• Un risque à ne pas courir

    — Qui n’a pas entendu dire à propos d’un évènement qu’il y avait d’un côté ceux qui sont pour, et de l’autre, ceux qui sont contre ?

    Qui n’a pas rencontré dans sa vie des courageux ou des téméraires ?

    Sur votre route, n’avez-vous jamais croisé des hommes pressés d’aller de l’avant, alors que dans le même temps, d’autres faisaient quelques pas en arrière ?

    Toujours est-il que l’on ne peut pas reprocher aux gens à la fois de prendre trop de risques et ne jamais provoquer la chance qui fait d’eux des héros lorsqu’ils ont vaincu le danger qui prétendait s’opposer à leur avancement.

    Que savons-nous précisément concernant les périls en tous genres ?

    N’est-il pas l’essence même de la vie ? Une sorte d’exaltation qui circule dans nos veines jusqu’à être douloureux quand la décharge d’adrénaline est trop puissante ?

    Ce risque que nous aimons habiller de mille qualificatifs ne nous colle-t-il pas à la peau, serrant notre main très fort afin que nous ne le lâchions jamais ?

    Il ne connaît que nous, car il est né au même instant. À peine est-il installé dans la vie, que déjà il nous entraîne à sa suite en nous mêlant à ses tourments.

    Qu’importe, quand nous prenons conscience de sa présence à nos côtés, pour lui montrer que nous ne sommes pas dupes de ses intentions, nous n’aurons de cesse d’aller de l’avant, bousculant les obstacles, les enjambant parfois et les escaladant en d’autres occasions. Nous comprenons à l’instant où il se manifeste à nous dès le premier jour que rien ne nous sera épargné. Nous allons vivre une sorte de mise à l’épreuve permanente. Nous apprendrons à estimer le risque. Nous ne pourrions nous permettre d’entraîner dans la détresse ceux des nôtres qui choisiraient de nous emboîter le pas, même dans les moments où la vie nous presse d’ignorer les menaces, nous invitant à aller toujours plus vite, n’accordant que peu de temps à la réflexion.

    Bien souvent, ce que nous désignons l’immobilisme pour qualifier un sentiment de prudence naturelle trouve sa source dans la capacité à analyser les situations avant de les affronter. Ce n’est pas forcément une crainte qui n’avouerait pas son nom qui nous pousse à imaginer que l’environnement est une menace pour nous.

    Nous estimons seulement que la réflexion est un reflet de notre personnalité, une corde supplémentaire à notre pouvoir de jugement qui nous incite à laisser les autres passer devant nous. Pour nous excuser, nous prétendons qu’ils sont sans doute plus pressés que nous et surtout qu’ils prendront probablement des chemins différents du nôtre.

    En attendant, ils filent et à n’en pas douter, ils récolteront certainement les fruits les plus accessibles, alors qu’il nous faudra nous rehausser sur nos pieds ou d’autres élévations pour cueillir les nôtres. Nous ne pourrons nous empêcher de les railler un peu en les voyant allonger le pas et nous crierons en chœur : personne ne les retient ! Qu’ils y aillent ces dévoreurs de temps !

    Mais le risque est rusé. Il a plus d’un tour dans son sac et il semble faire comprendre à ceux qui veulent bien l’écouter, qu’en certaines circonstances, il n’est plus temps de se poser moult questions. Il existe des chemins douteux dans l’existence que nous devons franchir sans plus tarder, sous peine de voir les passerelles fragiles s’effondrer avant notre arrivée. C’est alors que le risque change de visage. Il n’est plus un redoutable ennemi, mais s’élève au rang de conseiller. Il encourage nos pas hésitants et nous montre que le monde n’est pas une menace pour qui sait l’affronter sans chercher à le dominer. Sans les audacieux, semble-t-il nous démontrer, où en serait l’homme qui allait au rythme des fructifications ?

    Le risque qui devance chacune de nos pensées se cache derrière chaque courbe du chemin, reste en permanence dans chacun de nos pas. Il nous tend des pièges dans lesquels nous sommes précipités si nous ne sommes pas clairvoyants. Il exacerbe nos sens jusqu’au moment où enfin nous comprendrons qu’il est notre allié et que notre entêtement à aller de l’avant n’est rien d’autre que notre planche de salut. À sa façon, il nous démontre que la route n’est pas notre propriété. Elle appartient aussi à ceux qui se réveillent et se décident à nous suivre. C’est alors le moment de prendre soin d’indiquer les lieux où les pièges se dissimulent. Le jour viendra où nous serons devant une passerelle fragile ; il sera temps de nous y arrêter pour la réparer et la renforcer ; car s’il est un risque que je ne prendrai pas, c’est celui qui me précipiterait dans le néant où j’entraînerais ceux dont l’amitié faisait nous serrer les mains, montrant ainsi qu’ils avaient en nous une confiance indéfectible.

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010

     

                    


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