• — J’imagine qu’il ne vous a pas échappé que les individus sont ainsi faits, que de nos jours, lorsque l’on veut les associer par paires, on s’aperçoit vite qu’aucun n’est vraiment semblable aux autres. Je tiens immédiatement à vous rassurer ; je ne m’en plains pas, car de cette diversité est née une immense richesse. Si je vous posais une question indiscrète, y répondriez-vous ?

    Par exemple, si vous conservez le souvenir du personnage qui se construisait lentement en vous comme on le fait des édifices dont on désire qu’ils soient durables, étiez-vous du genre prudent ou aventurier, curieux ou indifférent ?

    L’évocation de ce temps lointain remue en nous bien des moments au long desquels les rires et l’insouciance s’invitaient plus souvent que l’angoisse.

    Il suffit de regarder ces enfants se laissant bercer par le pas lent, mais calculé de l’âne pour entrouvrir la porte de ma jeunesse par laquelle se bousculent les souvenirs et les anecdotes. Je ne vous cache pas que les émotions furent aussi nombreuses que les jours et même les heures égrenant les premières aurores. Ce sont ces merveilleux moments de ma vie qui décidèrent de quoi seraient faits mes lendemains.

    Il faut dire qu’à l’époque, beaucoup de choses me différenciaient des enfants de ma génération. Je les trouvais trop sages, manquants d’imagination et je me demandais si cela était le chemin normal qui conduisait à l’âge adulte. Bien sûr, à cause de mon comportement, souvent on me rappela que « les paroles ne pouvaient pas aller plus vite que la musique, qu’on ne devait jamais chercher à brûler la chandelle par les deux bouts, et qu’il était inutile d’imiter le papillon qui se dirige tout droit vers une mort certaine, en s’approchant trop près de la flamme ».

    En me penchant sur la photo, à n’en pas douter, sur l’âne, j’aurai choisi la place de devant. Prendre en main les brides m’aurait parfaitement convenu. Ainsi, de cette place, je n’aurai rien perdu de l’avenir qui dessinait déjà ses promesses. Pourquoi vous le cacher ; l’horizon m’a toujours attiré comme le nectar le fait de l’abeille. J’étais pressé d’aller découvrir ce que je devinais en silence et cette barrière qui sabrait ma vue me tentait chaque jour davantage. En un mot, je voulais savoir vers quels pays lointains et parfois plus beaux que le nôtre, comme l’affirmaient avec vigueur les adultes, couraient si vite les nuages qui passaient sans jeter un œil sur notre misère. Mon regard ne quittait jamais le ballet des oiseaux faisant des figures compliquées en vue des migrations, semblant m’indiquer le chemin à suivre. Je me suis même surpris à croire qu’ils m’invitaient à me joindre à eux. À la nuit tombante, il m’intéressait de partir à la recherche de la première étoile cachée dans les arabesques d’un ciel flamboyant.

    Sur le brave animal qui illustre mes propos, l’enfant placé à l’arrière ne repousse sans doute pas l’avenir ; mais avant de l’inventer et d’aller à sa rencontre, il veut s’assurer qu’hier n’est jamais très éloigné de la main ni de la vue. Il lui importe de savoir que ses songes sont à l’abri dans des maisons accolées aux demeures voisines, au cœur du village faisant une belle et grande famille soudée, l’une protégeant l’autre. Je suis certain qu’il pense que ses rêves ont bien existé et que les bâtisses les gardent sous leur bienveillance, même si sur leurs murs on aperçoit parfois des traces de faiblesse ou d’évènements s’y étant appuyés avant de poursuivre leur chemin.

    J’avais l’intuition que pour celui qui laissait la nostalgie l’envahir, le futur ne pouvait ressembler qu’à de l’incertitude, cette mère de toutes les tentations et de tous les dangers.

