• Le marais s'éveille— Il est des gens qui s’extasient devant un monument qui a bravé les ans pour témoigner de l’audace des hommes de l’avoir imaginé puis de l’avoir érigé.

    Depuis sa création, il est planté à la même place et sa mémoire est emprisonnée à l’intérieur d’une pierre qui a su garder sa froideur et son indifférence. Il n’y a que le temps qui se pose sur elle en passant, pour lui faire comprendre que des ans, elle en a connu quelques un, et qu’elle en inventera encore de nombreux autres !

    Il en est de même pour un tableau. On peut attribuer à son auteur tous les qualificatifs que l’on voudra, il reste inerte, suspendu à son clou. Il traduit certes de nombreux sentiments, mais ceux que l’artiste éprouva à l’instant où il esquissa les premiers traits sont à jamais enfermés dans les couleurs. C’est le musée qui le détient qui en fait sa richesse et sa réputation. On me pensera blasé des choses pour lesquelles certains dépensent des millions pour les acquérir.

    C’est peut-être à cause de cela qu’étrangement, toutes ces beautés, à mes yeux, soudainement perdent toutes valeurs qui ne seraient pas sentimentales.

    Pardonnez-moi, si mes propos vous semblent étranges. Mais je réside dans le plus grand musée que notre monde abrite et où il défile beaucoup moins de personnes, sans doute, mais aussi où l’on entend le mois d’avis étranges. Pourtant, celui-ci est vivant et chaque jour il innove pour toujours plus nous séduire.

    J’oserais dire que quiconque n’a pas assisté au lever du jour sur le marais, ne peux mesurer l’émotion qui nous étreint à l’instant où la nuit devient hésitante, laissant passer un mince filet blanc sur l’horizon avant qu’elle consente à tirer sa révérence. La base du ciel blanchi davantage, puis, discrètement vire à l’orangé avant de s’essayer au rose. La lumière se prend les couleurs dans les ramures qui dominent la canopée. Avec le premier rayon avant-coureur du soleil, la brume s’élève et envahit l’espace.

    À cet instant, nous sommes certains que la nuit règle ses comptes avec le jour et qu’ils s’isolent derrière ce voile pour rester à l’écart des éléments afin de ne pas les troubler. Tandis que le brouillard s’accroche aux arbres et se déchire sur les épineux, les hôtes de la forêt qui ont vécu la nuit se dirigent lentement, presque à regret vers le gîte ou le nid.

    Les oiseaux affûtent les premières notes. Le lève-tôt est le pipirit, que l’on pourrait aussi bien nommer réveille-matin. On penserait que les habitants des environs attendent son signal pour dire qu’il faudra compter avec eux. Les tourterelles et les pigeons y vont de leurs premiers roucoulements. Les oiseaux siffleurs mêlent leurs notes criardes à celles plus discrètes des toucans qui décident du réfectoire vers lequel ils passeront la journée.

    Encore ébouriffés, voilà les perroquets qui discutent bruyamment, mécontents d’avoir été tirés de leurs rêves. Des nids dissimulés dans les feuillages se font entendre des piaillements que l’on croirait tomber en cascade dans le marais.

    Les ibis et les aigrettes déchirent la brume en poussant des cris que l’on devine sortir du fond de gorges affamées. C’est l’heure à laquelle les grands caïmans noirs se faufilent vers les hautes herbes pour y trouver un repos bien mérité. Traversant l’espace à grand coup d’aile, ce sont les aras qui appellent les retardataires, réveillant les singes rouges qui font savoir leur mécontentement en donnant de la voix que l’on penserait être celle des grands fauves.

    Soudain, le marais résonne de bruits et de chants auxquels les crapauds et les grenouilles en tous genres prêtent gracieusement leur concours.

     C’est l’aubade.

