• UN SURPRENANT JOUR DE FÊTE

     

    UN SURPRENANT JOUR DE FÊTE– Je n’ai pas résisté au plaisir de surprendre la pluie, alors qu’elle faisait sa musique originale sur le toit de notre maison, mais aussi sur celui de la forêt. C’était l’une de ces ondées tropicales, comme souvent notre région les accueille, de bon ou mauvais grés. Cependant, celle-ci m’attira parce qu’en même temps que les hallebardes cinglaient en les hachant, les parures végétales qui n’eurent pas l’instinct de se courber, afin de faire s’écouler les cataractes, le soleil semblait applaudir de tous ses rayons. Mais comme je ne suis qu’un humble hôte de la forêt, sans doute n’ai-je pas compris le sens réel de l’astre brillant. À la réflexion, je me demande encore s’il n’était pas jaloux de la partition que le firmament exécutait à grand bruit, alors que lui, dans ces moments les plus audacieux, ne saura jamais caresser les individus et les feuilles autrement qu’en les brûlant.

    À mesure que les minutes s’écoulaient, les éléments s’affrontaient. Oh ! Pas violemment, mais avec une certaine autorité, disons-le franchement. Un instant, en provocateur de première, le soleil profita du parchemin de la pluie pour y dessiner un bel arc-en-ciel, comme s’il invitait l’averse à remonter d’où elle venait en empruntant sa passerelle. Mais le firmament avait plus d’une giboulée dans ses nuages. Ah ! Tu me cherches, dit-il, à l’insolent, eh bien, tu vas me trouver. Il se déplaça lentement pour tester sa capacité à réagir. Mais lui, pas né du dernier grain, s’accrocha aux rangées de soldats obliques afin de marcher à la même cadence. On se serait cru à une parade militaire, avec cette différence, que pour une fois, la fanfare précédait les couleurs. Dans les alignements, aucun faux pas. Les rayons maintenaient leurs prises et l’ensemble avançait comme s’il ne se rendait compte de rien. Certes, la pluie se retournant devina que l’imposteur ne voulait pas lâcher sa proie, ce qui eut le don de l’énerver. Dans un mouvement d’humeur, elle précipita l’allure de son défilé. Les spectateurs comprirent par cette soudaine posture que l’armée était bel et bien en campagne, qu’elle martelait le sol de ses pas fougueux, et qu’elle entendait confirmer par cette démonstration qu’elle ne partait pas à la conquête de nouveaux territoires, mais que désormais, elle occupait le monde.

    La lutte que se livraient les éléments était à son apogée. À travers les soldats dont la tenue était exemplaire, les rayons tentaient vainement de leur faire des crocs-en-jambe. Ils s’infiltraient parmi eux, s’élargissaient, les enveloppaient, leur donnant des formes colorées, loin d’être déplaisantes. À l’abri sous les feuilles, les oiseaux coquets, craignant pour leur brushing qu’il avait fait à la faveur de la rosée, n’en croyaient pas leurs yeux. Ne pouvant applaudir des ailes qu’ils ne voulaient pas froisser, ils lancèrent des trilles d’admiration. Toujours à la cadence de l’harmonie de la voûte céleste, l’armée prenait quelque distance maintenant, mais en marquant de temps à autre le pas, comme si elle faisait des animations particulières pour remercier les spectateurs ébahis. Il ne faisait aucun doute que quelque part, on avait donné des ordres pour que cette journée ne soit pas l’une de celles que l’on nomme monotones et ennuyeuses. Sans doute quelqu’un qui a quelque chose à se faire pardonner, me dis-je, en admirant avec une certaine émotion, ces entités qui se livraient un combat ressemblant à celui de géants, dont je devinais qu’en ce jour, il n’y aurait ni gagnant ni perdant. Chacun en aura été quitte pour une belle dépense d’énergie, mais en gardant sauf son honneur.

    Toujours accoudé au balcon de ma loge privilégiée, mon regard suivait les uns et les autres sur une scène aux dimensions paraissant hors du commun. Aucun des acteurs ne semblait s’épuiser, possédant une parfaite connaissance du rôle qu’il tenait. Je me découvris même à prendre un certain plaisir, à ce que la nature nous offre avec tant de brio, sans même en attendre de notre part certaines flatteries. Le plus fier, me surpris-je à penser, c’est encore moi, qui ai le privilège de profiter de ses merveilleux cadeaux. J’en étais là de mes réflexions quand j’entendis clairement, tandis qu’un silence insolent traversa notre espace, que parmi nous, il se trouvait un insatisfait. Pas un homme ni un oiseau, bien que ceux-ci s’impatientent sous leurs refuges ; mais quel était-il, celui qui osait se plaindre alors que le reste du monde exultait ?

    Mon attention fut attirée par le cours d’eau. Déjà, à plusieurs reprises il avait manifesté son mécontentement quand le propriétaire des lieux décida de créer un étang, utilisant son lit. Il fut dérouté par cette initiative, car à compter de ce jour, il s’égarait, ayant perdu le sens du chemin qui avait imprégné sa mémoire. Et en ce jour de réjouissance pour certains, lui, était le seul qui ne s’amusait pas d’être cinglé par toutes ces hallebardes. Au début, il imaginait qu’à l’aide de tous ces jolis petits sceaux, le paradis venait puiser le trop-plein pour ravitailler ses nuages. Mais il se trompait. À la vue de l’arc-en-ciel, il pensa que le firmament en avait fait une route pour rapporter ses provisions tombées par erreur. Mais il comprit qu’il n’en était rien ! De tout ce qu’ils donnent, aucun des acteurs de ce jour ni des précédents, reprenaient une partie des offrandes si gentiment distribuées. Contre mauvaise fortune, la crique montra son bon cœur, en disant que cela fera de l’eau à porter au moulin s’appuyant à ses berges.

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