• À vous, amis et passants, qui avez la gentillesse de vous arrêter sur cette page, nous souhaitons de Joyeuses fêtes de fin d’année. D’abord Noël, qui devrait être l’un des plus beaux partages, nous vous dédions notre amitié. À ceux qui seront oubliés, car il y en aura, nous les assurons de nos pensées affectueuses. À ceux chez qui le mal a fait son nid, nous aimerions soulager leurs douleurs, afin qu’ils connaissent enfin une période de mieux-être. Souffrant nous-mêmes, nous savons ce que parler veut dire.

    Bonne Fête et Joyeux Noël à tout le monde.

     

     

     


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  • Dans l’esprit des contes et légendes de Noël

      

    LE MARCHEUR DE NOËL      5/5– Mon cher, chez nous, nous n’avons pas pour habitude de mentir à nos enfants. Nous ne leur cachons pas la vérité ; à quoi cela servirait-il, puisqu’ils l’ont sous les yeux depuis le premier instant où ils les ouvrent ? Envers eux, nous n’avons qu’une obligation. Veiller sur leur devenir, leur montrer le chemin sur lequel ils laisseront à leur tour des traces à l’intention de leur descendance. Il nous revient aussi de travailler afin que leur ventre ne soit pas demandeur ni souffrant. Nous avons pour devoir de leur enseigner les gestes indispensables, leur expliquer les dangers qu’ils rencontreront ainsi que les tentations auxquelles ils ne devront jamais succomber. Mais, si nous leur apprenons la vie, nous n’oublions pas d’y joindre l’amitié qui marche de concert avec elle et qu’ils devront partager. C’est grâce à elle que ce soir nous vous recevons.

    – Je vais vous avouer mon sentiment, chef. Dans mon pays, aucun des cadeaux qui seront offerts ne revêtira autant de valeur que ceux que vous donnez à vos enfants. De plus, vous n’attendez pas un jour précis pour les nantir, car c’est tout au long de leur existence que chaque matin, avec la naissance du jour, un présent d’une inestimable richesse est associé à leur premier repas.

    Pendant que le chef du village et le marcheur devisaient, soudain, autour du brasier, l’ambiance avait pris de l’importance. Les femmes se séparèrent du reste du groupe et s’isolèrent un moment.

    – Pourquoi les dames se retirent-elles ?

    – Pour elles, il est temps qu’elles rejoignent le fleuve. Elles vont s’y baigner et lui abandonner les souillures des jours et des nuits. À l’instant où la lune paraîtra, elles doivent être pures afin de recevoir les bienfaits de l’astre, comme une bénédiction.

    En l’absence des demoiselles et des épouses, les hommes redoublaient d’activité. Les uns dansaient comme s’ils cherchaient à tomber en transe. D’autres lançaient dans le feu des poudres dont on ne citait pas le nom. Chacune d’elles avait la particularité de donner des couleurs différentes aux flammes, qui envoyaient vers le ciel des milliers d’étincelles. Le chef commentait à mesure que les individus, à leur tour, jetaient le précieux produit.

    – Ça, c’est pour rendre nos femmes fécondes. Celle-ci, sont destinées à la protection de nos récoltes, pour qu’elles soient épargnées des catastrophes, et repousser les attaques des insectes ravageurs. Cette poignée qui rejoint le feu est à l’intention de nos griots, mais aussi à notre sorcier. D’ailleurs, tout à l’heure, tu le verras dans son canot. Il s’approchera au plus près de la lune, afin de rentrer en contact avec elle. Il lui adressera des prières dont il est l’unique à connaître les paroles.  

    Sur l’horizon, les ténèbres s’installaient et laissaient croire à celui-ci qu’il marchait. Bientôt, les ablutions des femmes dans le fleuve furent terminées. Revêtues de pagnes neufs et colorés, elles avancèrent lentement, d’un pas mesuré, au rythme d’un seul tambour. Elles s’alignèrent ensuite face à la lueur qui se hissait dans la nuit. Sans que personne n’en ait donné l’ordre, elles s’agenouillèrent et entonnèrent un chant aux accents lancinants et émouvants. Le sorcier mit sa pirogue à l’eau et d’un geste délicat afin de ne pas la troubler (confia le chef au marcheur de Noël), il gagna le milieu du fleuve. C’est l’instant que choisit la lune pour paraître. Elle était énorme ! D’abord de couleur rousse, et à mesure qu’elle montait, elle s’éclaircissait.

