je  dirai  même  brillant  et  merveilleux  cher  René  cette  arbre  généalogique ..
    C'est  vrai  que  l'auteur  se  retrouve  bien  souvent  dans  les  textes  qu'il  écrit ..Au  lieu  de  tomber  du  nid  , tu  ne  serais  pas  plutôt  tombé   du  ciel , un ange qui  aurait  préféré  ne  plus  remonter  mais  rester  en  terre  d'adoption ,  la  vie  en  foret  semble  bien  plus  animée  et  vivante  que  dans  le  silence  des  nuages  .. Ainsi  tu  as  pu  hériter   de  toutes  ces  précieuses  qualités  qui  font  un  homme  respectable , et  tu  vois  ,même  le  sapin  compatit  pour  tes  courbatures  , qu'il  ne  s'impatiente  surtout  pas  pour  te  tailler  ton  dernier  costume  ..Un  oiseau  sans  cervelle  n’écrirait  pas  un  si  beau  texte .. Merci  René  ..
    Pour  te  rassurer  moi  aussi  , certain  jour  a  la  tombée  du   crépuscule  j'yvoirien  , mais c'est  parce qu'on  regarde  très  attentivement  dans  la  journee  , ça  fatigue  les  Yeux  , (sourire )..
      Bonne  journee  mes  amis  lointains .. Je  vous  embrasse  tous  les  deux ..
    Nicole ..

    2
    Jeudi 19 Mai 2016 à 10:44

    Bonjour ma chère Nicole

    Je prends enfin un moment pour venir te remercier de tes gentilles visites. Tu as raison, bien souvent l'écrivain ne fait pas que raconter la vie, mais son parcours dans celle-ci. De la forêt, si je semble réellement très lié, ce n'est pas tout à fait par hasard. C'est vraiment au pied d'un chêne que l'on me trouva un matin d'hiver. Depuis, je ne l'ai jamais quittée, si je puis dire. Je suis né dans une au nord et je mourrai dans une autre, mais plus confortable, puisqu'elle est au sud. Oui, mon amie, ainsi fut mon parcours de vie qu'à l'image des hommes qui ont besoin d'une famille, je n'ai jamais abandonné ma chère forêt ! certes, j'ai fondé à mon tour une famille, mais c'est ensemble que nous vivons près de notre berceau originel.

    Merci encore, ma très chère Nicole. Je t'embrasse bien affectueusement, et je n'oublie pas ton cher mari.

    René

      • Vendredi 20 Mai 2016 à 06:01

                    Merci  René  pour  ton  message ..
        Oui  je me souviens sur ton autre blog , tu avais  fait un billet sur  tes premiers instants  a  la  vie  dans le froid  de  la  foret , c'est difficile pour moi de comprendre  les premières heures  d'un tout petit  dans  les  feuilles au lieux d'un doux berceau , et  je  comprend ton amour pour cette foret  qui  t'a  protégée  et   t'a  offert  toute  sa  richesse  sans  rien  demander  en  retour ..
          Merci  René  pour  cet  émouvant  passage  de  ta  vie  que  tu  partage  si  joliment ..
             A bientôt  ..Bisous  a  partager ..
        Nicole

    3
    Jeudi 19 Mai 2016 à 18:04

    BONJOUR RENE !

    Joli travail d'association des arbres avec tes options de vie !.......Tu as bossé dessus pendant des jours !....Non ?

    Je m'attendais à trouver une prose sur les injustices sociales, mais ce n'était qu'un exercice de style !

    Ceci dit, les psychanalystes expliquent assez bien  que tous ceux qui sont capables de relater des faits d'enfance (jusqu'à 7 ans environ) ont vécu des heures  douloureuses, voir des misères irréversibles !.......Mais tous ceux qui ont oubliés leur petit enfance, c'est qu'elle fut immensément heureuse !.......Le bonheur ne laisse pas de trace il se vit le plus naturellement du monde !......Ce n'est pas comme la douleur ou la misère !

    Bonsoir Mon Ami René et bisous à Josette !

    4
    Jeudi 19 Mai 2016 à 20:50

    Bonsoir, ami lointain

    Je profite de l'instant qui me permet de sortit de la forêt pour venir te remercier de venir passer quelque temps en ma compagnie. En ce moment, les permissions ne sont pas évidentes ! 

    Non, contrairement à ce que l'on imagine, écrire un billet ne me demande que quelques instants? Si je dois chercher mes mots, j'abandonne, car ce ne serait plus instinctif. Oui, je sais, parfois il vaudrait mieux être instinctif ; mais je suis ainsi; que je suis en mesure d'écrire dix lignes comme cent ou même un roman. Bref  tu parles de l'âge de sept ans pour les souvenirs ? Pardon, en mon esprit ils remontent plus loin, jusqu'à l'école maternelle que je fréquentais parfois. Mme Viaud, l'institutrice d'alors, ainsi que Mme Rousseau, son adjointe, m'appelait toujours le bourdon, car je ne cessais jamais de parler. J'étais puni très souvent, car il est vrai que je le méritais ; cependant, quand elle ne savait pas qui enfermer dans le garage, cela tombait toujours sur moi ! C'est étrange, tu ne trouves pas, comme certaines personnes s'acharne sur d'autres ? Peu importe les misères que les autres m'ont infligées. J'ai grandi dans ma solitude et c'est dans cette dernière que j'ai trouvé ce qui me manquait alors !

    Autre chose, j'ai cru comprendre que tu avais perdu beaucoup de tes données? Je sais que cela ne peut pas arranger tes affaires, mais ce fut très souvent le cas chez nous. Alors on copie encore et encore... D'autant que l'informatique n'est pas conçu pour une région comme la nôtre et moins encore lors des saisons des pluies durant lesquels les orages sont imprévisibles. Cependant, avant l'avènement de l'informatique, nous vivions, donc à nous d'adapter les uns aux autres.

    En parlant d'orage, en voici un et comme toujours, nous allons devoir déconnecter tout le matériel, y compris la télé.

    Très bonne soirée, mon cher ami. Dis-moi, le super navre de croisière ( qui n'est pas très beau ) a-t-il quitté son quai ?

    Amicales pensées à partager

    René

      • Vendredi 20 Mai 2016 à 09:09

        Instinctif ? Je savais que tu étais instinctif et je connaissais ton passé dans la neige des montagne, mais que dire devant des telles proses.

        Dans ton observation sur la mémoire des enfants, en voulant me contredire, tu argumentes dans mon sens !  En effet, contrairement à moi, tu as eu une scolarité turbulente !....Non ? Ce sont des faits pareils qui éveillent la mémoire. Quand je dis que je ne me souviens de rien, en fait c'est faux, j'ai des flashs de ma petite enfance, comme une chute de vélo mémorable ou le cheval qui me monte sur le pied etc. Mais je n'est pas le film de mon enfance comme j'ai le film de mon adolescence.

        Pour mes "données", j'ai un disque dur extérieur de 1To sur lequel je garde (et où je travaille)mes tableaux de banque et tous mes documents à conserver. J'y transfère aussi mes anciens articles.

        Mes écrits et mes photos en chantier, des notes de ce que je vois ou j'entends à la télé, certaines adresses que je note et les noms de mes favoris, c'est tout çà qui a disparu ! Mais ce n'est que 0,1% de ce que je garde !

        Bonne journée René !

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