    L’alizé n’attendait que son premier souffle pour se laisser glisser des cimes des grands arbres. Il a une manière bien particulière de prendre de l’élan pour dissiper les dernières brumes qui s’attardaient, donnant, dans le même temps, ses premiers frissons au marais qui semble heureux de retrouver la vie. Les rameaux s’agitent pour se débarrasser des derniers voiles de brouillard, ils commençaient à suffoquer. Dans les palmiers wasseye, les perruches sont réunies pour leur premier festin, tandis que l’oiseau concierge paye-payo, invisible, mais efficace invite la forêt à rester prudente dans le jour qui maintenant s’installe sans complexe.

     Prudemment, je mets ma pirogue fileuse à l’eau en prenant soin de ne rien déranger de ce qui se met en place. Je suis heureux, car sous mes yeux j’ai vu la nature se réveiller. Tel un grand maître finissant son œuvre, le soleil apporte une dernière touche de couleur, pareille à une signature.

     

     

    AMAZONE ; Solitude, Copyright N° 00048010


    votre commentaire
  •  Les pièges de la vie

    — De vous à moi nous savons pertinemment que trop souvent hélas, les sourires que la vie nous offre, ne sont que les fruits de notre imaginaire qui veut bien les créer, afin que nous ne croyions pas que notre ciel est désespérément sombre.

    Sans avoir parcouru toutes les routes qui mènent vers les secrets de chaque pays, je peux vous dire que j’ai rarement rencontré des gens qui m’aient confié que leur chemin fut un long et large ruban de velours. Par politesse bien sûr, j’aurais fait mine d’approuver celui qui se serait entêté à me persuader que pour lui ce fut le cas, mais à peine aurait-il tourné les talons, que j’aurais pensé qu’il ne pouvait être sans doute qu’un rêveur et peut-être même un farceur.

    Vous et moi, nous avons suffisamment marché sur nos routes respectives, pour savoir que s’il en existe des ombragées, il y en a qui suffoquent sous l’ardeur d’un soleil impitoyable. D’autres bordent des précipices qui semblent nous rappeler à la prudence lorsque nous les longeons la peur au ventre. Avançant toujours, la récompense nous attend sur un immense plateau, qui, pour se faire pardonner, nous offre un panorama à couper le souffle, nous laissant croire que le paradis n’est pas un songe ; il est là, à portée de nos de mains.

    Je le confirme, il s’en trouve quelques-unes qui longent les vallées au fond desquelles les hommes ont bâti leurs villages comme une invitation adressée au bonheur afin qu’il y séjourne en paix. Mais la réalité est bien là, dès nos premiers pas hésitants. Le chemin ressemble à tout, sauf à un doux ruban accueillant. D’ailleurs, ne fuit-il pas le pied qui ose le défier en se levant si haut que l’on penserait qu’il est la première marche qui conduit vers les sommets ?

    C’est à cet instant que l’on comprend que seul, nous ne parviendrons pas à avancer. Il nous faudra bien accepter la main tendue qui nous invite à nous redresser, qu’elle soit celle d’un parent ou d’un ami.

    Il en sera ainsi tout au long de notre destinée. Tantôt, nous prendrons les mains dirigées vers nous pour nous sortir d’un mauvais pas, tandis que nous tendrons la nôtre en direction de nos amis, les vrais, ceux qui se reconnaissent de loin. L’humilité leur commande de ne jamais se poster en première ligne, car, de ce qu’ils sont ou ce qu’ils font, ils n’en tirent aucune gloire. Tel un phare ces amis nous attirent, comme l’aimant séduisant l’aiguille.

    Nos chemins traversant la vie prennent souvent un malin plaisir à nous compliquer la tâche, comme s’ils cherchaient à nous éprouver. Les lignes droites sont peu nombreuses et souvent trop courtes. À peine, commençons-nous à nous y sentir à l’aise, qu’un premier virage se dessine qui en cache bien d’autres au sortir desquels se dresse toujours un nouveau piège. Toutefois, notre conscience nous commande d’avancer, car notre destinée ne supporte pas que nous musardions en route. Alors, pour nous encourager, elle dresse devant nous une route douce à notre pas qui imprime sa marque afin que l’on sache que cette journée fut celle de la joie, embaumée du matin au soir par les parfums de Dame nature.