    – Mon ami, murmura le responsable, lors de son ascension, aucun regard ne doit la fixer, afin de ne pas déformer les prières que nous lui avons adressées. Seul le sorcier a le droit de l’approcher. Dans un instant, il est possible que nous ne le voyions plus. Il va indiquer sa grandeur à l’astre pour qu’il nous protège.

    Les tambours reprirent leurs battements. D’abord lents, cadencés, puis de plus en plus rapides. Des chants destinés au ciel retentirent, ainsi que des cris et des suppliques. On prit soin de modérer l’ardeur du feu afin que la divinité ne soit pas éblouie. La chorale mit fin à son récital, tandis que les griots lui succédèrent en lui dédiant des contes. La lune continuait son chemin, mais sans précipitation, comme si effectivement elle appréciait les offrandes qui lui étaient adressées.

    – Dis-moi, mon ami ; regrettes-tu ta halte ? La nuit dont tu me confias le sens, te manque-t-elle ?

    – Chef, laissez-moi vous expliquer ceci : je n’ai jamais vécu aucune soirée de Noël qui puisse être comparée à celle-ci. Toute la durée de la manifestation, les frissons ont couru sur ma peau. Dans ma région, aucune fête n’a jamais bouleversé mon cœur ni mon corps. La preuve, si cela avait été, je ne serais jamais venu vers vous, dignes représentants de la sagesse. J’ai noté avec un immense plaisir que chez vous, rien ne vous est personnel. Tout est partagé, jusqu’à l’infime émotion. Cela n’existe plus dans mon pays, s’est perdu sur les chemins de l’égoïsme. Nous sommes devenus des individualistes.

    – C’est une erreur, en effet, car ici bas, rien ne nous appartient. Ce qui est à moi est aussi à toi.

    Merci grand sage parmi tous les autres. Je reçois vos paroles comme une bénédiction et je sais que demain, alors que l’aube envahira notre monde, pour vous, ce sera une nouvelle fête. Pour moi, après avoir pris mon bain de lumière, je repartirai vers le sud ; mais je ne serai pas seul, car je devine que désormais, vous marcherez à mes côtés.

    – Merci de tes mots qui vont droit à mon âme, marcheur de Noël, puisque l’on te nomme ainsi. N’oublie jamais que sur les routes que tu vas fréquenter tu trouveras d’autres amis, mais que pour demeurer un homme heureux, tu ne dois pas pour autant abandonner les anciens. Ils se tiennent au plus près de ton cœur et t’aideront à te relever si d’aventure tu faiblissais.

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  • Dans l’esprit des contes et légendes de Noël

     

     

    À l’image de ce qui se passait dans le firmament avec l’arrivée imminente de la lune, le marcheur de Noël se dirigea vers le groupe de danseurs. Se rapprochant, il dut reconnaître qu’ils étaient plus nombreux qu’il le pensait. Il se demanda même si ce n’était pas toute la contrée qui festoyait à l’orée de la forêt. Il fit encore quelques pas, puis, certain qu’il ne pouvait qu’être découvert, il marqua un arrêt. C’est alors que l’un des villageois se détacha du groupe et vint à sa rencontre, mais sans précipitation ni geste hostile. S’immobilisant à quelque distance, il lui adressa la parole, calmement, prononçant distinctement un salut qui se voulait courtois !

    – Bonsoir, ami, jusqu’à cet instant inconnu. Je me suis égaré par les pistes de la savane. Ma présence parmi vous serait-elle acceptée ? Sinon, je puis demeurer au pied d’un arbre pour y attendre le jour prochain.

    – Je ne sais pas encore qui tu es, étranger ; cependant, notre chef m’a demandé de me rendre à ta rencontre pour réclamer des informations. En fonction de ce qu’il te dira, je te laisse juge pour le ramener parmi nous.

    – Eh bien, monsieur à qui j’ai fait interrompre la danse, je viens de te l’indiquer. Je ne suis qu’un simple voyageur qui traverse le continent.

    – Si je comprends bien, tu désires aller jusqu’à la fin des terres, là où s’affrontent les océans ?

    – En effet, c’est bien la direction que je prends et si Dieu le veut, dans quelques mois, je devrais être au point que vous citez. Vous-même, connaissez cet endroit magique ?

