• De Sauts en Cascades Vont les Pirogues  2/2

    — Ah ! L’émotion de sentir contre moi ce bois fièrement debout, regardant avec étonnement se traîner les restes d’un ancien, devenu plus à l’aise sur les fleuves que dans la forêt où il abandonna ses racines !

    Une de l’Approuague (fleuve de Guyane) dévoile l’existence du plus grand saut, prétend-elle. C’est le Grand Canori, puis le petit et tous les autres qui barrent le cours du fleuve. Celui que je préfère est le premier avant le village. Il se nomme Tourépée.

    Un petit malin y a établi sa barge afin de récupérer l’or perdu lors des chavirages d’embarcations durant les siècles précédents.

    Elle n’eut pas le temps de continuer son histoire, que déjà une demanda si quelques-unes d’entre elles connaissaient le Takari-Tanté sur le Sinnamary (autre fleuve de chez nous). Toutes mes planches réunies ne suffiraient pas pour compter les vies que les imprudents abandonnèrent sur son passage.

    Si l’on me laisse un instant, demanda celle du fond, je pourrai vous parler du Fracas où bien des pirogues volèrent en éclats après avoir emporté par le fond les occupants insouciants. Elle n’eut pas le temps d’apporter plus de précision que déjà une du Maroni, fière de naviguer sur le fleuve le plus long du pays (520 km), entama son couplet concernant le saut Hermina et celui du Poligoudou, dont les réputations n’étaient plus à faire.

    Celle qui jamais ne les passa n’a rien connu !

    Pour savoir ce que signifient serrer ses bois jusqu’à l’asphyxie, il est indispensable de vous faire conduire jusqu’à eux ; rien que de prononcer leur nom, déjà la crainte emplit votre canot.

    Une qui parut désabusée prétendit que l’Oyapock (fleuve frontière avec le Brésil) n’était pas en reste avec son redoutable Maripas et son non moins terrible rapide Fourmi.

    Si on le connait moins, ce n’est que parce qu’il est si effroyable que nul n’ose prononcer son nom, par crainte de porter malheur.

    À voix basse, on murmure que les rochers y sont si nombreux, qu’aucun homme n’a réussi à les compter. En toutes saisons, ils cachent leurs têtes sous l’écume bouillonnante.

    Une pirogue à l’allure modeste osa dire que cela se voyait, qu’aucune de celles réunies ce jour n’avait jamais navigué sur la Mana, cette rivière immense dite aux cent sauts ! De jour comme de nuit, la circulation y est intense, car les mines d’or sont de grandes consommatrices de carburant et autres matériels en tous genres qui sont acheminés par ce sillon argenté.

    On s’étonna qu’une pirogue aux allures de fileuse ne dise rien.

    Après que les plus effrontées lui aient demandé de raconter un instant de sa vie, elle se confia, mais sans chercher à épater l’assistance.

    — Oh ! Moi, dit-elle, presque en s’excusant, je ne connais pas toutes ces émotions auxquelles vous faites allusion. Je ne fréquente que les eaux calmes des criques sur lesquelles je promène à longueur de temps des touristes qui sont ravis d’écouter les paroles d’un guide.

    De la nature, je n’en connais que les douceurs et la beauté, les caresses des rameaux fleuris des cacaos rivières, les apostrophes des singes qui nous suivent passant d’une ramure à une autre ou de l’éclat d’une orchidée qui soudain se découvre pour le plus grand plaisir de tous. Les caresses des moukoumoukou n’ont rien à voir avec la rudesse de vos rochers affleurants vos fleuves et rivières, et je ne puis vous parler sans un certain plaisir des nénuphars qui nous offrent leurs fleurs et leurs feuilles en forme de cœur pour nous rappeler que dans la nature, il n’est pas que les émotions que vous éprouvez sur vos fleuves qui hantent les esprits, mais aussi celles qui permettent à votre cœur de devenir plus grand et plus fort et surtout qui ne se lasse jamais d’y faire pénétrer l’amour de l’eau que j’ai épousée depuis longtemps et qui durera celui qu’il plaira à mon takariste de faire durer le plus grand plaisir de tous.