    Le temps d’apprécier ces bienfaits, voilà que déjà au loin se profilent d’autres inconvénients. Nous ne devons pas oublier que le miel n’est pas inépuisable. Nous ne pouvons impunément consommer celui de la ruche sans laisser les abeilles repartir vers une prochaine récolte. C’est à cet instant que de nouveaux pièges se précisent, car ils savaient notre méfiance engourdie par le nectar des fleurs. Paradoxalement, nous avons besoin de ses entraves à la bonne marche de notre vie. Elles sont là pour nous obliger à nous dépasser, nous faisant comprendre à leur manière que tout au long de notre parcours, tout est à faire ou à refaire. Rien n’est définitivement acquis. Nous devons anticiper l’avenir si nous ne voulons pas qu’il nous surprenne.

    Chaque pas est une victoire sur nous-mêmes et sur la vie que nous devons fixer en face, avec un regard qui ne saurait tromper.

    Gardons-nous de laisser nos mains derrière le dos ! Elles doivent toujours être prêtes à saisir et écarter les imprévus qui se mettent en travers de nos chemins.

    La richesse de notre existence n’a pas d’égale, sinon la hargne que nous mettrons au service de notre vie, sans jamais relâcher nos efforts pour repousser les tentations d’abandon.

     

     

    Amazone Solitude 


    votre commentaire
  • Ultime avertissement

    — Vous allez me dire que c’est encore un discours qui concerne notre planète, alors que trop peu d’entre nous se soucient de son devenir (comparativement à la population mondiale). Je sais bien que nous en avons parlé, mais au vu de ce qui a été réalisé jusqu’à présent, je pense que nous n’en reparlerons jamais suffisamment.  

    Nos sentiments pour notre terre devraient ressembler à ceux qui nous poussent à préserver l’amour que nous déployons pour protéger l’époux ou l’épouse, l’enfant ou l’ami et encore tous ceux qui dans notre cœur occupent une place importante.

    Notre planète est tellement malade, que les regards et les questions des spécialistes de tous les pays n’y suffiront pas pour la soigner ni même la guérir. Le mal qui la ronge nécessite un effort de chacun d’entre nous pour espérer la sauver.

    Je me demande parfois si nous nous serions mal expliqué que tant de gens n’ont pas compris les messages.

    Quand notre monde ressemblera à une peau de chagrin, il ne sera plus temps d’imaginer des stratagèmes pour enrayer son mal. Le bout de notre route ne sera plus loin, nous serons au pied de l’horizon, terminus d’un si long voyage qui pourtant fut tellement beau !

    Quand, depuis l’espace, nous ne pourrons plus reconnaitre notre planète parmi toutes celles qui occupent l’univers, alors le désastre sera consommé et toutes les larmes des survivants n’y suffiront pas pour soulager le dernier arbrisseau dressant ses maigres rameaux vers un ciel qui n’entendra plus rien.

    Aucune graine ne pourrait germer dans l’amertume des larmes qui ne plaindront que ceux qui les verseront plutôt que de s’apitoyer sur les maux qu’ils ont causés. Il sera temps alors de rendre des comptes. Aucun de nous ne sera épargné ni exempté du châtiment suprême. Il aurait été trop facile de couper les plus belles fleurs et de les laisser dépérir à côté du vase rempli d’eau sans penser que l’on aurait pu recevoir la moindre punition.

    L’heure sera d’autant plus grave que nous n’oserons plus regarder nos enfants dans les yeux au moment de la transmission de l’héritage. Avec quels mots pourrions-nous leur dire que nous avions reçu des nôtres une terre en bon état alors que nous leur transmettons dans un état proche de la stérilité ?

