• Le prix de la liberté

    Première diffusion 26 Avril 2008

     

    — De toutes les créatures peuplant notre vaste monde, il en est une qui ne cesse de me surprendre. Elle fut classée au rang des animaux jusqu’au jour où elle décida de se mettre à l’écart de sa nombreuse famille.

    En effet, ne s’estimait-elle pas investie de pouvoirs supérieurs ?

    Elle pouvait s’exprimer, penser, fantasmer et mettre en pratique tous ses rêves.

    Immédiatement, les animaux reculèrent devant tant d’orgueil déployé, car ils étaient les seuls à comprendre que si leurs voisins s’étaient redressés et pouvaient échanger autrement que par gestes et autres parades nuptiales pour conquérir une compagne, ils perdaient le bien le plus précieux dont la nature les avait dotés ; l’instinct qui permet à une espèce de survivre et de s’adapter.

    Vous l’aurez compris ; c’est de l’homme qu’il est question au fil de ces modestes lignes. Bien sûr, qu’il progressât, sa marche en avant fut telle, qu’il se dépassa dans son empressement à conquérir la planète afin de la réduire à ses fins personnelles et en devenir le maître incontesté. L’intelligence qui se fit jour en lui en lieu et place de l’instinct, le desservit plus qu’elle lui vint en aide si l’on en juge le résultat obtenu. Certes, l’homme bâtit beaucoup, il inventa tout autant, mais toutes ces prouesses grandirent sur les échecs successifs de la capacité à respecter son voisinage. La majorité de ses inventions se retournent contre lui, car il n’en maîtrise pas le destin.

    L’environnement s’épuise, les terres refusent de produire, les fleuves et rivières se transforment en poison au lieu d’apporter la vie et les populations fuient devant ce fléau qui les pousse au désespoir.

    Je sais bien que l’on ne peut pas mettre tous les évènements négatifs sur le compte des hommes ; mais bien souvent, l’ignorance et le mépris ont précipité notre chute vers ce que l’on qualifiera bientôt d’enfer. Ironie du sort ! Pour fuir cet enfer qui se dessine sur l’horizon, chaque jour par le monde des gens meurent parce qu’ils avaient eu la naïveté de croire que la vie pouvait être la petite sœur de l’éternité.

    Il s’est même trouvé des charlatans pour leur expliquer que la liberté leur tendait les bras et que la misère ne saurait être un sentiment qui résiderait au sein des familles et que l’on pouvait l’exorciser au même titre que les maléfices déposés malicieusement sur le seuil des demeures convoitées par les marchands d’illusions.

    Ils ont cru les beaux parleurs, les négociants en tous genres qui n’avaient qu’un objectif : dépouiller les innocents de leurs maigres richesses. Ils ont acheté l’espoir et la liberté au prix fort, celui de leur existence ! Chaque jour, les colonnes d’hommes trompés s’allongent, parfois abandonnées dans le désert tandis que d’autres s’embarquent sur de frêles esquifs en guise de paquebots.

    De nombreux voyageurs désespérés ne connaîtront d’autres destinations que le creux des vagues où trop souvent ils disparaissent. Pour tout linceul, la vague suivante les recouvrira si vite que le ciel lui-même n’aura pas le temps de s’attarder sur leur misère.

    Séparés de tous, livrés à l’indifférence des autres peuples, les exilés de tous pays n’en finissent plus de connaître les exodes, refoulés de tous côtés.

    Des peuples s’éteignent dans d’atroces souffrances, laissant derrière eux de profonds sillons creusés par leurs mains. Ils ont fui l’oppression, le viol, l’esclavage et s’en sont allés par les pistes à la rencontre d’autres infortunes.