    – Oh ! Non ; comme tous mes frères, je ne me suis jamais beaucoup éloigné de notre région, si ce n’est durant nos périodes de chasses. D’ailleurs, qu’irai-je faire ailleurs alors que ma famille et mes amis qui en font partie sont tous ici ? Vous-même, n’avez-vous donc personne que je vous trouve là à marcher sans personne d’autre à vos côtés ? Vous n’avez pas un compagnon, à moins que celui-ci soit resté en route ? Chez nous, jamais un homme ne s’aventure hors de notre territoire si l’un de nous ne le suit pas. Partir seul pourrait signifier que vous craignez quelque chose ou quelqu’un.

    – Rassurez-vous, je ne fuis personne, sinon les jours pour aller vers d’autres. En un mot, vous pouvez en juger, je ne suis pas un être très compliqué.

    – Je le constate en effet. Puisque mon aîné m’a prié de vous estimer, je le fais en interrogeant mon cœur. Si vous le voulez bien durant l’instant qui suit, je vous demanderai de ne plus parler afin de ne pas le troubler. Voilà qui est fait, étranger. Je suis satisfait et vais donc vous présenter aux miens. Dès lors, vous franchirez notre cercle, vous ne serez plus considéré comme un anonyme, mais en simple visiteur, un invité.

    – Je vous remercie bien sincèrement, monsieur.

    Durant la conversation, plus loin, les chants et les danses n’avaient pas cessé. Les tambours roulaient sur des rythmes, indiquant aux gens qu’il fallait changer de direction et de pas. Les corps se balançaient d’avant en arrière, puis de haut en bas. On ne fit pas cas de l’arrivée du nouvel ami. Celui qui l’avait introduit le présenta au chef qui lui demanda de s’asseoir près de lui.

    – Je ne connais pas encore ton nom, mais je sais que tu es l’un des nôtres, puisque mon fils a estimé que tu en étais digne. Il vient de me rapporter tes paroles, et je salue ton courage. C’est au bout du monde, où tu te rends. Il te faudra être prudent.

    – Oui, je suis conscient que mon but se trouve très éloigné. Mais je ne désespère pas d’y arriver.

    – Si tu respectes les coutumes des contrées traversées, tu découvriras certainement l’objet que tu convoites.

    – Sans doute vais-je vous paraître curieux, chef, mais que fêtez-vous en cette soirée ?

    – Nous attendons la lune. De cette année elle est la dernière et elle sera très grosse. De plus, il ne t’a pas échappé qu’elle est aussi la treizième ! Nous devons l’honorer afin qu’elle rende fécondes nos épouses, qu’elle veille sur nos récoltes pour que nous ne connaissions pas la famine et surtout qu’elle protège tous les habitants de notre région. Ce soir, elle ne sera pas une simple lune, mais une véritable divinité à qui nous rendons hommage. Dans ton pays, ne vénérez-vous donc pas les astres sous la protection desquels vous êtes placés ?

    – Non, et j’en suis désolé. D’autant plus que demain ils fêteront Noël, et comme vous, ils passeront la nuit à festoyer. Mais beaucoup oublieront la raison qui fait se réunir les hommes, au milieu de la musique et des cotillons.

    – Ah ! Oui, il y a longtemps j’ai entendu cette histoire de père Noël. D’après vous, existe-t-il vraiment ?

    – Je ne veux pas vous décevoir, chef. Mais ce n’est qu’un personnage de légende dont on se sert pour endormir les enfants. Un jour, ils découvrent tout seuls qu’on les a bernés. Toutefois, pour vous rassurer, je puis vous dire que dès l’instant où ils trouvent leurs cadeaux, celui qui est censé leur apporter n’a plus beaucoup d’importance. Au soir de la journée, ils commenceront à compter les jours qui les séparent de la prochaine fête. (A suivre)

     

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  • Dans l’esprit des contes et légendes de Noël

     

     

     

    – Quelle jouissance sublime, se dit notre marcheur, que de s’ébaudir dans la même journée, d’un lever du soleil extraordinaire, et assister à son coucher, tandis que la lune, sans état d’âme particulier, sans scrupule ni précaution, le remercie, en lui désignant la sortie ! Mon Dieu, comme ils doivent être malheureux, les individus des villes, encerclés d’immenses bâtiments leur cachant le ciel, comme si l’on voulut leur démontrer qu’il était parfaitement inutile d’espérer que le firmament réchauffe leur cœur ! On ne devrait jamais dissimuler aux hommes la lumière céleste, dans laquelle ils devraient chaque matin, prendre leur bain. Merci à toi, là-haut, qui régis le temps et les choses, pour cette offrande dont je ne me lasserai jamais !