    Nous ne pourrons qu’expliquer en balbutiant que le temps des rêves est bien terminé, ceux des livres de contes, des fées et de leurs princes charmants se sont refermés avant même d’avoir tourné la dernière page des ouvrages merveilleux dans lesquels caracolaient des montures qui parvenaient à frôler les nuages de leurs crinières.

    Nous n’aurons plus à chercher la saison que nous traverserons. Elles seront toutes les mêmes, grises d’abord, avant de s’obscurcir de teintes dont se couvre les ténèbres.

    Le temps des divisions aura sonné la charge. Autour des derniers puits, les survivants se battront pour l’ultime goutte d’une eau polluée et empoisonneuse. Nous aurons investi des fortunes pour ne pas dire les richesses de nos pays dans la recherche et l’élaboration d’armes toujours plus dévastatrices. Nous nous vanterons d’être allés explorer l’espace en piétinant les rêves d’enfants, mais nous aurons assoiffé des peuples refusant d’investir dans des moyens rationnels pour accéder à la première source de vie, l’eau potable.

    Pour assurer l’essentiel de nos besoins, la nature a mis à notre disposition des trésors que nous avons ignorés ; pire, nous les avons méprisés ! Nos ancêtres avaient bien compris eux qu’il ne fallait prélever que l’essentiel si nous voulions que la belle vie dure une éternité. Il ne leur serait jamais venu à l’esprit de supprimer le poteau central du carbet pour faire du feu, au lieu d’aller ramasser le bois mort qui attend patiemment sous la forêt.

    Nous passons notre temps à imaginer de nouveaux maux, nous laissons échapper des virus de nos laboratoires, mais nous sommes incapables d’assurer les lendemains de nos enfants. A-t-on vu une mère jaguar chasser sans rapporter la plus belle part à ses petits ?

    Il est vrai que l’homme est un éternel insatisfait. Il n’est qu’à regarder derrière nous pour nous apercevoir que les millénaires se sont passés à guerroyer pour anéantir les peuples et s’approprier leur pays. Malgré tous ces actes de barbarie, les siècles n’ont pas suffi pour mettre notre planète à genoux. Tout juste a-t-elle subi quelques blessures rapidement refermées. Alors que nous, à peine un siècle aura suffi pour qu’en tous points du globe des signaux d’alerte clignotent, nous prévenant de l’imminence du danger. Pouvons-nous prétendre que nous avons réussi notre passage sur la terre ?

    Un défi nous est lancé. Serons-nous à la hauteur pour le relever, ou devrons-nous réapprendre à prier ?

     

     Amazone Solitude


    votre commentaire
  •   

    Le regard de la vie

    — Son regard n’était pas comme tous ceux que l’on rencontre au hasard de nos flâneries. Il était si vaste, que l’on eut dit de lui qu’il était infini, à moins qu’il ne le fût lui-même. Il possédait quelque chose d’étrange, pareil à l’océan dont on aime s’y plonger, mais dont on redoute aussi ses colères. En le regardant, cependant, on avait envie de s’y baigner et ne plus jamais revenir sur la terre ferme. Mais peut-on raisonnablement résider toute une vie à la surface d’un simple regard ? Toute une vie… mais oui ! Voilà, je crois qu’il était la vie à lui tout seul !

    Une vie particulière, comme une cité fantôme dans laquelle on aperçoit des gens, mais dont les visages ne sourient jamais ! Une ville flottant dans l’espace, avec des rues si larges qu’aucun personnage ne s’y heurte à un autre, ils semblent se traverser sans même se voir ni se toucher. Les maisons sont aussi floues que les brumes des rêves et sur le seuil de leurs portes, jamais une main ne vient à la rencontre de la vôtre pour essuyer la larme suspendue aux cils, refusant de se laisser tomber par crainte de se perdre à son tour.

    Son Regard était à la fois beau et tendre ; heureux et malheureux, joyeux et triste.