    L’homme aurait donc, gravé dans le cœur, les lettres de la méchanceté ? Pareille aux braises qui attendent un souffle pour se ranimer, la malveillance guette l’instant opportun pour se manifester. Les atrocités commises ici et là transforment les pistes et les savanes jadis accueillantes, en dernière demeure et les hyènes et les charognards se disputent les rêves des cadavres jonchant le sol, avant qu’ils ne rejoignent un paradis qu’on leur avait promis. Parfois au détour d’une piste, nos pas butent sur un modeste pagne ; tel un lien, il réunit à jamais le corps de l’enfant à celui de sa mère.

    Bourreaux de tous pays, n’avez-vous pas appris de vos pères que les chasseurs d’un jour seront les gibiers d’un autre temps et que pour devenir plus fort, il est inutile de dévorer le cœur et l’âme de son prochain, car la vie des uns et des autres n’est jamais supérieure à la nôtre à celle des autres ?

    Il est vrai qu’au fil de l’évolution, bien des générations humaines, animales ou végétales ont disparu. Mais l’installation progressive de notre planète en était alors la seule responsable. De tous les hommes qui disparaissent aujourd’hui de la surface de cette Terre qu’ils ont tant aimée, ensemble ils peuvent désigner les coupables : leurs frères ; ces gens avides de pouvoir qui se prétendent des héros !

    Hélas ! Depuis longtemps, nous savons tous où reposent les héros !

     

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010

     

     


    votre commentaire
  •  

    — Parfois, il y a des histoires qui paraissent irréelles à qui ne les a pas vécues ou n’en a pas été le témoin direct. Ainsi, les lignes qui suivent pourraient sembler sortir tout droit d’un roman ou d’une légende. Et pourtant…

    Le destin n’est pas toujours notre meilleur ennemi, tant s’en faut. Écouter plutôt ce qu’il sait faire quand le temps ne le presse pas et qu’il jette son dévolu sur des êtres qui ignorent que quelque part sur la Terre, un personnage inconnu pénètre dans l’aura d’un autre, attendant, telle la graine, pour germer à la belle saison.

    Sous l’ombre des tropiques résidait un homme qui avait déjà parcouru un long chemin dans la vie. Il venait de prendre quelque repos bien mérité et c’est à cet instant que la providence se mêla de nos affaires.

    Oh ! Je vous le dis tout net : il n’était pas que l’époque qui nous séparait ;   les éléments de l’existence avaient fabriqué une trame qui ne pouvait que nous opposer. Jugez plutôt :

    Il était un homme puissant (comprenez physiquement) ; j’étais malingre et encore faible. Il lui arrivait de prendre la mer sur laquelle il laissait ses pensées épouser les vagues, alors que moi, je m’essayais à glisser sur les airs en parachute.

    Il était sur la grande et belle île de Madagascar posée par une main inconnue sur l’océan Indien ; je me trouvais très loin en face, de l’autre côté de l’Afrique, proche de l’océan Atlantique. Il était arrivé à ce tournant de l’existence qui voit l’homme s’apaiser. En moi, la fièvre de la vie était grandissante ; j’avais besoin non pas de prouver aux autres, car tout le monde ne comprend pas toujours les caractères différents, mais d’assurer mes pas avec hargne et détermination.

    À ces moments perdus, il s’enfonçait sous la forêt à la recherche de gibier, et au soir, il en ressortait les bras chargés de pintades sauvages.

    En d’autres bois, avec mes amis, nous essayions de contenir une rébellion avant de la maîtriser.

    Cet homme était très riche.

    Pas de ce que vous pourriez imaginer, car l’argent ne lui avait jamais déformé les poches. Non, ses richesses étaient soigneusement rangées dans sa mémoire. Il avait réalisé presque tous ses rêves et il lui suffisait de fermer les yeux pour choisir celui dans lequel il aurait plaisir à revisiter les plus beaux souvenirs.

    Sur le continent voisin, j’allais et je venais ; je cherchais toujours la voie qui me conduirait vers une destination que je souhaitais plus calme.

    Son histoire s’enrichissait au fil des pages et les images qui l’accompagnaient semblaient des aires de repos où il faisait bon faire une halte.