    Quant à moi, au-delà de toutes ces considérations, juché sur l’échine de l’animal, le regard scrutant loin devant, j’aurai laissé gambader mes songes, ceux qui osent poser des images sur le seuil de la nuit, là où aime s’attarder mon esprit, tandis qu’il dessine pour mon imaginaire les rêves les plus beaux, même s’ils sont insensés. Un jour, ne m’avait-il pas murmuré à l’oreille que partout où nous allons il s’y trouve toujours une natte, déroulée à même le sol, sur laquelle on dépose l’espoir qui nous accompagne ? Il nous reste alors à le recouvrir d’un tissu aussi doux que possible, afin qu’il grandisse ostensiblement durant notre sommeil, et que nous le retrouvions presque devenu adulte dans la brume des nouveaux jours naissants.

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  • — Récemment, une amie m’affirmait que notre pays était encore bien ignoré de la majorité des habitants de la vieille Europe. Pourtant il est aussi merveilleux qu’une émeraude sertie dans une monture d’or au doigt d’une jolie dame. Alors pourquoi son éclat ne porte-t-il pas au-delà de nos côtes ? Serait-ce l’importante mangrove qui l’emprisonne au passage afin d’en conserver les secrets ? Même la belle Ariane emportant dans ses bagages des lambeaux de notre région ne suffit pas à la faire rayonner au-delà de notre ciel. Sans doute est-ce dû au panache qu’elle traîne derrière elle et qui se dissout quelques instants plus tard, à la manière d’un fil qui se tord de douleur.

    Que notre carte géographique soit entièrement verte, ne dois pas vous en étonner. Notre département est la porte d’entrée de l’Amazonie qui vient s’affaler sur les côtes nord du continent sud-américain. Nous rappellerons que notre région est la plus boisée de France, avec un pourcentage élevé : 85 % ! Oui, il fallait bien laisser un peu de place aux fleuves et rivières, ainsi qu’aux savanes dans lesquelles grandissent les contes et légendes nouvellement sorties de la forêt. Cet immense pays que d’aucuns qualifient, « d’enfer vert » n’est en fait qu’un vaste jardin secret dans lequel évoluent les molécules qui soignent presque toutes les maladies. Elles sont à l’abri de la lumière, poussant dans la pénombre des bois, précieusement gardés par les Amérindiens, dignes représentants des peuples premiers, auxquels nul ne songea jamais à les nommer les meilleurs apothicaires de la planète, puisqu’ils gèrent la plus grande herboristerie du monde.

    Notre pays, en fait, est né d’une imposture historique. Il nous faut en effet remonter bien loin pour trouver les premières lignes de nos légendes tenaces. Elles datent de cette époque où les hommes avides de richesses affirmaient qu’au milieu des Guyanes, se dissimulait une cité aux toits d’or. Elle aurait été créée par le dernier Inca après la prise de Cusco par les conquistadores.   Ce prétendu trésor exposé au beau milieu de la forêt attira sur le plateau des Guyanes tout ce que la Terre comptait d’aventuriers. Bien entendu, ils ne trouvèrent jamais la fameuse ville ; beaucoup disparurent sans avoir abordé les berges du lac Paramé, à la surface duquel scintillaient, paraît-il, les paillettes d’or. On prétendait alors que chaque matin les Amérindiens venaient s’y baigner afin de recouvrir leur corps qui brillait dans la lumière du soleil, les transformant eux-mêmes en autant de nouveaux rayons qui les faisaient ressembler à leur dieu. 

    Inutile de vous dire que tous ces hommes pressés de remplir leurs coffres d’un or si facile à ramasser se livrèrent de nombreux combats afin de n’avoir pas à partager un butin que l’on affirmait être considérable.

    De nos jours, si la forêt possède une végétation à la luxuriance insolente, sans doute la doit-elle à tous ces corps d’hommes ayant versé leur sang à l’ombre des grands arbres. Ceux-ci gagnèrent rapidement la proximité du ciel afin que sous leur couvert, on oubliât vite les combats honteux qui se déroulèrent pour posséder des richesses qui étaient nées uniquement dans les esprits d’inconnus. Les végétaux précipitèrent leurs feuilles pour confectionner un humus si épais que plus personne ne retrouva les uns ou les autres chercheurs venus dévaliser la belle forêt innocente. Mais quand la honte et la souffrance s’installent en un lieu plaisant, elles ne sont pas près de l’oublier, et encore moins de l’abandonner.