    Mais comment peut-on être à la fois le jour et la nuit, me demandais-je ? Comment peut-il être ici et au loin, fixé sur nous et perdu dans le monde ? Il semblait me regarder, me dis-je alors qu’il escaladait les montagnes, voguait au-dessus la mer océane, séduisait le ciel dont les nuages s’étaient faits discrets afin qu’il puisse permettre au regard d’effleurer le ciel qui s’était rapproché, à la manière d’un amant qui veut déposer un premier baiser sur des lèvres qui semblent n’avoir jamais osé parler ?

    Oui, ce regard qui me fascinait doit appartenir à l’une de mes sœurs, me dis-je ; il ne peut en être autrement, car seuls les gens comme nous connaissent certains éléments de la vie que beaucoup ignorent qu’ils puissent exister. Seule la solitude peut se nourrir de l’infini, car comme lui, nous ne connaissons pas d’avant, nous ne savions pas où nous allions et jamais nous n’avons osé revenir sur nos pas.

    Oui, les gens qui ont connu les incertitudes et même les impostures de la vie connaissent les angoisses qui naissent dans les matins, tandis qu’eux-mêmes se retiennent encore aux nuées de la nuit de crainte d’affronter celles du jour.

    Cependant, alors que le gouffre les attend, chez ces gens-là, un sursaut d’orgueil leur rappelle qu’ils ne sont pas différents des autres. Ils sont faits de sang et de chair comme eux, ils vivent, travaillent, deviennent mères pour les femmes et pères pour les autres. Pour être définitivement comme les autres, il leur suffit de traverser la rue et marcher du bon côté de la vie. Plutôt que de poser le regard au-delà de l’horizon, il leur suffit de prendre la main tendue, car même si elles ne sont pas nombreuses, il ne fait aucun doute qu’il y en a toujours.

    Et puis, ce qu’il y a d’enfoui au fond de nous, nous ne pouvons le conserver à l’image d’une vieille pelisse. Un jour, nous devons changer d’habit ; c’est l’occasion pour faire le grand bouleversement au fond de nous. Pourquoi refuser de rentrer dans la vie par la grande porte ? Elle ne nous reproche rien et ne peut surtout pas nous rendre responsables des fautes que nous n’avons pas commises. Comment a-t-on pu imaginer que la saison oublieuse n’était faite que pour nous ?

    Nous devons nous rappeler qu’après elle, il y a le renouveau, puis les jours longs et chauds de l’été avant de retrouver le merveilleux automne qui accroche ses couleurs jusqu’au fond des yeux des hommes. Quand la saison hivernale revient, elle n’est que le repos de nos esprits toujours empreints des fragrances de l’été.

    Je regarde ce beau regard et je me dis qu’il pourrait appartenir à beaucoup d’autres que j’ai croisés sur mes chemins de misère. Je n’ose lui donner un nom, car il est celui de la tendresse jamais avouée, de l’amour dissimulé et surtout celui de l’espoir enfin retrouvé. Oui, je peux bien vous le dire puisque nous sommes dans les confidences : de mon existence, je n’ai jamais vu de jour qui ne succéda pas à la nuit. Si le soleil est unique, sur tous il projette sa lumière. Et si cela peut nous soulager, une fois au moins dans notre vie nous pouvons poser notre regard sur les autres et sur les choses qui nous entourent, car c’est au plus près de nous que se trouve notre part de bonheur. Quand nous l’avons trouvé, il nous reste à le protéger et le poser sur notre cœur, car il est le seul qui a le pouvoir de le faire battre en même temps que lui.

     

    Amazone.Solitude 


    votre commentaire
  • Rêves et douceurs— J’ignore si c’est le bleu de l’azur qui tente mon esprit à s’évader, mais il me vient comme une envie de penser à autre chose, m’évader vers d’autres rivages, ne plus entendre la rumeur du monde sinon celle que le vent imagine et nous murmure à l’oreille.