    De mon côté, je n’avais pas le moindre cahier sur les lignes duquel j’aurais pu coucher les premiers mots. En mon esprit, les lettres tournaient sans arrêt à la recherche des mots qu’elles auraient dû écrire.

    Il avait tracé tant de pistes et de routes qu’il devenait difficile d’en tenir un compte juste. Moi, j’allais sur des chemins sans chercher à savoir qui les avait ouverts pour rendre les voyages plus confortables à des gens me ressemblant.

    Il était l’héritier d’une ancienne et valeureuse famille. Il connaissait tout d’elle, depuis ce jour où certains membres quittèrent le port de Saint-Malo dans les brumes d’automne d’un autre siècle.

    Me concernant, je n’étais qu’un modeste oisillon tombé d’un nid que l’on ne retrouva jamais. Qu’importe, j’avais quand même appris à voler.

    Il avait pris femme et ensemble ils eurent sept beaux enfants. J’étais un célibataire lambda, godillant dans la vie. Le grand monsieur avait un cœur énorme, alors que le mien était indifférent. Sa dernière fille était charmante et jamais loin de sa vue, depuis que les autres avaient fondé leur propre famille.

    Du haut de mes envies, j’en vins à désirer cette jeune fille qui s’ennuyait à Mahazoarivo, territoire si retiré qu’aucun prince charmant ne le visitait. Mais le destin veillait. Contre le cours de l’histoire, il fit se rencontrer des êtres qui étaient faits pour vivre chacun à un bout du monde, sur des chemins qui ne devaient jamais se croiser.

    Voilà donc que l’insouciant, le hargneux et l’audacieux enleva aux parents, leur ultime trésor. Malgré tout ce qui les opposait, l’aîné et le cadet devinrent les meilleurs amis du monde et le plus jeune écouta avec attention les recommandations de l’ancien.

    Je compris donc que dans la vie il y avait des émotions qui naissent en silence, des victoires et autant de défaites qui font apprécier les jours qui se lèvent à leur suite. Si le bonheur habite bien à l’étage de la vie, nous ne devons jamais oublier que dans son ombre s’y trouvent greffés des moments d’égarement et aussi de douleur qui nous obligent à modérer notre enthousiasme. 

    Merci, mon cher ami, qui devint « beau papa », de m’avoir tant appris en si peu de temps !

     

     

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010


    votre commentaire
  • — Je sais bien qu’il n’est pas très élégant d’écouter aux portes, car comme le rappelait un vieil adage, connaître le contenu de l’assiette des voisins ne remplit pas les ventres affamés. Cependant, il est agréable de savoir ce qui se dit dans la nature afin de mieux l’appréhender et en comprendre les multiples arcanes. Savez-vous par exemple qu’il est indispensable, sans toutefois pousser l’observateur au voyeurisme excessif, d’aller à la rencontre des animaux qui nous effraient pour en secret apprendre à mieux les connaître et ainsi exorciser nos craintes ? Toujours est-il qu’il n’est aucune situation plus agréable que d’aller par les sentiers pour s’informer des nouveautés que dame nature a concoctées pour notre plus grand plaisir.

    On pourra me dire ce que l’on voudra, mais aucun feuilleton ne pourrait rivaliser avec les situations qui prennent naissance en même temps que l’aurore et dont le film est projeté sur le plus grand écran que l’homme n’ait jamais réalisé, le ciel.

    Ce sont, réunis en un même lieu, tous les spectacles du monde, tous les cinémas, les théâtres et les musiques de tous pays.

    Je vous le concède, il faut être patient pour saisir l’instant, la couleur ou le bruit jamais vus ou entendus au paravent. Ainsi, à peine apercevez-vous les premiers échanges d’un vieux couple de hérons que vous décidez de ne pas faire de bruit pour mieux entendre ce qu’ils ont à se reprocher. Tant pis si la nuit vous surprend, car dans la forêt, le peuple des ténèbres se mettra en route et vous pourrez deviner les belles histoires qu’il a à nous raconter. Mais pour l’heure, écoutons plutôt ce que la jeune aigrette reproche à son ami.