    Plus aucune autre pirogue n’y allait de son arrogance ni de ses aventures tumultueuses, vécues ou imaginaires.

    Celle que l’on croyait timide aurait pu continuer encore longtemps à parler des charmes sans cesse renouvelés des paysages, de la faune et de la flore de son pays qu’elle mettait à la disposition des curieux et des amoureux de la beauté, si les tambours, sous le grand carbet où se tenait la réunion des hommes n’avaient pas envoyé leurs premiers battements, indiquant comme il est de coutume, que le temps d’entamer une longue série de contes après avoir parlé de choses sérieuses était arrivé.

     

    Se dandinant et tirant sur leurs attaches, les pirogues se promirent qu’à leur prochaine rencontre elles se livreraient davantage pendant que les hommes, ces incorrigibles, essaieraient une fois encore de refaire le monde, en prenant soin de n’y rien changer, sinon ils n’auraient plus d’excuses pour provoquer d’aussi belles rencontre !


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  •  — Ils étaient venus de tous les coins du pays pour débattre d’une situation dont les uns et les autres étaient d’accord sur le point le plus important ; à savoir que c’était maintenant ou jamais que les décisions prises lors du colloque ne devrait être appliqué une bonne fois pour toutes.

    D’une seule voix, ils disaient que cela ne pouvait plus durer en l’état. L’heure était venue pour que les plus hauts responsables dussent prendre leurs responsabilités afin que chacun puisse évoluer dans un contexte moins douloureux pour les familles résidant à l’intérieur, comme on avait coutume de le dire pour désigner les communes les plus éloignées de la capitale.

    Si les chefs coutumiers, les Gran Man et autres chefs de villages accompagnés des Griots et des Chamans avaient revêtu leurs habits de parade, ils n’avaient pas oublié de mettre leurs pirogues aux couleurs de chaque groupe. Celles-ci, justement, à l’amarre, à l’instar de leurs pilotes, trouvaient que le moment d’échanger quelques propos était tout trouvé.

    Il est si rare d’être réunies en pareil endroit !

    Pensez donc, un dégrad (débarcadère) de tout premier choix aux portes de la forêt, prêtant son sol tel un tapis recouvrant les marches des plus beaux palais ! Bien qu’épuisées par un long voyage en plus d’avoir été lourdement chargées, elles s’empressèrent de désigner leur représentante.  

    On pensait que le rôle revenait d’autorité à celle qui avait transporté l’élu le plus important, mais elle déclina l’offre au profit de sa dauphine du village le plus éloigné du territoire. Elles étaient conscientes d’une chose ; il n’était nullement question de refaire le monde ; à ce sujet, les hommes, se chargent régulièrement de la tâche, sans pour autant que la chose ou l’intention en question soit efficace, puisque les fleuves, les rivières, les criques et les marais n’avaient jamais changé le sens de leur cours.

    Alors que les discussions s’échangeaient, tandis que certaines profitaient de l’occasion offerte par le léger clapotis pour caresser leurs flancs sur de belles inconnues, quelques nouvelles embarcations se plaignirent d’être tenues à l’écart ; ce faisant, elles ne comprenaient pas tout ce qui se disait au centre. Il y eut même une petite que l’on n’avait jamais rencontrée avant ce jour qui osa parler de clan et de mise à l’écart.

    Les plus anciennes jurèrent qu’il n’en était rien et que si elle voulait comprendre elle devait respecter le vieux dicton qui disait : « couté pou tendé » ! (écouter pour entendre et comprendre)

    Timidement, la plus jeune osa demander à ce que l’on soit plus explicite, car elle ne voulait pas rester toute sa vie une jeune première que l’on ne sort qu’une fois l’an.

    — Je rêve de ressentir les frissons qui font craquer nos bois quand ils effleurent les rochers. Je sais que chaque saut possède son histoire, pour les avoir entendues se murmurer dans les villages avoisinants, par des hommes qui en tremblent encore d’émotions.

    Une autre dit en baissant la voix comme pour conjurer le sort, que nombreux sont les passages qui collectionnent les drames.