    Il est vrai qu’en tous lieux, pourvu qu’ils soient loin des villes besogneuses et bruyantes, il est possible de trouver la béatitude, cet instant merveilleux qui nous laisse croire que notre esprit se libère de l’enveloppe charnelle. Soudain, il s’immobilise un instant au-dessus de nous avant de s’enivrer dans les airs à la source de la liberté.

    J’aurai pu fixer mon choix sur le sommet d’une montagne, l’endroit le mieux placé pour nous assurer que nous sommes sur le toit du monde, au plus près du ciel. Mes désirs auraient pu aussi me conduire à quelques pas d’une belle forêt ourlée de prairies vertes et douces, où à chaque instant une nouvelle fleur s’épanouirait et où les papillons ne finiraient jamais de danser.

    Mais je ne sais pas pourquoi j’ai laissé mon imagination me guider vers la côte, juste à un endroit où les éléments se rejoignent et s’épousent. Venues de loin, sans doute de l’autre côté de l’océan, les vagues s’allongent sur le rivage qui prête son sable pour adoucir le roulement de l’eau qui se confond en écume avant de retourner chercher une nouvelle respiration dans un prochain mouvement de l’océan.

    Seule, me voilà seule en un lieu qui pourrait ressembler au bout du monde, et où la musique ne ressemble à aucune autre. Elle est celle que le vent joue dans les palmes des cocotiers qui se balancent comme pour en rythmer la cadence.

    C’est une musique métisse, car elle vient de partout, empruntant la voie des airs avec la complicité des souffles céleste, visite les feuilles longues et souples avant de retomber en une pluie légère, se déposant partout autour de moi.

    La grève ressemblerait à un immense livre qui me prêterait ses pages. Sur le sable, comme pour exorciser mes pensées, j’écrirais toutes mes souffrances, mes peines de cœur et tous les autres maux qui tourmentent mes jours et hantent mes nuits. Ma page d’écriture terminée, pour une fois dans ma vie, j’assisterais à un miracle, car en un revers de la main j’effacerais les douleurs et réduirais les fantômes au silence les condamnant à l’exil.

    Avant que le mal s’écrive à nouveau, je tracerais bien vite une autre histoire dans laquelle l’héroïne serait chaque jour visitée par l’amour et la tendresse. Afin qu’aucune vague ne vienne effacer les mots, je les écrirai hors de leur portée, ainsi, depuis le ciel pourra-t-on lire, que la joie réside au bout du monde.

    Allongée sur la plage, ouvrant soudain les yeux sur le firmament témoin de mon bonheur, j’imaginerais ton visage, dessiné dans les nuages courant dans le ciel d’été. Je le devinerais courroucé à l’instant où il se rendrait compte que c’est le soleil qui caresse ma peau en s’y attardant plus que de raison, jusqu’à la rendre aussi dorée que celle des filles des îles.

    Comme c’est un jour où les folies me sont permises, l’alizé ne serait pas en reste. Il serait comme un jeune prétendant un peu fou, jouant dans mes cheveux défaits, se prêtant à ses caprices.

    Offerte sans retenue au regard de la nature, j’écouterais avec une profonde attention battre mon cœur. Je serais très émue, car pour la première fois, je sais qu’il ne parlerait qu’à moi, se désolant tout de même de ne pouvoir sortir de sa cage pour me montrer sa joie d’être si heureux de m’appartenir.

    Sentimentale comme je le suis, je sais que je ne pourrais retenir des larmes qui remplacent les mots quand ils ne savent pas expliquer l’extase. Je crois que ce sera alors la plénitude, celle qui visite les corps en paix, s’installant à tout jamais au plus profond des êtres.

    Si tel est votre désir, n’attendez pas pour confier vos songes au destin, il est le seul qui sache vous indiquer où trouver le bonheur, même sans sortir de chez soi. Il nous suffit de fermer les yeux, et en secret, pour nous, il dessine les plus beaux rêves.

    Amazone. Solitude

     

     


    votre commentaire