    — Je n’ai pas voulu écouter ma famille quand elle me disait qu’un jour je regretterais notre union. Les miens avaient deviné à l’instant où je fis les présentations que tu étais un oiseau sans ambition. Je vais t’avouer ce que les aînés m’avaient dit tout bas.

    — Il est bien vieux pour toi, tu vas t’ennuyer et vieillir à son rythme, c’est-à-dire beaucoup trop vite.

    — À cette heure, je connais bien des couples qui se rapprochent l’un de l’autre pour une nuit de rêves partagés. Je sais même que sous leurs ailes, afin que personne ne surprenne leur murmure, ils échangent des mots d’une infinie tendresse. Eux s’entendent à merveille. Ils ne sont pas comme toi à me tourner le dos, feignant de s’intéresser à une chose imaginaire à l’instant précis où j’ouvre le bec.

    Je n’ai jamais osé t’en parler avant, mais à pareille heure, tu sais aussi bien que moi qu’il n’est rien de nouveau dans notre marais que tu ne saches déjà.

    Veux-tu que je te dise ce que j’ai sur le cœur ?

    — Me donnes-tu le temps de te refuser de t’entendre ?

    — Je crois que tu manques d’enthousiasme, mon ami. Tu ne vis plus les jours, tu les subis lamentablement et tu te traînes accroché à leurs heures. 

    Moi j’ai envie que de nouveaux évènements frappent à ma porte et éclairent mon existence d’une lumière éclatante. Tu sais, j’ai l’ouïe fine et j’entends parfaitement ce qui se dit dans les environs. Avec délice, je me régale des récits de ceux de nos cousins qui reviennent de lointains rivages. Ce sont de merveilleuses histoires qui sentent bon le sable chaud et les alizés. Les plus gaillards prétendent qu’ils ont un nid dans chaque port ! Ils disent aussi que notre monde est immense et qu’il leur faut des jours et des nuits pour le traverser. Ils raillent aussi notre marais ; bien qu’il soit immense, il n’est qu’une goutte d’eau à l’échelle de notre planète, et ils en sourient.

    — Qu’est-ce qui te permet de croire que j’ignore tout cela ?

    De tous ceux qui ont l’audace d’affronter l’inconnu, je peux te dire avec certitude que beaucoup n’arrivent jamais à destination.

    Ce sont les prétentieux qui croient que l’espace leur appartient et qui ignorent les navires qui sillonnent les mers et les océans et sur lesquels ils pourraient se reposer.

    — Laisse-moi rire, mon ami ! Tu prétends cela parce que tu n’as pas le courage de les imiter !

    — Pas du tout. Apprends que du courage il en faut aussi pour accepter les contraintes de nos régions. Après tout, qui te dit que ce n’est pas leur faiblesse face aux éléments qui sont nôtres et qui les effraient qu’ils prennent la fuite chaque saison ?

    — Tu dis et tu penses ce qui arrange ta conscience, mon ami. Je te répète que j’aimerai connaître une fois dans ma vie l’ivresse de l’altitude. Je me laisserai griser par le vent s’insinuant entre mes plumes, créant la plus belle des musiques pour accompagner mon voyage. Je me laisserai porter par les courants, glissant sur l’air pour connaître les vrais plaisirs d’être enfin un oiseau à part entière.

    À tes côtés, en silence, j’ai souvent espéré un jour entrevoir ces marais qui s’abritent derrière une mangrove épaisse où la nourriture est si abondante que tu n’as que l’embarras du choix et où les crustacés donnent au plumage des couleurs nouvelles. Je crois bien mon ami que je vais me laisser séduire par le charme d’un jeune aventurier. Voilà déjà plusieurs saisons qu’il tente de me convaincre de le suivre lors d’un prochain vol.

