• UNE HISTOIRE DE CŒUR

    – Dis-moi, beau papillon, qui vient voler le meilleur de mon nectar, n’es-tu jamais lassé d’aller de cœur en fleur, sans jamais te poser une bonne fois pour toutes ? Pourquoi ne pas m’épouser, plutôt que de m’épuiser ? Si tu le voulais, nous pourrions unir nos destins, et ainsi éloigner de nous les incertitudes des jours.

    – Ma chère, puis-je te révéler un secret, que je n’ai encore jamais confié à aucune d’entre vous ?

    – Si tel est ton souhait, je t’écoute. Sans doute me demanderas-tu de ne pas le colporter ; donc, sois sans crainte. Quand je le désire, je ne laisse rien filtrer de mes informations. J’ouvre en grand mon calice, mais c’est pour mieux faire prisonnières les paroles que l’on ne doit pas divulguer. J’attends tes mots, merveilleux mâle velouté.

    – Si tu continues ainsi, je ne sais pas si je vais pouvoir parler. Je sens déjà mes moyens m’abandonner.

    – Cesse donc de faire celui qui ne reçut jamais un compliment. Sur notre bonne vieille Terre, il est parfaitement inutile de nous le cacher. Tout ce qui est beau s’attire, et les parfums volatiles sont dispersés par le vent pour les déposer aux pieds de ceux qui sont à la recherche de grandes émotions. Cela est si difficile à dire, que je reste sur ma faim, tandis que toi, tu te régales de mon nectar ?

    – Rien ne me paraît compliqué, jeune élégante, qui n’en est qu’au début de sa saison. Tu me demandais si nous ne pouvions pas unir nos destinées. Mais sais-tu que cette formule, je l’entends du matin au soir ? Tes sœurs et tes cousines voudraient toutes que je devienne leur compagnon pour toujours. La question que je me pose est la suivante : pourquoi céderais-je à l’une plus qu’aux autres ?

    – Parce qu’avec mes voisines, j’ai remarqué que tu n’es pas le même qu’avec moi. Il me semble que tu passes plus de temps sur mes pétales, comme si tu savais que je vais te livrer un produit extraordinaire. Donc, je me suis mise à rêver ; oui, j’ai imaginé que je détenais quelque chose de plus que mes amies. Tu es là dès que les premiers rayons ont séché tes ailes. Tu attends que la perle de rosée emprisonne mes fragrances avant de la consommer. Mais ce n’est pas tout. J’ai également noté que tu apprécies longuement lorsque tu dégustes ce divin nectar qui est le fruit d’une alchimie tenue secrète. Il est le résultat très compliqué obtenu avec l’aide du temps, celle du sol, et de la précieuse, du Roi-Soleil. J’aime l’instant où tu te décides, car tu ne le fais jamais comme un personnage sans éducation.

    – Ah ! En voilà des compliments ! Cependant, je n’ai pas mes yeux sous les ailes, tu sais ! Je ne suis pas sans avoir remarqué que je ne suis pas le seul à venir butiner. Quelques membres de ma famille rôdent aussi autour de toi, et je n’ai pas compté les abeilles et les bourdons voraces !

    – Certes, les insectes sont nombreux à ce point, que souvent, la prairie n’est qu’un bruyant vrombissement qui va jusqu’à faire trembler nos pauvres pétales. Parfois, j’en ai la nausée. Quant aux besogneuses, elles sont comme des affamées. Tant que le soleil brille, elles n’arrêtent jamais. On jurerait qu’elles cherchent à nous épuiser. Et tout cela pourquoi ? Pour engraisser une reine de gelée due à son rang, alors qu’elle ne voit jamais le jour. Tandis que toi, avec mille précautions, tu te nourris, appréciant au plus haut point ce dont je confectionne à ton intention. Si j’osais, je te dirais que tu es de la famille des seigneurs.

    – Tu ne crois pas si bien dire, chère amie de la prairie ! Je suis en effet un monarque ! Cependant, il n’y a pas de quoi sans glorifier. Je me nomme ainsi comme toi tu es une fleur parmi tant d’autres. Ce sont les hommes qui tiennent à nous affubler de tous ces patronymes. Ils aiment se compliquer la vie. Pour nous, éléments naturels, savoir que nous existons est suffisant. Nous concernant, vos couleurs et vos parfums nous attirent, et c’est cela qui construit notre bonheur. Cela dit, il est vrai que je ne suis pas insensible à ta beauté. C’est probablement la raison pour laquelle je passe l’été en ton jardin. À l’automne, en compagnie des miens, nous migrons vers nos forêts d’hiver.

    – Ce doit être une épreuve terrible ! Pourquoi aller si loin ? Nos contrées ne pourraient-elles pas suffirent ? Sans compter que le temps vous semblerait moins long, nous sachant à quelque distance de vous ?

    – Seul votre souvenir, mon amie, resterait en nos mémoires puisque de votre splendeur, ne subsisterait que de pâles feuilles attendant un vent violent pour vous emporter en un lieu inconnu.

    – Dois-je comprendre que nos cœurs brisés vous sont indifférents ?

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