• Tendresse Africaine

     

    Tendresse Africaine

    — Ils avaient profité d’une ultime rencontre pour unir leur corps dans un dernier élan. Durant leur étreinte, ils n’avaient osé prononcer un mot, comme s’ils savaient qu’il eut été de trop. Quand les cœurs sont si près des lèvres, il n’est plus temps de faire appel aux sentiments. Ne lui avait-il pas dit un jour, alors que main dans la main ils faisaient le tour du village :

    — Il y a un temps pour chaque chose, chaque élément, chaque sentiment. Le jour arrive alors que la nuit se retire, mais il est seul. Pour nous, il en est de même. Le monde nous entoure, la famille nous couve du regard sans nous voir vraiment et s’il y a un temps pour aimer, il en est un autre pour oublier.

    Silencieux, perdu dans ses pensées, il écoutait la belle Maïmouna. C’est elle qui avait rompu le silence, le trouvant soudain trop lourd à supporter dans cette nuit tiède. Allant et venant dans la petite pièce qu’ils avaient qualifiée de « maison de poupée », sans toutefois tourner la tête dans sa direction, à sa façon, elle essayait de lui faire comprendre qu’elle l’avait aimé. Elle l’avait aimé avec son corps, mais aussi avec son cœur et sans doute autant avec son âme.

    S’arrêtant d’aller et venir, elle se demanda soudainement si elle n’avait pas été victime des esprits qui les avaient fait se rencontrer en sachant bien qu’ils ne seraient jamais tout à fait l’un à l’autre.

    Cependant en son âme elle avait accepté le défi. Elle n’avait jamais ignoré les difficultés qui les opposaient parfois. Leur pays respectif si éloigné l’un de l’autre, la culture qui semblait être l’une le jour tandis que l’autre aurait pu représenter la nuit. Qu’importe, elle se savait en paix, car elle n’avait jamais renié les siens, même au plus fort de leur amour.

    Comme s’il n’était pas présent, elle dit à voix suffisamment haute pour qu’il l’entende :

    — Sans doute aurions-nous mérité d’être beaucoup plus que des amants. Nos différences certes, sont importantes, mais aussi extraordinaire que ce soit, elles nous ont toujours rapprochées. C’est vrai, dit-elle encore à voix douce, comme pour s’excuser, j’ai toujours su que cela finirait ainsi. J’étais dans mon univers, c’est toi qui es venu d’un autre monde. Il est juste que tu y retournes.

    Reprenant sur une note plus haute, avec une colère contenue elle continua son monologue.

    — Tu vois, nos mondes sont faits pour se rencontrer, mais pas pour vivre ensemble. Sinon les tout-puissants n’auraient jamais séparé les terres. Nous serions toujours réunis, d’une même couleur, parlant la même langue.

    Il n’était pas indifférent à ses paroles qui couraient comme le flot de la rivière. Elles étaient parfois calmes, alors qu’à d’autres moments elles annonçaient la crue. Il ne l’entendait plus, ses pensées étaient ailleurs. Il la contemplait et se demandait soudain s’il avait vraiment pris le temps d’apprécier sa beauté.

    Son corps était joliment dessiné. Ses jambes longues et musclées supportaient un fessier callipyge propre aux jeunes filles africaines. Ses seins se dressaient de façon arrogante semblant défier le monde. Son port de tête lui donnait une allure altière, la faisant ressembler à une princesse. Dans ses yeux, on pouvait admirer l’âme de l’Afrique avec ses chants, ses contes et son histoire. On y parcourait aussi d’immenses savanes à la recherche du bonheur. Elle ressemblait à une élégante gazelle à la peau satinée, couleur ébène.

    Stoppant ses allées et venues, elle se planta devant lui.

    — Tu m’écoutes toujours, lança-t-elle, voyant qu’il était en route vers d’autres horizons ? Demain sera un nouveau jour pour toi, un inconnu, comme tu les aimes. Je te connais bien, je sais que déjà tu t’apprêtes à le combattre, car à tes côtés, j’ai appris que tu n’aimais pas la tranquillité qui fait ronronner le chat avant de trouver le sommeil.

    Si tu n’avais pas été un homme, sans doute serais-tu devenu un fleuve. Tu n’aurais pas supporté de n’être qu’un ruisseau.

    L’aube n’aura pas fini de s’installer quand tu vas disparaître. Sans doute vivras-tu d’autres aventures, peut-être même aimeras-tu encore et qui sait, sans doute plusieurs femmes ? Ne me dis pas non, je vois aussi clair en toi que le martin-pêcheur au-dessus de l’eau. Même si tu refuses l’amour, tu ne peux l’empêcher de t’approcher. Il y a suffisamment de place en ton cœur pour le mettre à l’abri des dangers.

    Moi, je reste avec les miens, ma place est ici. Même si je l’avais désiré, je sais que je n’aurai jamais pu les laisser loin derrière moi. Il est vrai que l’on coupe souvent des arbres, mais on n’a encore jamais vu leurs racines s’enfuir, même dans les plus grandes souffrances. Quand mon corps l’exigera ou quand je serai nostalgique, j’investirai ton esprit, car je sais qu’il restera ici.

    Ton être, lui, va partir autour de la planète, car je crois que la seule chose dont tu sois follement amoureux c’est de la liberté.

    Amazone. Solitude.

     

     


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