    — Ton délire est terminé ? Je peux te dire quelques mots à mon tour ? Je connais tous ces oiseaux rares qui ne voient pas plus loin que le bout de leur bec. Ils sont prêts à tout pour séduire les jeunes écervelées de ton espèce qui pensent que la vie est un long fleuve tranquille et qui ne résistent pas dès que l’on parle d’horizons nouveaux. Ailleurs, c’est comme ici. Chaque jour, il faut manger et à chaque instant il te faut surveiller ton environnement si tu ne veux pas servir de mets à un caïman ou tout autre reptile. Les jours qui se lèvent et qui te disent que tu peux les traverser en restant allongé sur le sable fin à te reposer ne sont que des mirages.

    N’as-tu donc pas encore compris que si l’on t’a donné un long bec et de hautes pattes c’est pour fouiller la vase, et non pour faire des ronds de jambe ?

    — Tu sais que tu deviens désagréable quand tu veux ? Ce n’est pas parce que tu appartiens à la famille des hérons qu’il te faut passer ton existence à « héronronner » tranquillement !

    — Et toi, tu n’es qu’une jeune aigrette blanche, mais aigrie ! Sache ma chère amie, que si tu tiens à partir, je ne te retiens pas. Mais je t’aurais prévenue. Les jeunes qui ouvrent grand leur bec ne montrent pas qu’ils sont mieux équipés que nous. Ce n’est pas demain qu’ils leur pousseront des dents pour le garnir !

    De plus, je les connais ces jeunes produits du système. Ils se lassent vite et ton prétendant comme tant d’autres ne supportera pas longtemps tes jacasseries, car il n’a pas la patience que nous les anciens avons acquise au fil des ans.

    Il t’abandonnera sur quelques rivages inconnus et tu finiras tes jours loin des tiens et du ciel qui t’a vu naître. Enfin, si d’aventure tu venais à te retrouver seule et que tes forces sont suffisantes pour rejoindre notre vieux marais, ta place ne serait prise par aucune autre compagne.

    Je n’ai jamais su partager mon cœur au grès des caprices de l’âge. Maintenant, je ne saurais trop te recommander de dormir et laisser ton imagination voguer sur l’onde des rêves, les vrais, ceux qui ne font pas de bruit quand ils s’expriment et qui ravissent tout autant l’esprit lorsqu’ils te transportent sur d’autres continents

     

    Amazone. Solitude


    votre commentaire
  • Une âme sur un coeur— Comment vous dire en quelques mots le bonheur qui mit en transe la belle fleur haut perchée sur sa hampe impatiente de voir le calice libérer la corolle de la fleur sa voisine ? Elle sait que d’un instant à l’autre le jour s’enrichira d’une lumière nouvelle, celle des pétales sertis autour du cœur, lui faisant une ceinture dorée. Les mots qu’elle murmure sont inaudibles à mon oreille et j’imagine que seuls l’abeille ou le papillon ont le privilège d’assister aux échanges des unes ou des autres fleurs tapissant la prairie.

    À cet instant qui semble durer une éternité pour celle qui rougit de désir trop longtemps contenu, il est facile de mettre quelques paroles sur une impatience qui prend plaisir à mettre les nerfs à vif :

    — Allons ! Ma mie, cessez de vous montrer vertueuse ; dévoilez donc ce cœur que je sais être le plus merveilleux cadeau de la vie !

    Nul doute qu’à l’instant où vous serez éclose, on accourra de partout pour vous courtiser comme si vous étiez la représentante de toutes les reines et même celle des fées peuplant notre petit monde, venant discrètement nous frôler afin que nos parfums les embaument pour toujours. Je vous en supplie, belle voisine ; avant de vous laisser emporter par le tourbillon enivrant de la séduction, n’oubliez pas que vous êtes ma promise. À l’instant où vous le désirerez, si le vent vient à faiblir, nous ferons signe au papillon, afin qu’il vienne sans tarder sceller notre union sur l’autel de la destinée.