    Il en était à ce point de ses questions quand une clarté apparut sur sa droite, à quelque distance. Il y avait donc un village non loin, qu’il n’avait pas deviné lors de sa marche. Il est vrai que le silence était profond sous la chaleur écrasante de l’après-midi. Il hésita un moment avant de se décider à se diriger vers le halot que faisaient les flammes d’un feu allumé depuis peu.

    – Serai-je bien reçu, se dit-il ? Les indigènes en général sont des gens d’un caractère particulièrement accueillant ; cependant, ne serait-ce pas une erreur que de me présenter au milieu d’une quelconque cérémonie dédiée à je ne sais quels dieux ou divinités, peut très bien être une mauvaise idée ? Il serait peut-être préférable que j’y aille dans un moment, pensa-t-il encore. Et puis zut ; il fera sombre et ils ne sauront pas à qui ils ont à faire. En les rejoignant maintenant, ils comprendront bien que je ne suis qu’un voyageur tout à fait inoffensif et sans le moindre danger pour eux. Je leur dirai tout simplement que je me suis égaré, et de ce fait, ils me demanderont sans doute de passer la nuit en leur compagnie.

    Alors qu’il réfléchissait, le ciel en avait profité pour s’enflammer, augurant d’un coucher de soleil comme rarement on peut en voir.

    – Que c’est beau, dit-il à haute voix, comme si quelqu’un pouvait l’entendre et partager son avis ! Quelle merveilleuse récompense que nous envoie l’astre lointain, descendant de son zénith ! On devine qu’il désire que jamais nous ne l’oubliions pour nous faire une démonstration ! Je me demande même s’il ne s’installe pas sur le devant de la scène pour que les spectateurs le saluent une dernière fois, en l’applaudissant à tout rompre, comme ils le font lors du rappel de l’artiste qui les a éblouit durant la représentation. On dira de moi ce que l’on voudra, ajouta-t-il sur un ton plus modéré, mais marcher jusqu’à cette sublime offrande force à faire l’impasse sur les souffrances endurées en chemin ! Si pour une raison qui m’échappe mes jambes avaient refusé de me faire avancer, je serais venu en rampant, afin d’être exact au rendez-vous.

    Tandis que l’azur continuait de rougir, il s’imagina qu’il était entretenu par l’ardeur du feu dont les flammes, tels des étendards, semblaient monter à sa rencontre. Il se souvint de ce que disaient les vieux, alors qu’il n’était qu’un enfant :

    – Petit, si tu veux deviner quel temps il fera demain, lèves la tête et observes le ciel. Selon qu’il sera bas, étiré, rose, ou parcouru de lourds nuages, ta pelisse tu auras soin de prendre ; ton béret ne saurait oublier, ainsi que le parapluie serré dans la main. Soudain, il stoppa net.

    – Est-ce un effet de mes sens abusés, se demanda-t-il, ou le firmament est-il réellement plus près que l’instant précédant ? À moins que je ne sois à nouveau victime de nouvelles hallucinations ? De toute façon, continua-t-il, il ne sera jamais suffisamment proche pour que de mes doigts je puisse y faire une déchirure ! Toujours est-il que la représentation est sans faute et grandiose. Une fois encore, qui que vous soyez, trouvez en ces modestes mots l’expression de ma profonde gratitude, ainsi que ma sincère reconnaissance.

    Si les flammes du foyer montaient toujours aussi haut vers le ciel, celui-ci perdait ses couleurs. On sentait son agonie proche. À regret, il se retirait certes, mais il le faisait, gratifiant le monde de sa mauvaise humeur. C’est l’instant que le marcheur choisit pour se diriger vers l’important groupe de villageois qui s’animaient autour du feu.

    – Pas de doute, ils dansent, se dit-il. Prudence, mon ami.

    Ayant déjà rencontré de nombreuses tribus, il se dit que de là où il se trouvait, quelqu’un avait certainement dû l’apercevoir et en avertir les autres. En tout cas, bien que la nouvelle ait circulé, elle n’affecta pas le rythme endiablé des tambours ni celui de ceux qui vivaient un véritable ballet. (À suivre)

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  • Dans l’esprit des contes et légendes de Noël

     

    – À mesure que notre voyageur avançait, la chaleur devenait accablante. Traversant une immense savane, soudain, il s’arrêta.

    – Me voici donc avec des hallucinations maintenant ? Sont-ce des mirages qui m’invitent à les rejoindre, à moins que ce soit des chimères qui se moquent de moi ?