    Une autre renchérit non sans orgueil, que son takariste, et son bosseman se signent toujours en abordant les plus dangereux en prenant soin de ne jamais prononcer leurs noms !

    La pirogue la plus proche de l’élue du jour sentit ses couleurs devenir plus vives lorsqu’elle demanda à être entendue. C’était une costaude, bien faite, et qui avait déjà de nombreux voyages à son actif. Elle fit se dandiner sur leurs attaches les autres, quand elle leur raconta, un peu honteuse, sa dernière mésaventure.

    Il n’y avait pas de quoi être fière, dit-elle, même si ce n’était pas à elle qu’il fallait imputer l’incident.

    Nous allions à la rencontre d’un saut prétendu l’un des plus périlleux. Comme il en avait l’habitude, quelque instant plus tôt, le patron ouvre une bouteille d’un bon rhum, pour en verser une rasade afin de satisfaire les âmes du fleuve, afin qu’elles nous protègent durant le plus mauvais passage.

    Je ne sais pas comment il s’y est pris ; toujours est-il que les âmes n’avaient pas dû recevoir leur offrande depuis longtemps, puisque le bosseman soudain déséquilibré, lâcha la bouteille à peine entamée sur les outils reposant sur le fond, où elle se brisa.

    Le précieux breuvage imprégna mon bois à ce point, que je ne vis ni n’entendit plus rien durant de longues heures. Le lendemain, j’étais incapable de me souvenir du chemin que nous avions emprunté.

    Sa voisine, avec modestie, mais avec l’accent grave que prennent les griots lorsqu’ils chantent la gloire de la forêt, révèle sa fierté au moment où le saut devenu impraticable, les hommes tracent un layon sur les berges, permettant aux embarcations d’éviter le pire.

    À l’instant où je suis sur le sol, sans honte, je reconnais me faire plus lourde afin de goûter plus longtemps à l’humus, notre ancienne alliée d’un autre temps.

     

    Vous dirai-je avec quel plaisir mes flancs se laissent aller contre les arbres qui n’en croient pas leurs branches ? (À suivre) 


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    — Je sais, mon cher petit, sans doute es-tu encore trop jeune pour comprendre ce que je veux t’expliquer, qui est à la fois un message d’amour et une mise en garde. Mais ne nous a-t-on pas dit et répété que notre cerveau est à même d’enregistrer tout ce qu’il entend ? Sois sans crainte, cher enfant. Les mots que je vais te recommander, souvent, sur le rebord de ta mémoire je viendrai les déposer, de sorte qu’en ton esprit ils feront comme une chanson dont on ignore la provenance, mais qui tourne sans cesse en notre tête.

    Mon enfant, toi qui seras bientôt nos yeux et nos oreilles vois comme le chemin qui s’ouvre devant tes pieds est long et mystérieux. Chaque détour te révèlera ses surprises, bonnes ou mauvaises. Si tu n’aperçois pas le fondement de l’horizon, c’est que le jour veut te faire comprendre qu’il ne nous appartient pas. Tous les hommes de bonne volonté se le partagent et parfois l’embellissent. Les chanteurs lui réservent les plus belles rimes, alors que les poètes signent leurs billets avec une larme.

    Il ne te faudra pas être surpris si, tout au long de ta route, les gens que tu croiseras sont toujours plus nombreux. Certains, les plus audacieux et les plus souriants t’accompagneront, d’autres, indifférents, t’ignoreront. N’en prends pas ombrage, c’est que dans leur cœur une blessure saigne toujours. Il faut du temps, beaucoup de temps pour que les chagrins disparaissent ; du temps et des longueurs de chemin.

    Qu’importe le monde ; veille à demeurer sans reproche, personne ne cherchera à te voler ton existence, chacun à la sienne. Seuls les rêves et les espoirs sont différents et contrairement à ce que l’on pense, rarement, ils s’opposent.

    Héritier de notre amour, hier encore tu marchais dans mes pas. Tu étais heureux quand il était assuré, mais tu redoutais l’instant où il devenait incertain. C’est que le sol n’est pas toujours doux à nos pieds. Il arrive que la terre frémisse en vieillissant, et afin que nous ne l’oubliions pas, elle laisse à sa surface ses rides, pour que nous estimions ses ans.

