• Vers un monde meilleur

    — Il est des jours comme celui-ci, où l’on se demande ce que nous faisons de notre vie et si nous savons exactement de quoi seront faites les heures qui vont la meubler. Je n’eus qu’à pousser les volets de ma demeure pour m’apercevoir que la journée serait une fois de plus des plus décevantes. L’aurore n’avait pas encore choisi l’habit qui lui conviendrait. Pourtant il ne me fallut qu’un instant pour comprendre qu’il ne serait pas imprégné de paillettes qui auraient brillé dans le soleil. Il était absent, se sentant honteux de paraître dans un ciel bas et gris. Il préféra donc rester suspendu aux nuages les plus hauts. Refermant la fenêtre, je fus, sans toutefois pouvoir l’expliquer, persuadé que cette journée marquerait probablement un tournant dans mon existence.

    Oh ! Sans doute mes pensées s’égaraient-elles vers de nouveaux rêves, cependant j’eus l’intuition qu’en ce jour je franchirai une barrière qui se dressait devant moi en tous lieux où je pouvais me rendre. Je m’empressais de regarder autour de moi pour découvrir quels étaient les éléments qui pouvaient bien inspirer un état d’esprit radicalement opposé à celui de la veille. J’inspectais tous les recoins de la maison à la recherche du détail qui aurait provoqué mon changement d’attitude. Je fus déçu ne trouvant pas le moindre indice. Mon imagination m’aurait-elle joué un mauvais tour ? Pourquoi m’entraînait-elle vers une direction inconnue s’il s’avérait qu’elle est comme toutes les autres, un mirage ?

    C’est alors que je sortis, comprenant que si un changement se produisait sans qu’il se donne la peine de rentrer chez moi, c’est qu’il avait sans doute commencé à l’extérieur.

    Nouvelle déception !

    La rue était déserte à cette heure matinale et les murs des maisons voisines étaient toujours aussi tristes et sombres. Comme toutes les aurores que le créateur esquissait sans vraiment les réussir, seule une rumeur confuse montait de la vieille ville, indiquant que des gens laborieux avaient entamé leurs tâches quotidiennes. Je rentrais et entrepris un nouveau tour dans mon domicile comme si je le découvrais aujourd’hui même. Les questions se bousculaient en mon esprit et l’une d’entre elles me fit comprendre que je ne savais toujours pas ce qui me retenait dans ces murs qui avaient traversé un autre temps.

    N’ayant personne à mes côtés à qui j’aurais pu confier mes états d’âme, je me demandais donc comme pour me rassurer : ne suis-je pas en train de me perdre dans les bas-fonds de la vie, comme l’avait fait avant moi le quartier de la ville, qui, autour de moi, semblait agoniser ?

    Je réalisais soudain que j’allais et venais à l’aveuglette dans ma destinée. Je suivais les évènements comme on le fait des jours, les uns après les autres, sans même me demander s’il m’était possible d’en changer le cours.

    Je n’étais plus moi-même. J’avais abandonné une partie de mon être à une force étrangère. J’étais comme les somnambules des temps modernes. Si tôt levé, mon corps se chargeait d’effectuer les gestes qu’il avait appris depuis toujours. Ensuite, mes pas connaissaient autant que moi, sinon mieux, les lieux vers lesquels ils avaient rendez-vous.

    Les pointeuses des usines attendent le carton de l’ouvrier en l’épiant, presque à lui reprocher son air endormi.

    Les journées s’écoulaient identiques aux précédentes, aussi tristes, sans qu’aucune initiative me fût permise. Le soir venu, comme un automate, j’effectuais le chemin inverse. Sur ma route, si je croisais quelques sourires, je leur répondais et si l’on ne me voyait pas, à mon tour j’ignorais les autres.

    Ressaisis-toi ! m’écriais-je soudain ; est-ce donc là, la vie dont je rêvais lorsque j’étais enfant ? Quitter la misère le matin, la croiser sur la route et au soir, la retrouver grandie ?

    Sois honnête ;  me dis-je comme si je m’adressais à un étranger ; que fais-tu dans ce monde irréel et penses-tu que tu sois utile à quelque chose ou à quelqu’un ? Sont-ce les souvenirs qui te retiennent entre ces murs hideux, alors qu’ils semblent être des bagages qui peuvent très bien se transporter à l’autre bout de la terre ? Sois courageux une fois dans ta vie, me fustigeais-je. Part à la recherche d’un monde meilleur, il doit bien exister quelque part !

    Prenant au mot la dernière pensée, je m’équipais d’un bagage léger, fermais la porte et inscrivis ma nouvelle adresse sur le mur qui n’avait plus vu une autre couleur depuis longtemps.

    — Je suis au pays du bonheur. Que l’on ne m’y dérange pour aucune raison ! Ceux qui ont eu un peu d’amitié pour moi comprendront que je ne demandais pas l’impossible. Je désirais uniquement savoir où le monde meilleur dont tous parlaient, mais seulement à voix basse, se cachait ailleurs que dans leurs songes.

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010

     

      


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