    Elles flottaient dans un air saturé et lourd d’une moiteur inconfortable, mettant à rude épreuve l’organisme du marcheur. Plus il allait à leur rencontre, et plus elles se mouvaient dans l’espace, légères, interprétant des danses étranges. Il comprit qu’il ne les rattraperait jamais. Elles ne lui étaient pas destinées, se trouvant en ces lieux que pour obliger son esprit à demeurer vigilant, afin qu’il ne sombre pas dans l’inconscience. Se souvenant que sur son ancien continent les gens s’apprêtaient à fêter Noël, il eut une nouvelle pensée amusée envers ces personnages qui flottaient au-dessus de la piste. Il venait de les imaginer revêtues d’une longue pelisse rouge ourlée de fourrure blanche, et coiffée d’un bonnet au sommet duquel se balançait un pompon. Se reprenant, il se fustigea en se disant qu’il commençait à perdre pied dans cette étendue semblant ne jamais se terminer. Plus il marchait, et toujours la forêt qu’il apercevait loin devant lui reculait. Il comprit qu’elle était pour lui comme la Terre que devine la vigie d’un bateau. Dès l’instant où il la voit, elle n’est qu’une ombre qui flotte au sommet des vagues. Puis, au fil des heures, elle se hisse sur l’eau avant d’offrir un réel profil. Hélas ! Si le vent faiblit, les voiles devenues molles retardent l’arrivée vers le port. Il en est de même pour notre voyageur ; il avance péniblement, et il ne touchera l’abri désiré qu’à l’instant où le soir investira l’espace. Des arbustes chétifs annoncèrent la fin de la traversée herbeuse, d’où, de temps à autre, des bêtes étranges s’enfuyaient à l’approche du marcheur. Il prenait soin de ne pas s’écarter de la trace faite par les hommes depuis toujours, car elle était le seul endroit où il pouvait distinguer un éventuel reptile, attendant patiemment sa victime. Il n’était pas sans savoir que dans ces régions, la morsure des vipères ne pardonne pas aux imprudents. Enfin, il aborda la lisière de la forêt. Après avoir inspecté les environs, il se laissa tomber au pied d’un arbre de belle taille. Il était tellement épuisé, qu’il ne chercha pas à deviner à quelle famille cet immense végétal appartenait. Il se contenta  de remercier le ciel de l’avoir planté à cet endroit, en même temps que tous ceux qui formaient une sylve salvatrice. Combien d’heures resta-t-il là, allongé, le regard fixé sur la canopée, mais n’y voyant rien de particulier, comme si elle n’existait pas ? Il n’en sut rien. Il lui sembla que ce fut les caresses de la fraîcheur qui lui fit retrouver ses sens. Il se leva et revint sur ses pas. Non qu’il veuille découvrir des indices lui servant à se reconnaître, car lorsque l’on part à l’aventure, il est rare que nous comptions les bornes qui nous indiquent la longueur du chemin parcouru, avouant ainsi notre impatience, mais son instinct qui lui soufflait que s’il cherchait à terminer la journée sur une belle image, il ne devait pas tarder à reprendre sa marche.

    En tout point de la planète, la ronde du soleil et de la lune est toujours la même. Ce sont des astres curieux qui se suivent depuis la nuit des temps, sans jamais pouvoir se rejoindre, ni espérer se dépasser, et encore moins faire un bout de route ensemble, devisant tranquillement. La lumière baissait en intensité et la douceur remplaçait la chaleur. Il est un fait qui surprenait notre globe-trotter ; sous ces latitudes, les gens arborent une allure nonchalante, alors que les éléments naturels semblent toujours pressés. En effet, dès que le jour émet le désir de paraître, les choses se précipitent, afin que le Roi-Soleil n’ait pas à attendre derrière l’horizon. Très vite, il passe par-dessus, indiquant aux autres locataires de l’univers que le moment est venu de lui laisser l’espace. Il en va de même pour la nuit, qui ne traîne jamais en chemin. On croirait même que c’est elle qui pousse celui qu’elle déteste, car il lui fait de l’ombre. Et pourtant, elle sait ce que signifie l’obscurité, puisqu’elle en est la fille naturelle, ainsi que des ténèbres qui l’accompagnent. Voilà donc les instants précieux que notre marcheur ne voulait sous aucun prétexte manquer. Le premier pour le réveil du monde, le second, pour son endormissement. Quel cadeau extraordinaire, se disait-il, que d’avoir la chance d’assister aux deux principaux événements qui scandent, tel un cœur universel, les battements de la vie sur lesquels l’humanité règle la sienne ! (À suivre)

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