    Les premières années, tu pouvais entendre, mais aussi écouter mes conseils, car la brise conduisait alors mes paroles vers toi. Il est vrai que tu étais souvent distrait, l’esprit déjà tourné vers les lendemains et d’autres fois vers les étoiles afin de savoir si elles offraient une autre voie, si, par un malheureux hasard, celles de la terre venaient à manquer.

    Dans le grand sablier du temps, beaucoup de grains sont déjà passés et de nombreuses pages ont été écrites dans notre grand livre de la vie. Ton pas s’est rassuré, il a trouvé son juste équilibre et s’impatiente d’aller plus loin que les paysages connus.

    Bientôt, je vais donc lâcher ta main, non sans te recommander une dernière fois de ne faire confiance qu’aux battements de ton cœur et à ce que te montrent tes yeux. Ils sont les seuls qui ne te cacheront jamais la vérité, même si elle doit être douloureuse. Tu marcheras droit en demeurant suffisamment courageux pour ne pas sans cesse te retourner.

    Souviens-toi que l’avenir est devant toi, toujours devant ! Sur les bas-côtés, tu auras soin de ne pas t’y aventurer, car c’est souvent là que se tiennent cachées les tentations et les chimères.

    Pour ton confort dans l’existence, choisis toujours une route poussiéreuse. Ceux qui t’aiment n’y retrouveront que tes pas ; jamais tes larmes, que la terre aura bues pour faire oublier tes souffrances et tes doutes. Sache que dans notre bagage, nous n’emporterons pas que des souvenirs heureux. Prends garde à ne pas entasser les douleurs, elles se renouvellent sans cesse.

    Afin de n’effrayer personne, regarde-les toujours droit dans les yeux, en leur souriant. Ils sauront ainsi que tu viens en paix.

    Le bonheur se trouvera toujours près de toi, mais sans faire de grandes démonstrations. Il est discret, c’est à toi de le trouver et de le faire vivre. Si tu veux qu’il soit complet, tu choisiras une épouse qui t’offrira des enfants qui marcheront dans vos traces.

    Un matin comme celui-ci, ils vous dépasseront et à votre tour, vous entendrez leurs chants d’amour. Il sera temps alors pour vous de les laisser s’éloigner de vous.

     

    Allez ! Va, mon enfant. L’heure de revendiquer ta place parmi les hommes et dans la vie vient de sonner. « Prend ton pied la route » comme on dit dans certaines contrées si reculées qu’elles semblent hors du temps. Et si de temps en temps tu nous fais un petit signe de la main, je crois qu’il relancera les battements de mon cœur pour quelques jours de plus et ce sera suffisant à notre bonheur vieillissant.


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    — J’imagine que tu connais mon histoire, bien chère amie ? Elle a déjà fait tant de fois le tour des prés et des lisières ! Mais sais-tu, il ne faut pas toujours croire ce qui se raconte à notre sujet. Bien sûr, nous papillonnons bien un peu, mais n’est-ce pas là notre raison d’être ? 

    Parfois en frôlant la forêt, j’entends même tes aînées dire en nous regardant passer :

    — Regardez, les amies ! Voilà le planning familial qui prend de la hauteur ! 

    — Qu’importe les racontars. Depuis la mangrove où nous sommes nés, nous savons ce que nous avons à faire : assurer la pérennité des espèces florifères ! Nous prenons notre travail à cœur (sans jeu de mots, je vous assure), et faisons de notre mieux pour remplir notre mission. 

    Je me suis même laissé dire que certains des nôtres y laissaient leur santé ! Ne pense pas que je devienne orgueilleux, ma chère amie, il n’y a pas assez de place dans mon cœur pour un si vilain sentiment. Je sais parfaitement que nous ne sommes pas les seuls à courir de cœur en cœur. 

