• — Pardonnez-moi d’employer des mots barbares, mais je n’en trouve pas d’autres pour vous dire que « tout fout le camp ». 

    Je sais, ce n’est pas très élégant, mais je crois que c’est le terme qui convient pour définir la mutation de notre environnement. Il est vrai que sur ce coup-là, nous, les hommes, nous ne sommes pas tout à fait innocents ! Mais ne nous avait-on pas rabâché à longueur de temps que l’océan lavait tous les maux ? Que la nature sait mieux que nous ce dont elle a besoin et qu’elle détient les secrets servant à fabriquer les éléments qui viennent à lui manquer ? C’est tout juste si ceux qui prétendaient tout savoir ne nous méprisaient pas en nous faisant passer pour des ignorants. Ils avaient oublié que mère nature est la plus forte et qu’elle entend bien le rester pour quelques décennies encore. D’ailleurs pour s’en convaincre il suffit de l’observer. 

     En certaines régions, elle nous montre qu’elle est au plus mal, alors qu’ailleurs elle se dit à l’agonie, tandis que chez nous, il suffit qu’on lui tourne le dos pour qu’elle reprenne sa place. 

    En explorant la mémoire de la Terre (si, je vous assure, il y en a qui osent le faire), on voit bien qu’elle n’en est pas à ses premières mutations. Si nous étions moins orgueilleux, il y a bien longtemps que nous aurions dû l’admettre. En clair, elle essaie de nous faire comprendre que c’est à nous de nous adapter. Il est vrai que l’on rechigne toujours à reconnaître nos erreurs, mais l’histoire de l’humanité nous montre qu’en toutes circonstances nous avons dû trouver notre place, même dans un milieu hostile. En d’autres termes, si l’animal est capable de suivre l’évolution, nous, descendants de nos amis à quatre pattes, nous avons la possibilité d’en faire de même.

    Je sais, cela risque fort de ne pas arranger notre mauvais caractère, mais contre meilleure fortune, il nous faudra bien céder une part de notre cœur. D’ailleurs, si vous prenez le temps de regarder autour de vous, vous n’allez pas tarder à constater les premiers changements. 

    Voyez, le long de nos côtes ; la mer n’ose plus ramener son grain de sel tant les marées broient du noir. La banquise qu’on nous avait dite immortelle fond comme neige au soleil. Bientôt, les pingouins s’ils ne sont pas manchots devront migrer, tout comme leurs voisins les ours qui se suivent, mais ne se ressemblent plus. 

    Depuis le temps que l’on nous parle de la couche d’ozone, on se demande quand ils se décideront à en passer une seconde, la première devient poreuse. En croisant dans les océans, le spectacle est merveilleux. Les derniers baleiniers sont repartis bredouilles, ils n’avaient jamais entendu ces mammifères marins discourir de façon aussi claire. Passant près de leur bateau, celle qui menait la bande s’écria : c’est assez, on se cache à l’eau parce que nous avons le dos fin depuis que notre nourriture est contaminée ! 

    Et nos glaciers ? Ces géants aux pieds gelés depuis la nuit des temps, voilà qu’ils commencent à jeter un froid ! Il y a bien le Mont-Blanc qui essaie de se sucrer en rajoutant quelques mètres de poudreuse, mais je pense que c’est plus pour retrouver un peu d’oxygène plutôt que par orgueil. 

    Bientôt dans nos villes l’air deviendra si rare que l’on entendra de toutes parts s’écrier les gens : 

    — Nous n’en avons pas l’air, mais nous avons bien le souffle coupé ! 

    À la campagne, il sera sans doute prétentieux de vouloir s’enraciner, sauf si le sol est facile à travailler. Quant à la terre, n’en parlons pas. Elle n’est plus féconde. Elle est devenue stérile à force de vouloir lui tirer les vers, devenus myopes comme des taupes ! 

     Dans les forêts, nos apprentis sorciers traquent toujours la faune et la flore pour s’assurer qu’elle est génétiquement modifiable. 

    Nos usines qui ne se reposent jamais inventent toujours de nouveaux produits propres qui nous refileront des maladies. 

    Heureusement, la sécu qui s’associe à l’ozone creuse son trou, elle nous remboursera à crédit. 

    Dans les prés, les vaches ont le lait qui tourne et en deviennent folles. Les trains roulent maintenant à si grande vitesse qu’elles ne peuvent plus compter les wagons, tandis que dans les élevages de volailles, les volatiles s’enrhument et ont la grippe aviaire. 

    — Et nos forêts ? 

    — Ça va, merci. Elles continuent de reculer alors que dans le même temps le désert avance. 

    L’autre jour, j’ai même entendu crier un arbre, qui surprit de se retrouver seul au beau milieu d’un champ : 

     — Oh ! Vieilles branches ! Ne m’abandonnez pas ! Je vous en prie ; ne me laissez pas planté là, l’hiver frappe à notre porte et ils ne vont pas tarder à m’abattre pour se chauffer ! 

     

    Amazone Solitude 


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