    Ainsi, après cette époque tourmentée, alors que l’on croyait la région enfin guérie de ses douleurs, les hommes, toujours les mêmes, jamais à court d’idées honteuses, se lancèrent dans le commerce le plus abominable, celui de leurs semblables. L’esclavage s’installait pour des siècles.

    Aboli, les bagnards qui leur succédèrent écrivirent une nouvelle page d’histoire, toujours aussi méprisable. La mémoire de notre pays est lourde de récits douloureux. Comme si cela n’était pas suffisant, entre les lignes de chaque chapitre se glissèrent les maladies et autres fièvres, faisant dire que la région était un mouroir pour les voyageurs audacieux. Quatre siècles plus tard, cette terre d’outre-mer, fille aînée de la métropole, traîne toujours son passé et il est difficile d’arpenter la forêt, notre pas redoutant de heurter un souvenir et de le réveiller.

    Cependant, je puis vous confirmer puisque c’est en son berceau que j’ai établi ma résidence, que nulle part ailleurs le chant des oiseaux n’est aussi beau, car c’est en eux que se sont réfugiées les âmes des hommes valeureux qui ont sorti mon pays de son chagrin. Les fleurs éclatantes sont plus parfumées puisqu’elles recèlent les couleurs et les senteurs de la vie. Ma Guyane sourit chaque jour davantage, ignorant la nuance que lui réserve le ciel.

     

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  • — Nous fustigeons souvent le mauvais état d’esprit des hommes ; mais nous ne pensons peut-être pas aux phénomènes qui les ont manipulés ainsi, transformant leur cœur, d’abord doux, aimant, et généreux, en un étranger, ressemblant maintenant à une pierre indifférente, érodée par les ans. Nous sommes toujours prêts à dénoncer les inégalités qui font se compartimenter notre société au lieu de l’unir définitivement. Mais au fond de nous, nous savons bien que la majorité de nos espérances ne sont que des mirages qui dansent devant nos yeux, des chimères qui attisent les sens de nos esprits malmenés.

    Sur notre Terre où la beauté est sans égale, rien ni personne ne peut prétendre que nous naissons égaux. L’élément faible n’a jamais engendré la force, et la puissance a toujours écrasé les chétifs. Le destin est inscrit dans les gènes de tout ce qui vit et nous désoler n’enrichit aucun des nombreux sujets peuplant notre monde. Il y a forcément un responsable à toutes nos mésaventures, me répondrez-vous. Alors que nous le cherchons en tous lieux, il suffit que nous levions la tête pour le découvrir. Il est là, se tenant immobile au-dessus de nous, se cachant parfois derrière une armée de nuages qui nous en défendent l’accès. En évoquant l’immensité des cieux, je ne puis m’empêcher de penser à ces temps lointains alors que mes pas m’avaient conduit en des lieux désolés certes, mais qui forcent néanmoins au respect et à l’admiration.

    Sous un zéphyr d’un bleu azur, nous pouvions demeurer des semaines sans voir la moindre caravane, comme si nous étions perdus en lieu inconnu, à deux pas du firmament et de la terre. Pour compagnon, nous avions le vent qui faisait chanter les dunes en jouant avec le sable dans d’interminables airs languissants. Je pensais alors non sans une certaine amertume que le créateur était souvent bien injuste de détourner son regard de ces pays où la terre se meurt en fixant désespérément le ciel. Celui-ci, parfois, offre son espace à de lourds nuages gonflés d’une pluie qui apporterait tant de bonheur, même s’il était éphémère. Oui, à dessein, je dis, momentané, car, juste après l’averse improbable, le désert explose soudain de mille couleurs. Le lieu que nous pensions qu’il était désolé, dans une jouissance extrême se pare de milliers de fleurs, qui nous apparaissent comme des sourires sur un visage d’homme malheureux. Oublié, pour un temps, la misère et les souffrances, l’indifférence et les tempêtes de sable. Le désert ressemble alors à la plus merveilleuse femme qui après avoir versé des larmes de bonheur, ouvre les yeux inondés de mille couleurs.  