    Cet instant qui parait éphémère sera pour nous le moment le plus long, le plus merveilleux, car c’est alors que nous ne nous appartiendrons plus vraiment.

    Le papillon n’aura pas fini de déposer mon pollen sur votre cœur que vous serez alors mienne pour toujours. En échange de ce précieux amour, le vôtre rejoindra le mien me faisant devenir votre soumis à jamais. Devant le monde entier, je prête serment de ne pas vous abandonner, et de vous aimer aussi longtemps que dureront les saisons qui verront nos racines faire les efforts indispensables comme si elles voulaient se donner la main afin que nulle tempête ne vienne à nous séparer.

    J’aurais tant aimé poser mes pétales sur les vôtres comme si j’y déposais des milliers de baisers, en priant de toutes mes forces que les jours soient assez longs pour permettre à nos sentiments de passer de l’un à l’autre, afin que nos forces respectives soient ensuite traduites par le caractère exceptionnel de nos descendants. La nuit, alors que votre calice se refermera en projetant votre corolle sur votre cœur, je veillerai sur votre beauté fragile afin qu’aucun voleur de cœur ne soit tenté de s’approprier le vôtre.

    Dans la brume matinale, à l’heure où la nuit se travestit en rosée, je récolterai celle dans laquelle vous aurez pris votre bain. Je la conserverai par-devers moi aussi longtemps que le destin m’accompagnera, pour, quand la tristesse s’emparera de mon âme, poser délicatement mes lèvres sur le précieux nectar.

    Je redécouvrirai les fragrances subtiles d’un précédent printemps dans lequel vous fûtes pour moi un éther positif.

    À travers le Crystal je sentirai votre cœur battre la chamade, comme s’il voulait nous faire comprendre que même prisonnière, la vie reste toujours exaltante.

    Je sais bien que les plus belles histoires d’amour ont une fin. La nôtre n’échappera pas à la règle ô combien injuste ! Le temps viendra où je regarderai le soleil vous inonder de ses vertus et je verrai alors les abeilles gourmandes se délecter de votre nectar avant de le récolter et l’acheminer vers la ruche où il deviendra gelée royale.

    À l’instant où ce mot est prononcé, ma torture commence, car je devine que vous allez vous éloigner de moi et de notre amour nouveau.

    Vous n’êtes plus ma princesse. Pour d’autres, vous devenez la précieuse collaboratrice des reines.

    Ma si belle compagne des prés, vous voici élevée au plus haut rang.

    Afin que je reste encore un peu en votre compagnie, acceptez que l’insecte en mon cœur vole aussi mon âme et qu’il la dépose au plus près de la vôtre. Ainsi, par delà notre amour, nous partagerons l’existence des fleurs de la prairie.

    Ensemble, nous offrirons au monde les plus belles couleurs et les meilleures saveurs. Grâce à notre pouvoir magique, nous pourrons guérir les enfants les plus fragiles de la terre, en leur offrant des miels onctueux, éloignant la faiblesse et les maladies insidieuses.

     

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010

     

     


    votre commentaire
  • — Nous venons tout juste de nous éveiller, que l’on nous parle déjà du temps, de la vie, de l’existence et de tous autres qualificatifs pour nous faire comprendre que nous traversons une zone dangereuse qui ne nous appartient pas. C’est quelque chose que nous avons en commun et qu’en aucune façon nous n’avons le droit ni la prétention d’y changer quoi que ce soit. Mais en fait, de cette chose invisible qui occupe nos esprits jusqu’à la saturation, qu’en savons-nous exactement ?

    L’un d’entre nous l’a-t-il tenue entre ses mains, juste une fois, pour voir à quoi elle ressemblait ? A-t-elle une odeur, une couleur et même une saveur ?