    Nous devons vous partager avec nos voisines les abeilles. Seulement, elles ne saisissent jamais l’instant pour vous dire les mots qui font chavirer d’aise les esprits. Pour elles, une seule chose prime : le profit ! Tandis que nous, nous prenons le temps de nous poser délicatement pour ne pas vous effrayer. Puis, alors que vous vous attendez au pire, voilà que se fait jour la vraie raison de notre rencontre. La séduction ! 

     C’est vrai que dans ces moments délicats j’aurais aimé être un poète pour déclamer à chacune de vous un chant différent. Mais la nature l’a voulu ainsi, que nous ne serons jamais de vrais griots et nous devons nous en contenter. Aussi, dans la lumière du jour complice, laisse-moi te dire l’amour que je ressens pour toi. 

    Belle, infiniment belle, je te trouve en ce matin, ma fleur, mon aimée ! Prenant les rayons du soleil à témoin, je puis te dire l’immense bonheur qui est le mien, de venir en ta prairie te visiter. Te voilà tout juste éclose, que déjà tu es resplendissante. Tes pétales exhalent un parfum merveilleux qui m’enivre et je reste sans voix devant autant de grâce. 

    Mais, dis-moi, gentille petite fleur, je te trouve bien fragile pour que l’on puisse te laisser seule au milieu de la prairie sous le vent. Il pourrait endommager ta fine silhouette, te coucher dans les herbes où tu serais piétinée. Regarde autour de toi, aucune haie ne s’élève pour te protéger des rafales jalouses de ta beauté. À l’idée qu’il pourrait t’arriver du mal, je ne vis plus, me voilà angoissé, redoutant chaque instant se succédant. OH ! Ma chère amie, je t’en prie, viens dans mon jardin où tu seras en sécurité, à l’abri des intempéries et des convoitises. Je veillerai sur toi autant que sur mes biens les plus précieux. En mon domaine, jamais tu ne connaîtras la saison oublieuse ni la souffrance. 

    Chaque matin, j’irai me pencher sur toi ; non point pour te cueillir. On ne cueille pas une fleur qui est au solstice de sa splendeur. On ose tout juste admirer sa beauté et respirer son parfum. Je recueillerai chaque goutte de rosée que je boirai jalousement afin de garder en moi les subtiles fragrances qui embelliront l’éternité. Dans chaque aurore, j’irai caresser ta corolle sans jamais me lasser de te dire combien tu es douce et belle sous les caresses du jour qui t’effleure en passant, à la manière qu’ont les gens qui s’aiment de se faire un signe discret en se croisant. 

    Pour toi, après avoir chanté des odes qui racontent au monde notre amour et ta beauté, je deviendrai larve et en mon cocon je garderai prisonnier tes sourires et ton éclat pour être encore plus près de toi. Le temps fera que je deviendrai chrysalide avant de renaitre, pour à nouveau venir te respirer, te goûter, t’aimer et me délecter de ton divin nectar. Merci petite fleur de t’offrir sans retenue à mes désirs. 

    Jusqu’à ce jour, je ne possédais que ma vie, maintenant je suis aussi responsable de la tienne. Je la défendrai comme le fauve le fait de son territoire et je serai sans pitié pour celui qui ne respecterait pas nos limites ni nos émotions. 

    Je veux que les fruits de notre amour grandissent à tes pieds, tout près de ton cœur, car l’amour ne saurait se satisfaire des distances qui atténuent les sentiments, dont le bonheur à besoin, pour se nourrir afin de grandir en harmonie avec le temps. 

    Je comprends aujourd’hui ma douce amie que l’on ne naît pas heureux. On le devient chaque jour davantage. Me permets-tu, douce fleur embellissant ma vie que je te serre dans mes ailes afin que notre amour se confonde et que le soir nous trouvant ainsi rapprochés comprenne qu’il est l’heure de construire le chemin qui mène à la félicité ?

     

     


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    Si tu m’as bien écouté, petit frère, au détour d’aucune ligne il ne nous dit un mot sur un quelconque amour que la main d’un frère provoque en se posant sur celle de son cadet et qui remplacerait le baume qui apaise des doutes et aussi des douleurs.