    Cependant, durant des années, les nuages se pressent de survoler les zones désolées comme s’ils craignaient de s’y égarer, pour vider leurs réserves en d’autres lieux où déjà l’eau est trop abondante. Dans ces jours de tristesse, mes yeux ne pouvaient se détourner du spectacle offert par le vent s’acharnant sur le minéral. Il l’arrache, couche après couche, mettant à nu les restes d’une vie délaissée par le plus grand nombre. Après des jours de tempêtes, soudain, se dressent des rochers de toutes les formes, comme s’ils étaient les derniers représentants de civilisations disparues, surprises dans leur sommeil. Durant des millénaires, ils attendaient dans l’oubli, qu’une saison bienfaitrice se décide enfin à leur rendre la vie, ignorant que sous les effets du vent des sables, du soleil meurtrier et des nuits glaciales, leurs souffrances se réveilleraient.

    Mais ne rêvons pas ; la terre d’antan est devenue stérile et nul ne saurait la faire reverdir. En ce jour qui voit le ciel traîner son ventre alourdi de nuages gonflés d’humidité, je ne puis m’empêcher de prier pour qu’il laisse son chargement frôler ces statues de pierres figées, espérant que l’une d’elles déchire l’enveloppe fragile retenant le précieux liquide qui détient la vie. Hélas ! Dans un dernier effort, le souffle du firmament les pousse vers les pays riches de forêts, afin qu’ils se posent sur la cime des grands arbres. Pendant ce temps, les vents avec la complicité des rayons ardents poursuivent leur œuvre de destruction. Les crevasses ne cessent de s’élargir et de s’approfondir. Par endroits déjà on devine que la Terre n’a pu retenir plus longtemps son âme ; désespérée, on l’imagine errante dans le désert.

    Elle aurait tant aimé quelques gouttes, non pour la ranimer, mais pour adoucir ses derniers instants.

    Vous le voyez, dans la nature comme dans la société des hommes l’égalité est bien un vain mot.

    Nous ne sommes pas sans le savoir ; durant de longues années, des peuples connaîtront la famine, tandis que d’autres succomberont de l’abondance : alors que des pays se fossilisent et que d’autres n’en finissent plus de vomir jour après jour leur trop-plein de verdure, de couleurs, de parfums, ainsi que de luxuriance, sur des gens indifférents qui n’en demandent pas tant, et qui, chaque jour, oublient davantage les obligations qu’ils ont envers leur mère Nature.

     

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  • — Quand il arrive dans notre pays, le voyageur est souvent étonné par la durée du jour et celle de la nuit. Je crois vous avoir déjà dit que depuis toujours, les deux entités ne se sont jamais disputé l’espace. Une fois pour toutes, elles règnent douze heures chacune, proximité de l’équateur oblige. Cela ne nous empêche pas de comprendre que les visiteurs peuvent être surpris, puisque sous leurs latitudes, le jour, en certaines saisons, refuse de se retirer, et que la nuit n’en a pas encore terminé avec ses rêves, que l’aube nouvelle, pressée de s’affirmer, blanchie les nuances des ténèbres.

    En regardant la photo, il ne faut donc pas se fier aux apparences. Le soir est à peine dessiné dans le ciel, que le voilà déjà sur le seuil de vos demeures et qu’en une enjambée, il vous suit jusqu’au fond des carbets. C’est l’instant que choisit le monde pour s’apaiser et oublier toutes les misères de la région ; l’heure où les larmes peuvent enfin trouver le chemin du sol, car personne ne les remarquera.