    Quand on se frotte à elle, ressentons-nous une brûlure ou au contraire un froid si vif qu’il nous ferait trembler des pieds à la tête ? De cette vie que je qualifie souvent de merveilleuse, je n’en connais que les instants délicieux que je le lui vole. Cependant, elle ne se montre jamais rancunière. Plus je lui en prends, plus elle m’en accorde. On pourrait croire qu’entre nous c’est installé une sorte de jeu. Par contre, je peux vous certifier que jamais elle ne me demanda la moindre faveur. Sans doute est-elle trop fière pour cela.

    Sans un mot, elle me fait comprendre par certaines postures des végétaux ce dont elle a besoin. Si je ne m’exécute pas rapidement, elle attendra le moment opportun pour fabriquer ce qui lui manque. Même au cœur de ses souffrances elle nous montre qu’elle ne nous tient pas rigueur des mauvais traitements que nous lui infligeons. Elle détient un pouvoir extraordinaire. Connaissant nos faiblesses, elle prend les devants afin de s’adapter pour qu’un jour nous trouvions de quoi survivre aux dérèglements climatiques. Chaque jour je la rejoins et je lui parle comme si elle me comprenait. En a-t-elle le pouvoir ? Toujours est-il que ses offrandes sont toujours empreintes d’une immense douceur et elle me les tend sans jamais vraiment me regarder.

    Enfin, c’est juste un sentiment que j’éprouve, car je sais bien que la nature à milles paires d’yeux dissimulés un peu partout dans la forêt.

    Parfois, la vie nous laisse imaginer que ce qu’elle imagine elle le fait d’abord pour elle, car elle est sans doute la seule qui sache ce que vivre veut réellement dire. En l’observant avec patience, nous découvrons que ce n’est qu’après s’être servi qu’elle nous donne les graines de la connaissance, nous laissant le soin de les semer, afin qu’elles germent au fil des jours et grandissent jusqu’à la parfaite maturité de l’espérance.

    La vie que trop souvent nous ignorons en la galvaudant n’est cependant pas contraignante. C’est nous qui ne savons pas l’apprécier à sa juste valeur. Orgueilleux que nous sommes, à l’instar des meilleurs mets, nous aimerions la déguster en ignorant le plat qui le contient ainsi que les contraintes pour le réaliser. Pourtant, aussi vite faisons-nous à enchaîner les jours les uns à la suite des autres, notre vie d’homme ne sera jamais suffisamment longue pour en découvrir ses mystères, compter ses méandres et trouver la porte qui nous permettrait de sortir de ses nombreux labyrinthes.

    Il est à croire que des lacunes se sont glissées dans l’éducation que nous avons reçue. On a omis de nous dire que ce n’était pas sur nous-mêmes que nous devions laisser courir nos regards, mais sur cet autre personnage qui s’extrait de nos enveloppes pour aller toujours plus loin vers la vie.

    Nous sommes toujours à la recherche de la plénitude alors que nous nous prélassons en son sein. C’est comme si nous feignions d’ignorer la marmite dans laquelle nous mijotons à petit feu. Si nous tendions notre oreille, nous pourrions entendre chanter la vie. Elle nous murmurerait : « vous qui passez sans me voir », vous plairait-il enfin de comprendre que je ne suis pas votre ennemie, mais une amie qui ne vous veut que du bien ?

    Quoi que vous en pensiez, c’est moi qui vous donne votre premier souffle, et qui vous offre vos premières fleurs accompagnées de fragrances exquises. Si vous croyez qu’à l’instar des ombelles des fleurs de la pomme Rosa, elles meurent à l’instant où elles filent entre mes doigts, détrompez-vous, car c’est pour offrir une autre sorte de vie, un fruit savoureux qui enrichira votre esprit en flattant vos papilles.

    Nous, les hommes, nous nous décidons souvent trop tard à serrer les doigts pour retenir la vie lorsqu’elle s’écoule jusqu’au moment où elle vient à manquer.

     

    Amazone. Solitude. Copyright N° 00048010 

     

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique