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UN AMOUR COMPLIQUE ½
— Au long de notre existence, j’imagine que des histoires comme celle que je vous livre, beaucoup de gens ont dû en vivre, car l’amour n’est pas quelque chose d’exclusif, mais possède de multiples facettes. Chacun d’entre nous l’aura rencontré au moins une fois, sous quelque forme qu’il fut, et nous aurons autant de récits à écouter en pensant qu’il put être nôtre. Mais quand nous sommes enfants, nous ne gérons pas nos états d’âme de la même manière ; sur nos jeunes esprits, ils ont des conséquences plus importantes, lorsqu’elles ne sont pas dévastatrices. Adultes, s’il arrive que les sentiments que nous nourrissions en vers l’être aimé viennent à nous blesser, sans pour autant l’occulter, nous supportons mieux la douleur qu’il occasionne, car nous en connaissons les raisons, à tout le moins, l’avons-nous deviné. La plupart du temps, c’est dans les yeux des gens qui sont proches de nous que nous découvrons le plus grand nombre d’informations et surtout les réponses aux questions qui hantent nos esprits.
Cependant, avez-vous songé aux tourments d’un gosse qui se voit pris dans la tempête sans trouver le moindre rameau auquel il pourrait s’accrocher ? N’entendons-nous pas trop souvent cette réflexion :
— Bah ! Il n’est qu’un jeunot ! Il aura vite oublié !
Où encore :
— De toute façon, il ne comprend pas grand-chose…
Et la vie continue pour les adultes qui sont à deux doigts d’imaginer que leur enfant à un cœur et un cerveau en formation qui perçoit chaque émotion à l’instant où elle se présente ! S’il ne dit rien, ce n’est pas pour autant qu’il n’a pas compris, mais parce que les mots lui manquent pour exprimer ses ressentis. Donc, m’arrêtant à cette page de mes souvenirs, je vous livre celui, qui me marqua beaucoup plus que je ne pouvais l’imaginer.
L’un de nos petits enfants se trouvait chez nous et venait d’ajuster son habit de sixième année. Il rentrait d’un voyage qui l’avait tenu éloigné une longue période, alors qu’à cette époque, il aimait notre maison dans la forêt où il avait la plupart de ses repères.
C’était un enfant sensible, mais discret, et pour son âge, plutôt introverti.
Soudain, alors que livre en main, je lui lisais l’un de ces contes fabuleux au cours desquels se rencontrent forcément le prince et sa belle fiancée, il me demanda me regardant droit dans les yeux :
— Grand-Père, peut-on aimer quelqu’un qui ne nous le rend pas ?
Imaginez ma surprise !
Visiblement, l’histoire que je lui racontais avait réveillé en lui des souvenirs qui lui torturaient l’esprit, à moins qu’il ne m’écoutât pas, me laissant à mon plaisir de lire un conte dans lequel sans doute j’étais le seul héros. Cueilli à froid, je m’accordais un instant de réflexion. Allais-je me dérober, et répondre par une autre question qui nous nous aurait entraînés loin de ses préoccupations ?
Et puis, soyons francs ; s’il m’avait posé cette question, c’est qu’il en avait depuis longtemps compris les tenants et les aboutissants. Sans doute souhaitait-il seulement que je le conforte dans ses déductions, à moins qu’il désirât en savoir davantage. Ne voulant pas lui laisser croire que sa demande venait de semer le trouble en mon esprit, je me lançais donc, le regardant franchement, comme s’il eût été un adulte responsable et non un enfant aux prises avec des soucis amoureux. Mais en fait, de quelle souffrance pouvait-il bien être question ?
Tu sais, dis-je timidement ; l’amour n’est pas un commandement. C’est un noble sentiment que notre cœur invente pour nous pousser à appréhender le monde qui nous entoure. Ils sont très beaux avec sa voisine l’amitié, qui, volontairement nous fait croire qu’elle est la sœur jumelle du premier, alors qu’il y a bon nombre de différences. Cependant, tu as raison. Il arrive que parfois on laisse se diriger notre compassion vers une personne dont on ignore si un jour elle nous la rendra. Ce faisant, il faut s’attendre à souffrir, car l’amour, qui désire vivre et grandir doit absolument être partagé avec celui qui lui ressemble le plus. Il ne supporte pas l’égoïsme, et ne sait exister s’il est esseulé dans un coin où il se transformerait rapidement une toute petite chose complètement rabougrie. Les bonnes graines qui rejoignent l’humus deviendront belles et sans doute porteront de magnifiques fleurs. Celles restées dans le creux de la main dans un premier temps s’ennuient et se désolent, avant de mourir d’épuisement à vouloir exister.
En vérité, je crois que l’amour, à sa façon, nous explique que nous avons besoin des autres pour être nous-mêmes.
Je ne sais pas si mes réponses te satisferont, lui dis-je, car souvent les grandes personnes se perdent sur les nombreux chemins qui mènent à lui. Il est si difficile de vivre dans une maison où l’harmonie a disparu ! (À suivre).
Amazone. Solitude. Copyright N° 00061340-1
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Commentaires
Hello René .. C'est un sujet que je partage avec toi tout a fait ..
Comment des parents qui ont vécu la guerre et ont passées des années dans des institutions disciplinaire des plus strictes , sauront transmettre a leurs enfants , la tendresse , l'amour , et la chaleur humaine après les avoir placer a leur tour dans le même circuit d’éducation difficile des l'age de 8 ans ..Le sentiment affectif dont les touts petits ont tant besoin , n'existe pas , ils ne savent pas aimer ...Il y a des mamans qui ne savent pas câliner un enfant , pour ne pas dire l'embrasser ..C'est bien triste ..Certains en souffrent tellement qu'ils arrivent a justement ne pas reproduire cette erreur et deviennent des parents les plus affectueux du monde afin de faire comprendre aux l'enfants combien ils sont aimés .. Quelques fois cette expérience douloureuse se transforme en amour , affection , compassion infini .. Mais ce n'est que mon humble opinion .. A bientot René ..Amitié des US ..
Bisous ..