    Au cours de la vie, il y a des moments où l’homme doit savoir partager tous les éléments qui font la société, avec d’autres, plus intimes. Mais il doit aussi apprendre à garder pour lui les sentiments qui vont chercher au fond des corps le précieux liquide, qui perle sous les paupières.

    Alors que les ténèbres enveloppent le monde et ses richesses, vers la place du village, nous convergeons vers le carbet central pour écouter les décisions des anciens. Ces temps derniers, on se réunit plus souvent que de coutume, car notre peuple traverse une période de crise qui n’en finit pas de s’allonger. Les générations nouvelles rentrent maintenant en conflit avec les précédentes et parfois ont le plus grand mal à se comprendre.

    Je vous en ai déjà parlé. Chez nous, l’oralité était la façon traditionnelle de transmettre le savoir. Leur histoire ne sommeille pas dans des ouvrages poussiéreux sur des étagères oubliées. Elle se vit et se partage au présent. Nos sages sont là pour protéger l’essentiel et l’inculquer aux enfants qui auront soin de le conserver. La méthode était efficace, car elle a traversé les siècles sans jamais en perdre aucun mot, jusqu’au jour où les envahisseurs crûrent bon de changer les règles. Mais, comme le soleil qui ne nous envoie que quelques rayons, ils sont suffisants pour générer la vie, serait-il venu à l’idée de quelqu’un d’essayer de l’éteindre ? Le chaman enseigne à celui qu’il choisit les secrets de la pharmacopée et pour tout le reste de l’existence de la communauté, ce sont les petites mains qui font vivre la ruche. C’est à l’instant où l’oiseau vient de se poser que l’on peut le mieux décrire ses couleurs et son chant. Quand il s’est envolé, il est alors trop tard pour parler de lui.

    Ce que nous devons savoir des temps écoulés, nos anciens étaient là pour y faire référence et nous l’enseigner quand le besoin s’en faisait sentir. Le passé est fait pour résider en nos mémoires. Nous ne pouvons vivre avec lui sur nos épaules. Elles sont faites pour diriger nos bras qui s’y rattachent afin de défricher un nouvel abattis avant que le précédent se soit épuisé.

    J’en ai déjà parlé certes, mais je ne sais pas si nous ne devons pas insister sur le fait que notre jeunesse depuis qu’elle se rend dans les écoles, a le cœur partagé entre les cultures et qu’elle se trouve complètement déstabilisée. En la regardant évoluer avec la plus grande attention, nous avons le sentiment que c’est sa façon de vivre et son esprit que nous essayons de lui voler. Chaque fois que l’on enseigne aux fils de la forêt une histoire qui ne la concerne pas, c’est tout un pan de sa vie qui s’écroule dans la poussière où elle n’a pas le temps de s’inscrire, balayé immédiatement par un vent sournois.

    Cependant, en dépit de toutes les considérations, supporterez-vous que je vous dise ce qui les blesse le plus en dehors des postures et des réflexions ?

    C’est quand le monde se lamente haut et fort, lorsqu’il constate qu’une espèce végétale ou animale est en voie de disparition, tandis qu’il reste indifférent à l’extinction des peuples premiers.

    Le temps d’échanger quelques mots et voilà que la nuit est maintenant parfaitement installée. Nous ne devons pas la troubler avec nos lamentations. Elle ne nous appartient pas ; elle est réservée aux âmes de nos anciens qui viennent à travers elle nous apporter conseil et réconfort. Demain sera un jour nouveau et si vous le désirez, nous pourrons encore parler de leur histoire. Elle sera ce que le jour voudra qu’elle soit et aucun d’entre eux ne fera rien pour entraver son avènement.

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  • — Voilà déjà bien longtemps que vous et moi nous correspondons et je vous avoue en toute humilité, que j’ai éprouvé le plus grand plaisir à vous lire, vous recevoir et aussi vous visiter. Je sais, mon assiduité ne fut pas sans reproche. Tant de choses assaillent mes journées ! À elles s’ajoutent les caprices de l’informatique.