    Il ignore le contentement du ventre qui a soudain la chance de se délecter, même de modestes reliefs de repas oubliés sur le rebord d’une fenêtre. Je suis sans aucun doute trop jeune pour savoir si l’un de nous aura un jour l’audace de décrire quels sont les sentiments qui nous tenaillent, lorsque sur les montagnes d’immondices qui s’élèvent partout autour du monde et bientôt à le recouvrir nous voyons disparaître ce que fut le bien des nantis.

    — Grand frère, la seule chose dont je sois certain c’est que la peine, aussi lourde soit-elle, qui pèse sur les épaules de ces gens-là, n’allègera jamais la nôtre, même à l’instant où elle crie sa souffrance lorsque les flammes viennent à la lécher.

    — Sans doute y a-t-il quelque chose de vrai dans ce que tu dis, frérot. Cependant, en ce jour, l’ironie voulut que cet ouvrage tombât entre mes mains et que je pusse en déchiffrer les lettres qui couraient sur les lignes.

    Sais-tu ce que m’inspire la triste histoire de ce jeune homme qui ne se plaint pas, certes, mais qui à travers son écriture nous envoie comme un message ? Je regrette presque que nous ne l’ayons point rencontré, car nous lui aurions démontré que la vie n’est rien d’autre qu’une bouffée d’espoir qui nous rend visite dès que l’aurore s’installe sur le monde pour ne plus nous quitter jusqu’à l’heure où les yeux se ferment sans que nous en ayons fait la demande.

    — Je crois, répondit le plus jeune, qu’au contraire de nous il n’a jamais rêvé. Il n’a jamais su que les lendemains se succèdent sans pour autant se ressembler et qu’il nous appartient de faire les jours pour qu’ils deviennent notre seconde famille.

    — Je crois que je devine son mal ; la liberté, mon frère ; c’est la liberté qui lui manqua ! Sans doute est-ce la raison qui le poussa à jeter son journal avant qu’il n’y écrive le mot de la fin. Car j’imagine qu’il se désolait de ne pouvoir rien inventer lui-même, tandis qu’on lui offrit ses désirs sans attendre qu’il en fasse la demande.

    — Dommage que nous ne l’ayons jamais croisé avant ce matin, dit le petit frère. Nous aurions pu lui démontrer comme il est facile de transformer la grisaille de nos jours en un ciel bleu, et la manière qu’a notre mémoire de se souvenir que d’un repas frugal, elle sait en faire un déjeuner pantagruélique. Je sais bien que ce n’était pas inscrit dans son destin, mais nous aurions également pu lui montrer que d’une montagne de déchets, nous savons la transformer en un merveilleux palais où chaque recoin recèle des milliers de trésors.

    — Je voudrais tant un jour connaitre suffisamment de mots pour à mon tour, écrire de modestes ouvrages que j’irai déposer sous les fenêtres des gens qui nous ignorent.

    — Et moi, dit le plus grand, en quelques phrases, je leur expliquerais que la vie n’a de sens que si l’on croit en elle et si l’on fait en sorte qu’elle s’intéresse à nous.

    Nous ne pouvons pas être les éternels spectateurs de l’existence. Un jour, nous devons réunir suffisamment de courage pour devenir de véritables acteurs et nous transformer en maîtres de forges, même si nous sommes encore assis près de l’enfer, écoutant gémir les malaises des riches, malheureux de n’avoir jamais vraiment existé, dans un monde où pourtant ils désiraient être les maillons indispensables.

    Voilà, mon cher petit frère, l’histoire de ce pauvre enfant à qui l’on avait caché qu’il existait de vrais princes et de belles princesses qui se désespéraient un jour, de se rencontrer ailleurs que dans les songes.

    — Quant à moi, frérot, je dirais que pour nous aider à vivre nous avons la chance de pouvoir rêver à des jours meilleurs. Tu crois que l’inconnu a rêvé une fois à quelque chose qui ressemblait à notre existence ?

    — Je l’ignore, mon cher petit frère. Ce dont je suis certain en revanche, c’est que nous aussi nous sommes riches, puisque nous avons l’espoir qu’un jour nous serons de vrais hommes.

     

                                            Fin 


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