    À ce sujet, je reconnais qu’il n’a pas été conçu pour vivre comme nous dans la forêt, où chaleur et humidité sont notre pain quotidien, si vous me permettez l’expression. Les appareils sensibles préfèrent à n’en pas douter les maisons dans lesquelles parfois, les climatiseurs signalent bruyamment leur présence.

    Mais franchement, vous imaginez de tels outils dans notre case, où la construction est prévue pour laisser passer l’alizé qui s’y sent comme chez lui, et où il a pris ses aises ?

    Et ce fichu décalage horaire qui fait que trop souvent nos pensées ont du mal à se joindre et ne s’aperçoivent qu’à grand-peine lorsqu’elles se croisent au hasard des fils tissant notre toile laissant pendre l’un de ces fils près de notre demeure !

    Cette toile est merveilleuse, mais chez nous, elle est souvent encombrée. Si je vous disais les jours où je piétine d’impatience devant une page qui ne veut pas s’ouvrir ! Le nombre de manœuvres à faire et refaire pour expédier un message, un commentaire ou un simple sourire !

    Je reconnais que parfois mon crâne n’est pas loin de se transformer en cocotte-minute. Il ne lui manque plus que le sifflet. Avec bonne humeur, je dis que la vapeur qui s’en échappe pourrait s’apparenter à une fuite de cerveau !

    Je vous rassure ; le mien n’a pas succombé aux charmes d’un concurrent. Il semblerait qu’il soit seulement attiré par l’espace. Celui-ci risque d’être déçu, car je n’aurai jamais assez de neurones pour prétendre qu’elles suffiraient à combler le trou de la couche d’ozone !

    Mes amis, parmi vous, se trouve-t-il quelqu’un qui sait lire dans les pensées, qui chez moi, se mêlent à la vapeur ? Si tel est le cas, soyez gentil de ne pas me cacher la vérité, je suis prêt à entendre tout, dès l’instant où ce ne peut être que la réalité. Sans doute brûliez-vous de me faire un signe ; mais par charité, vous n’avez pas osé ?

    Probablement même aviez-vous remarqué que mes écrits s’en ressentaient, qu’à travers les lignes des incohérences dansaient la farandole, sautant d’un mot à un autre ; mais vous pensiez que cela ne pouvait qu’être passager.

    Je vous remercie de votre gentillesse. Mais je vous le dis tout net : surtout, ne craignez pas de me fâcher. Je suis suffisamment grand pour entendre et comprendre ce qui doit être dit. Et puis, entre nous, j’aimerais bien savoir à quoi pouvaient ressembler ces idées qui ont préféré d’autres cieux !

    Là où je demeure serein, c’est qu’il ne vous aura pas échappé en lisant dans mes songes, que je ne vous ai rien dissimulé. À aucun moment, je ne vous ai menti ; aucune rancœur ne s’était installée en moi et jamais la moindre mauvaise pensée n’avait pris possession de mon esprit. Dans la vie, je sais des gens qui voient s’effondrer leurs projets, tel un château de cartes. À mon avis, si le mal est important, il n’est cependant pas impossible de le reconstruire, et probablement avec une silhouette plus avantageuse.

    Quoi qu’il en coûte, il faut alors remettre son ouvrage sur le métier et comme pour un puzzle, il suffit de poser les pièces à leur place, sans forcer l’une ou l’autre, mais en confortant l’ensemble. Me concernant, je pense que le cas est plus grave. C’est le passé, le présent et le futur qui s’enfuient avec tous leurs bagages, en diffusant un épais nuage de vapeur afin que nul ne devine la direction qu’ils prennent.

    Étrangement, ma tête ne souffre pas.

    C’est dans mon cœur que la douleur est la plus intense, comme si c’était en cet endroit que le feu s’était déclaré. Voilà pourquoi je tenais à vous adresser rapidement mon amitié, avant qu’elle ne se soit complètement consumée.

     

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